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Nous entendons ou lisons régulièrement nos représentants politiques louer les idées, les lois ou les principes de nos voisins européens. Ils nous vantent régulièrement les mérites des modèles allemands, danois, suédois ou encore britanniques. Il est cependant un sujet sur lequel nos élus se gardent de lorgner par delà nos frontières: le cumul des mandats. Et pour cause...
Suite à l'excellente initiative de Quitterie Delmas avec son mois de buzz militant contre le cumul des mandats, j'ai entrepris ma propre recherche sur le sujet. J'ai d'abord voulu prendre pour approche la conception du cumul dans d'autres grandes démocraties. Première surprise: l'expression "cumul des mandats" n'a pas d'équivalent usuel en anglais. Il existe bien des traductions plus ou moins littérales comme "plurality of mandates" ou "multiple terms of office", mais la pratique étant rarissime en dehors de la France, notre ami Google trouvera plus de sites mentionnant THE "cumul des mandats" que d'autres utilisant un terme officiel anglophone. Même sur Wikipedia, version internationale, on utilise l'appellation française dans le texte. C'est dire à quel point la pratique du cumul des mandats est "bien de chez nous".
J'ai alors cherché plusieurs articles de presse étrangère sur le sujet. Celui-ci, du New-York Times, vaut son pesant d'or. On y décèle une ironie certaine sur le fait que plusieurs ministres de l'actuel gouvernement se sont lancés dans la bataille des dernières élections municipales, de Christine Lagarde à Xavier Bertrand en passant par Rachida Dati. On y rappelle que le cumul des mandats, ayant atteint un sommet lorsque le maire de Paris était également Premier Ministre en la personne de Jacques Chirac de 1986 à 1988, est pratiquement un sport national. D'ailleurs, si vous avez bien lu l'article Wikipedia, nous sommes passés de 36% de députés cumulards en 1946 à 96% (!) en 1988. Aujourd'hui nous sommes autour de 85%, selon le New-York Times, contre environ 20% en Allemagne, en Italie ou au Royaume-Uni.
Pourquoi les élus français aiment tant cumuler? Sur ce point la presse étrangère ne va guère plus loin que ce nous savons déjà. Cumuler une fonction locale permet à un élu possédant déjà un mandat national de garder un lien avec le réel, le concret, les électeurs. Ça vaut mille sondages, selon Xavier Bertrand. Soit... admettons. Mais si ce lien est si vital, il n'est pas interdit de communiquer, ni de déléguer, ni d'associer. Ne pourrait-on pas imaginer d'autres solutions? Par exemple que chaque député et sénateur puisse avoir un partenaire attitré, un binôme qui aurait un mandat local? Cela permettrait aux deux mandats d'être exercés à temps plein, justifiant ainsi le versement d'indemnités pleines.
Je crois que d'autres avantages au cumul ont plus de réalité. Les élus locaux peuvent ainsi faire du lobbying au niveau national ou européen pour obtenir des faveurs ou des financements pour le développement de leurs villes ou régions. Les cumulards peuvent additionner les avantages financiers et matériels. Ils assurent dans le même temps une solution de repli en cas de perte d'un mandat. Ils s'assurent aussi une visibilité dans les médias, ce qui, sachant que les candidats estampillés "vu à la télé" ont un avantage acquis sur leurs adversaires plus anonymes, est loin d'être négligeable d'un point de vue carriériste.
Et puis, l'ambition politique faisant souvent mauvais ménage avec la fidélité ou les scrupules, la véritable origine et l'attachement qu'ont nos élus pour le cumul des mandats se cachent peut-être dans cette citation de Valéry Giscard d'Estaing:
"La trajectoire d’un élu politique en France répond à deux lois simples : on se présente à une fonction pour préparer sa candidature à la fonction suivante ; lorsqu’on est élu à la fonction supérieure, on conserve la fonction antérieure de manière à éviter qu’un « intrigant » ne vienne reproduire à vos dépens le parcours que vous venez de réussir. D’où l’obsession de cumuler les mandats."
Mieux vaut en rire?
Mieux vaut réformer. Sans doute est-il temps pour nos élus d'étudier les modèles étrangers, notamment allemands, britanniques ou mieux danois et finlandais, qui nous distancent de manière presque humiliante en terme de respect de la parité, du renouvellement des générations d'élus ainsi que de la corruption.
Aurélien
Suite à l'excellente initiative de Quitterie Delmas avec son mois de buzz militant contre le cumul des mandats, j'ai entrepris ma propre recherche sur le sujet. J'ai d'abord voulu prendre pour approche la conception du cumul dans d'autres grandes démocraties. Première surprise: l'expression "cumul des mandats" n'a pas d'équivalent usuel en anglais. Il existe bien des traductions plus ou moins littérales comme "plurality of mandates" ou "multiple terms of office", mais la pratique étant rarissime en dehors de la France, notre ami Google trouvera plus de sites mentionnant THE "cumul des mandats" que d'autres utilisant un terme officiel anglophone. Même sur Wikipedia, version internationale, on utilise l'appellation française dans le texte. C'est dire à quel point la pratique du cumul des mandats est "bien de chez nous".
J'ai alors cherché plusieurs articles de presse étrangère sur le sujet. Celui-ci, du New-York Times, vaut son pesant d'or. On y décèle une ironie certaine sur le fait que plusieurs ministres de l'actuel gouvernement se sont lancés dans la bataille des dernières élections municipales, de Christine Lagarde à Xavier Bertrand en passant par Rachida Dati. On y rappelle que le cumul des mandats, ayant atteint un sommet lorsque le maire de Paris était également Premier Ministre en la personne de Jacques Chirac de 1986 à 1988, est pratiquement un sport national. D'ailleurs, si vous avez bien lu l'article Wikipedia, nous sommes passés de 36% de députés cumulards en 1946 à 96% (!) en 1988. Aujourd'hui nous sommes autour de 85%, selon le New-York Times, contre environ 20% en Allemagne, en Italie ou au Royaume-Uni.
Pourquoi les élus français aiment tant cumuler? Sur ce point la presse étrangère ne va guère plus loin que ce nous savons déjà. Cumuler une fonction locale permet à un élu possédant déjà un mandat national de garder un lien avec le réel, le concret, les électeurs. Ça vaut mille sondages, selon Xavier Bertrand. Soit... admettons. Mais si ce lien est si vital, il n'est pas interdit de communiquer, ni de déléguer, ni d'associer. Ne pourrait-on pas imaginer d'autres solutions? Par exemple que chaque député et sénateur puisse avoir un partenaire attitré, un binôme qui aurait un mandat local? Cela permettrait aux deux mandats d'être exercés à temps plein, justifiant ainsi le versement d'indemnités pleines.
Je crois que d'autres avantages au cumul ont plus de réalité. Les élus locaux peuvent ainsi faire du lobbying au niveau national ou européen pour obtenir des faveurs ou des financements pour le développement de leurs villes ou régions. Les cumulards peuvent additionner les avantages financiers et matériels. Ils assurent dans le même temps une solution de repli en cas de perte d'un mandat. Ils s'assurent aussi une visibilité dans les médias, ce qui, sachant que les candidats estampillés "vu à la télé" ont un avantage acquis sur leurs adversaires plus anonymes, est loin d'être négligeable d'un point de vue carriériste.
Et puis, l'ambition politique faisant souvent mauvais ménage avec la fidélité ou les scrupules, la véritable origine et l'attachement qu'ont nos élus pour le cumul des mandats se cachent peut-être dans cette citation de Valéry Giscard d'Estaing:
"La trajectoire d’un élu politique en France répond à deux lois simples : on se présente à une fonction pour préparer sa candidature à la fonction suivante ; lorsqu’on est élu à la fonction supérieure, on conserve la fonction antérieure de manière à éviter qu’un « intrigant » ne vienne reproduire à vos dépens le parcours que vous venez de réussir. D’où l’obsession de cumuler les mandats."
Mieux vaut en rire?
Mieux vaut réformer. Sans doute est-il temps pour nos élus d'étudier les modèles étrangers, notamment allemands, britanniques ou mieux danois et finlandais, qui nous distancent de manière presque humiliante en terme de respect de la parité, du renouvellement des générations d'élus ainsi que de la corruption.
Aurélien
3 commentaires:
Bien le bonjour,
Quel bon article, tout y est. SI, les journalistes Français pouvaient écrire aussi clairement, la France pourrait avancer vraiment, mais là, c'est pas gagné. Heu, un tel talent au MoDem, n'est pas pas trop ? ENcore bravo, très bon travail. JD gueuante.fr
Je dirai pareil qu'Anonyme, tout y est. Merci pour cette pierre apportée à l'opération sur le non cumul des mandats.
A très bientôt pour te lire !
très bon article qui fait suite à l'opération de Quitterie sur le sujet
virginie v
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