mardi 23 décembre 2008

Au service de Sa Majesté

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On va bien s'entendre parce qu'on n'a ni le même calendrier, ni les mêmes ambitions, sauf celle qui nous réunit aujourd'hui : servir Nicolas Sarkozy.
[Brice Hortefeux]




Comme prévu depuis la nomination de Patrick Devedjian au ministère de la relance, puis celle de Xavier Bertrand à la tête de l'UMP, Brice Hortefeux vient compléter avec ce dernier le nouveau tandem dirigeant du parti majoritaire. Un tandem qui, selon cette déclaration du fidèle parmi les fidèles de Nicolas Sarkozy, devrait donc fonctionner. Tant mieux pour eux.



Et tant mieux pour le Président de la République qui achève ainsi sa prise de pouvoir de l'UMP, ayant placé tous ses lieutenants aux postes clés. C'était déjà officieux, et donc contestable. C'est à présent officiel et assumé, le premier parti de France est au service de... Nicolas Sarkozy. Les français? Secondaires. Sarkozy d'abord. À l'UMP, quand on parle de réformes et d'idées, de réformes et de projets, il n'y a désormais plus qu'une seule finalité: le succès de Sarkozy Nicolas.

Brice Hortefeux ne prend par n'importe quelle responsabilité au sein du parti sarkoziste. Il sera en charge des investitures. L'appareil est donc cadenassé. Désormais pour défendre les couleurs de l'UMP dans une quelconque élection, il faudra être aligné ou avoir une "monnaie" d'échange digne d'intérêt pour l'Élysée. Il deviendra dans le même Ministre du Travail, c'est à dire en charge du dialogue social. J'y vois un conflit d'intérêt. Mais quand le trésorier du même parti n'est autre que le Ministre du Budget, plus rien ne surprend.

Qu'en pensent les dizaines de milliers de militants de l'UMP? Eux qui en quelques mois ont vu le bureau politique de leur parti totalement rénové sans jamais être consultés, encore moins appelés aux urnes mais sans doute invités à renouveler leur côtisation, acceptent-ils ces nominations? Qu'en pensent les citoyens français qui par leurs impôts participent au financement des partis politiques? Le parti qui reçoit la plus grande part de se financement n'est désormais, c'est même son ambition, plus à leur service.

Que Brice Hortefeux médite cependant: un service n'oblige que celui qui le rend (Nestor Roqueplan).


Aurélien
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vendredi 19 décembre 2008

Le quelque chose de l'écume

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Ce billet fait suite à celui du 17 décembre: L'écume de quelque chose...

Pour pousser ma réflexion, qui avait dans un premier temps abouti à ce premier billet, j'ai simplement été relire la définition du terme fascisme. Que vivent encore longtemps les dictionnaires et encyclopédies en ligne. Sur le site de Larousse, le terme fascisme est expliqué de manière très complète et détaillée. Une section a particulièrement retenu mon attention. Je me permets de la rapporter plus bas.

Avant ça, je tiens à le dire tout de suite, nous ne sommes pas, à l'heure actuelle, dans un régime fasciste. Mon but n'est absolument pas de me montrer alarmiste ni paranoïaque. Mais les signes semblent suffisamment nombreux et clairs pour s'inquiéter sérieusement d'une dérive dangereuse et appeler à une vigilance citoyenne de tous les instants. Car quand ça en a la couleur, le goût et l'odeur...


Ainsi commence le fascisme. Il ne dit jamais son nom, il rampe, il flotte, quand il montre le bout de son nez, on dit: "C'est lui? Vous croyez? Il ne faut rien exagérer!" Et puis un jour on le prend dans la gueule et il est trop tard pour l'expulser.
[Françoise Giroud - Gais-z-et contents]






SOCIOLOGIE DU FASCISME
(en gras ce qui me trouble, entre crochets le parallèle avec la situation actuelle)


L'idéologie fasciste exalte la réconciliation des hommes par le travail et concentre dans les mains d'un chef la toute-puissance de l'État. [campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy centrée sur la valeur travail et concentration du pouvoir à l'Élysée]

Le terme de fascisme désigne à l'origine spécifiquement la dictature établie par Benito Mussolini en Italie en 1922, mais, l'exemple italien ayant donné lieu à de nombreuses imitations, il qualifie aujourd'hui un certain type de régime politique. Le fascisme est d'abord une organisation de l'État qui vise à la réalisation pratique d'une idée essentielle. Il est en quelque sorte l'aboutissement monstrueux d'un idéalisme forcené : niant l'évidence des conflits ou des contradictions entre les intérêts des diverses classes et des groupes sociaux, il cherche à les réconcilier dans l'accomplissement du destin d'une communauté qui n'existe que dans l'esprit de ses dirigeants. [négation, minimisation ou indifférence vis à vis des conflits sociaux]

C'est ainsi que Mussolini, ne pouvant suffisamment invoquer l'histoire de la nation italienne, de création récente, trouva ses symboles et son imagerie dans la Rome
antique, tandis que Hitler alla chercher encore plus loin son idée force : le pseudo-concept nazi de race est si confus et l'histoire des Aryens si mal connue que l'on peut affirmer n'importe quoi, y compris la suprématie de ceux-ci et leur incarnation germanique. D'autres « valeurs » orientant l'action peuvent aussi être proposées, qui, toutes, donnent au pays concerné une image idéale de lui-même et aux citoyens des âmes de héros. On peut noter, du reste, que l'appareil religieux, parfois à son corps défendant, est souvent utilisé par le fascisme.

Les traits principaux de l'organisation fasciste sont la politisation totale de la cité, le monolithisme et l'autoritarisme, la structure pyramidale de la société, l'élitisme mystique. [L'ingérence du politique dans tous les domaines, souvent de manière autoritaire]

La politisation totale implique que tous les gestes des citoyens ont une signification que seuls les gouvernants sont aptes à préciser, et la distinction entre vie privée et vie publique est abolie
[rapprochement politique & people], tandis que les idées dominantes doivent être imposées à tous [absence de débats, y compris au sein de la majorité], fût-ce par la violence. Les membres du parti, puis, éventuellement, tous les citoyens sont rangés par ordre d'importance ; le supérieur détenant toujours la bonne interprétation par rapport à l'inférieur, il s'ensuit que la clé est détenue par le chef suprême [main mise de Nicolas Sarkozy sur l'UMP, rappels à l'ordre des ministres au moindre écart].

Enfin, le fanatisme mystique fait des chefs non seulement les représentants et les exécutants du pouvoir, mais aussi les détenteurs de la vérité absolue
[arrogance des responsables et portes-parole de l'UMP, envers l'opposition comme envers les voix internes dissidentes].

Le culte de l'ordre apparaît ainsi comme ayant des résonances plus religieuses que purement politiques : nombre de gouvernements, autoritaires ou non, accordent un grand prix à l'ordre public, mais le fascisme en a une obsession quasi hystérique
[dérive sécuritaire récente: responsabilité pénale à 12 ans, détection de la délinquance dès 3 ans, régulation d'Internet, descente de police dans les écoles, arrestation d'un journaliste...].

Les discussions continuent entre spécialistes sur les causes essentielles des victoires momentanées de ces régimes totalitaires. Il est certain que la crise économique et le désordre politique sont nécessaires pour qu'un mouvement fasciste réussisse à s'emparer du pouvoir [crise économique en cours et désordre politique de l'opposition mais aussi de la majorité], mais cela ne résout pas le problème du soutien populaire qui lui permet de s'y installer. En effet, contrairement à de nombreuses dictatures qui s'établissent à la faveur d'un coup d'État, le fascisme utilise un parti de masse ; sa tactique est de provoquer le désordre pour invoquer l'ordre et d'attirer ainsi l'assentiment et l'adhésion de la petite classe moyenne, la plus menacée de prolétarisation en cas de crise [médiatisation à outrance de l'insécurité depuis 2002, propagation de la précarité].

De plus, ses slogans anticapitalistes et socialistes touchent facilement certains groupes plus défavorisés, tandis que les patrons de l'industrie ne voient pas d'un mauvais œil l'instauration d'un certain ordre dans leurs usines. Ce soutien très divers permet au parti fasciste de s'emparer des leviers de commande à la faveur d'une élection générale. Après seulement, le parti modifie la Constitution pour se maintenir au pouvoir
[récente réforme de la constitution qui affaiblit le parlement, redécoupage de la carte électorale].

Du reste, ce processus ne fut parfaitement réalisé qu'en Italie, au Portugal et en Allemagne. Dans ce dernier pays, le puissant parti communiste crut longtemps que le nazisme était un feu de paille aveuglant provisoirement les masses ; il négligea le fait qu'au début des mesures réellement socialistes furent prises et que des sociaux-démocrates et des communistes sincères se laissèrent abuser
[RSA, ouverture au centre et à gauche].

Wilhelm Reich a aussi émis l'hypothèse, bien avant la victoire nazie, que la répression sexuelle subie par le peuple rendait possible un soulagement libidineux dans les phantasmes sadiques de l'ordre nouveau
(Psychologie de masse du fascisme). Enfin, le fascisme ne touche jamais profondément aux structures économiques ni aux structures familiales, différant essentiellement en cela avec certains autres régimes totalitaires.

Qu'en pensez-vous? N'hésitez pas à me laisser vos impressions ou votre analyse sur ce texte comparé au contexte actuel en France.


Aurélien
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Une chaîne pour le centième...

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C'est déjà mon centième billet sur ce blog. Avant d'entretenir une nouvelle chaîne je tiens à remercier tous ceux qui viennent par ici pour me lire, m'encourager ou me contredire. Le nombre de visiteurs croît régulièrement et je n'ai franchement pas à me plaindre de leurs qualités.

Je remercie aussi les autres blogueurs, que je visite régulièrement (voir ma blogroll en bas à droite...), pour ce qu'ils m'apprennent et pour les quelques visiteurs qu'ils m'envoient. Aux premiers rangs Arnaud, l'Hérétique, Quitterie, Claudio, Françoise, Nelly et Christophe.

Christophe Ginisty, qui n'aime pas les chaînes, a justement eu la bonne idée d'en lancer une. Il s'agit de citer deux sources de doutes concernant le MoDem contre trois sources d'espoir. L'un des premiers tagués fut l'Hérétique, qui refila la patate chaude à Nelly qui, dans un élan revanchard impitoyable, ne me laisse pas d'autre choix que d'étaler mon ressenti kinédémocrate.



Il ne faudrait pas que ça devienne une habitude, mais voici:


Premier doute: Le doute le plus important pour moi se situe clairement dans ce que j'appellerais notre potentiel révolutionnaire. Je ne doute pas des excellentes intentions des uns ou des autres pour faire de la politique autrement, ni mêmes de la plupart des idées que j'entends ou lis ici et là. Je doute de la profondeur et de la radicalité du changement que nous serons en mesure de proposer à nos concitoyens. Que ce soit par nature, par réflexe ou par précipitation, les archaïsmes que nous voulons fuir nous collent un peu trop à la peau.

Il me semble que trop peu de personnes au MoDem ont saisi l'opportunité que représente la naissance de cette nouvelle force politique pour rénover notre démocratie de fond en comble. Pourtant je suis persuadé que la demande est énorme et que le moment est propice.

Second doute: François Bayrou. Ne vous inquiétez pas, il est aussi un espoir. Mais pour un trop grand nombre de français, François Bayrou est le MoDem et le MoDem n'est que François Bayrou. Marielle de Sarnez ne suffit pas à montrer la diversité et l'ampleur de notre mouvement. Je vois que Jean Peyrelevade est de plus en plus présent médiatiquement, tant mieux. Il faut continuer. Maintenant que le MoDem a des élus, même s'il ne s'agit "que" d'élus locaux, il faut les mettre en avant et lever le voile sur cette machine qui se met en route, sur le travail en cours. Il faut que les français voient l'action et la diversité du MoDem.



Premier espoir: François Bayrou. Comment ne pas le citer quand il est à l'origine de ce qui nous rassemble ici? Son intégrité, sa détermination, sa clarté, sa pédagogie, sa pertinence et son impertinence aussi. Toutes ses qualités lui ont permis contre vents et marées de créer une force politique qui tient la route et qui, malgré sa jeunesse, a déjà une influence considérable sur ses adversaires. De quoi voir loin.

Deuxième espoir: Les élections et les sondages. Contrairement à ce que la plupart des médias et même certaines personnes en interne en disent, le socle électoral qui a porté François Bayrou à près de 19% aux présidentielles de 2007 est pratiquement intacte. C'est une base incroyable pour fonder quelque chose de solide et de rassembleur. En partant de 6% on est arrivé à 19%. En partant de 19%...

Troisième espoir: Vous, amis blogueurs et visiteurs du bord de ma fenêtre, du MoDem ou d'ailleurs. Quand je vois, malgré tout ce que nous traversons, la diversité et la qualité des réflexions, l'engagement au niveau local comme national et la réactivité de l'ensemble, je ne peux qu'être convaincu qu'une dynamique constructive est en marche.


Voilà qui est dit... je dois maintenant désigner les prochains maillons. Les quatre heureux élus sont Luc Mandret, Claudio, BGR et Françoise.


Aurélien
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jeudi 18 décembre 2008

Les Jeudis d'Edgar - 10 - Rompre avec le développement

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Chaque jeudi (ou presque...) je viens vous présenter un échantillon de l'œuvre et de la pensée d'Edgar Morin. Je souhaite ainsi, en rapprochant à ma modeste mesure ses idées de la politique en général et du MoDem en particulier, nourrir les débats qui prendront place pour définir, et éventuellement mettre en application, ce nouveau modèle de société que des millions de français ont appelé de leurs vœux en mai 2007.

Lorsque François Bayrou, en campagne présidentielle de 2007, déclarait défendre la société de la loi du plus juste et non la société de la loi du plus fort, quelle était la portée réelle, profonde de ces propos?

D'abord, ces propos affirment l'évidence que c'est la loi du plus fort qui règne actuellement dans nos sociétés et dans le monde. Difficile de le nier au regard des inégalités et des injustices. Pour remettre en question cette loi du plus fort, il faut remettre en cause tout ce qu'elle porte en elle, ses valeurs, ses principes et ses concepts clés.


Or, un de ces concepts les moins remis en question est celui du développement. Edgar Morin s'y est essayé dans son livre "Vers l'abîme?":


Ceci doit nous amener tout d'abord à nous défaire du terme de développement, même amendé ou amadoué en développement durable, soutenable ou humain.

L'idée de développement a toujours comporté une base technique-économique, mesurable par les indicateurs de croissance et ceux du revenu. Le développement ignore la souffrance, la joie, l'amour.




Elle suppose de façon implicite que le développement techno-économique est la locomotive qui entraîne naturellement à sa suite un "développement humain", dont le modèle accompli et réussi est celui des pays réputés développés, autrement dit occidentaux.

Cette vision suppose que l'état actuel des sociétés occidentales constitue le but et la finalité de l'histoire humaine. Le développement "durable" ne fait que tempérer le développement par considération du contexte écologique, mais sans mettre en cause ses principes. Dans le développement "humain", le mot humain est vide de toute substance, à moins qu'il ne renvoie au modèle humain occidental, qui certes comporte des traits essentiellement positifs mais aussi, répétons-le, des traits essentiellement négatifs.

Aussi le développement, notion apparemment universaliste, constitue un mythe typique du sociocentrisme occidental, un moteur d'occidentalisation forcenée, un instrument de colonisation des "sous- développés" (le Sud) par le Nord. Comme le dit justement Serge Latouche, "ces valeurs occidentales (du développement) sont précisément celles qu'il faut remettre en question pour trouver solution aux problèmes du monde contemporain" .

Le développement ignore ce qui n'est ni calculable ni mesurable, c'est-à-dire la vie, la souffrance, la joie, l'amour, et sa seule mesure de satisfaction est dans la croissance (de la production, de la productivité, du revenu monétaire…).

Conçu uniquement en termes quantitatifs, il ignore les qualités de l'existence, les qualités de solidarité, les qualités du milieu, la qualité de la vie, les richesses humaines non calculables et non monnayables ; il ignore le don, la magnanimité, l'honneur, la conscience…

Sa démarche balaie les trésors culturels et les connaissances des civilisations archaïques et traditionnelles ; le concept aveugle et grossier de sous- développement désintègre les arts de vie et sagesses de cultures millénaires.

Sa rationalité quantifiante en est irrationnelle lorsque le PIB (produit intérieur brut) comptabilise comme positives toutes activités génératrices de flux monétaires, y compris les catastrophes comme le naufrage de l'Erika ou la tempête de 1999, et lorsqu'il méconnaît les activités bénéfiques gratuites.

Un retour aux potentialités humaines génériques Le développement ignore que la croissance techno-économique produit aussi du sous- développement moral et psychique : l'hyperspécialisation généralisée, les compartimentations en tous domaines, l'hyperindividualisme et l'esprit de lucre entraînent la perte des solidarités.

L'éducation disciplinaire du monde développé apporte bien des connaissances, mais elle engendre une connaissance spécialisée qui est incapable de saisir les problèmes multidimensionnels, et elle détermine une incapacité intellectuelle de reconnaître les problèmes fondamentaux et globaux.

Le développement apporte des progrès scientifiques, techniques, médicaux, sociaux, mais aussi des destructions dans la biosphère, des destructions culturelles, de nouvelles inégalités, de nouvelles servitudes se substituant aux anciens asservissements. Le développement déchaîné de la science et de la technique porte en lui-même une menace d'anéantissement (nucléaire, écologique) et de redoutables pouvoirs de manipulation.

Le terme de développement durable ou soutenable peut ralentir ou atténuer, mais non modifier ce cours destructeur. Il s'agit dès lors, non tant de ralentir ou d'atténuer, mais de concevoir un nouveau départ. Le développement ignore qu'un véritable progrès humain ne peut partir de l'aujourd'hui, mais qu'il nécessite un retour aux potentialités humaines génériques, c'est-à-dire une re-génération.

De même qu'un individu porte en son organisme les cellules souches totipotentes qui peuvent le régénérer, de même l'humanité porte en elle les principes de sa propre régénération, mais endormis, enfermés dans les spécialisations et les scléroses sociales.

Ce sont ces principes qui permettraient de substituer à la notion de développement celle d'une politique de l'humanité (anthropolitique) que j'ai depuis longtemps suggérée et celle d'une politique de civilisation.


Légère digression: vous mesurerez au passage l'ampleur du détournement, je dirais même de l'imposture du Président de la République lorsqu'il a repris à son compte cette idée de politique de civilisation.


Dans notre quête d'un monde plus juste se dresse devant nous un problème aujourd'hui impossible à résoudre, celui d'un gouvernance mondiale. Si l'on en mesure la faisabilité à l'échelle européenne, on en constate aussi la lenteur et la fragilité. Il semble que seul un péril imminent, un électrochoc violent, pourrait éveiller les consciences au point de passer à l'action.

Voici tout de même ce que nous pouvons ambitionner:

Par anthropolitique, ou politique de l'humanité, Edgar Morin appelle de ses vœux une politique qui aurait pour plus urgent mission de solidariser l'humanité, conduite par une agence ad hoc des Nations Unies au service des plus défavorisés du point de vue humanitaire et sanitaire. Il appelle les pays les plus riches à mobiliser leur jeunesse dans un service civique planétaire pour soulager les maux dus aux sécheresses, famines et autres épidémies.

Cela implique également de prendre en compte à quel point les miséreux sont dépourvus de considération, de respect. Ils sont impuissants devant le mépris, l'ignorance, les coups du sort. C'est que la misère et la pauvreté ne doivent plus être mesurées qu'en termes monétaires.

Il s'agirait enfin d'une politique de justice, pour que les droits reconnus en Occident le soient partout et pour tous, et de sauvegarde et contrôle des biens communs qui aujourd'hui, selon les accords internationaux en vigueur, se résument étrangement à la Lune et l'Antarctique ; il faudrait y inclure l'eau et pourquoi pas certaines ressources énergétiques.

La politique de civilisation, elle, aurait pour but de conserver les fondamentaux de la civilisation occidentale et d'y intégrer ceux de l'Orient et du Sud, chaque fois en rejetant ce qu'il y a de pire. Le principal problème étant de contrôler les quatre moteurs déchaînés du vaisseau monde: science, technique, industrie et économie. Ce contrôle ne peut être rendu possible que par l'éthique, qui elle-même ne peut s'imposer que par la politique. Par exemple, il s'agirait de diversifier notre économie en favorisant, sans étouffer totalement le capitalisme pour autant, l'émergence des coopératives, des associations, des mutuelles et échanges de services.

Comme le dit Edgar Morin lui-même, il ne s'agit pas là d'un programme, ni même d'un projet, mais simplement d'ouvrir une voie. L'exploration de cette voie ne sera possible qu'en rompant avec certains principes, le développement tel que conçu aujourd'hui n'étant qu'un exemple, auxquels nous nous accrochons, sans en saisir la complexité, comme s'ils étaient incontestables.

Pour lire ou relire tous les épisodes des Jeudis d'Edgar, c'est par ici.


Aurélien

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mercredi 17 décembre 2008

À quoi servent les eurodéputés?

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À ça:

Le Parlement européen a supprimé mercredi la faculté laissée aux Etats membres d'autoriser une durée hebdomadaire du travail supérieure à 48 heures, une possibilité largement utilisée au Royaume Uni et appliquée par certains secteurs d'activité dans 14 autres pays.

L'amendement clé, qui supprime dans un délai de trois ans cette dérogation ("opt out" en anglais) permise dans une directive sur le temps de travail de 1993, a été adopté par 421 voix contre 273 et 11 abstentions.

Les eurodéputés ont également décidé, contre l'avis des gouvernements des Vingt-Sept, que les "temps de garde", période d'inactivité passée sur le lieu de travail, devaient être intégralement compris dans le temps de travail.


S'il vous manquait une bonne raison de regarder de près les programmes des candidats aux prochaines élections européennes et surtout de vous déplacer le jour J... ce n'est plus le cas.


Aurélien
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L'écume de quelque chose...

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L'espèce d'oppression dont les peuples démocratiques sont menacés ne ressemblera à rien de ce qui l'a précédée dans le monde.
[A. de Tocqueville - La démocratie en Amérique]


Le titre de ce billet est extrait des propos tenus par Jean-Pierre Dubois (président de la Ligue des droits de l’Homme) lors d'une conférence de presse regroupant quelques parlementaires, principalement motivée par l'injustice de l'affaire de Tarnac, organisée à l'initiative du député des Verts Noël Mamère pour mettre en garde les citoyens que nous sommes contre les dérives sécuritaires actuelles ; l'élu de Gironde n'hésitant pas à parler d'hystérie sécuritaire. Pour bien réveiller les consciences, rien de tel qu'un extrait vidéo de cette conférence sur le site de la Télé Libre.

Petite constatation: si dans l'extrait on voit bien la présence de plusieurs journalistes, autres que ceux de la Télé Libre ou des deux chaînes parlementaires, alors on peut s'étonner du manque de relais dans les grands médias.



C'est qu'un autre événement aura pris le pas médiatique sur tous les autres ce mardi 16 décembre, et pour cause... Daniel Schneidermann en parle très bien ici ; il s'agit des cinq bâtons de dynamite trouvés dans les toilettes du magasin Printemps à Paris. Aucun détonateur mais un loufoque communiqué de revendication:


Forcément, les médias éclipsent alors toute l'actualité - réforme de l'audiovisuel, travail dominical, grogne des lycéens, fin de la Présidence européenne (quoique ça. on peut en parler..), la neige, la crise économique, ... - pour ce qui n'est vraisemblablement qu'un fait divers. Sauf que se profile le début de ce qui ressemble à une manipulation de l'opinion publique supplémentaire, au-delà du "simple" entretien d'un sentiment de peur.

En effet un spécialiste du terrorisme, Éric Denécé, Directeur du Centre Français de Recherche sur le Renseignement, vient rapidement relier la présence de ces cinq bâtons et l'existence du communiqué aux activités terroristes typiques de l'extrême gauche, allant jusqu'à supposer un lien avec les (je cite) attaques contre des lignes TGV, ainsi qu'à évoquer une tradition gauchiste de trouble à l'ordre public. Le mot est lâché. Voici donc les nouveaux ennemis de la France et de ces citoyens: les gauchistes.

Doit-on s'inquiéter d'une hystérie sécuritaire orchestrée? Je le crois. Dans quel but? Selon moi la stratégie employée veut faire d'une pierre trois coups:

D'abord il s'agit de maintenir un sentiment de peur chez les citoyens qui n'en seront que plus "réceptifs". Ensuite il s'agit de calmer ceux chez qui, pour diverses raisons, un sentiment de révolte est en train de monter au point d'envisager de l'exprimer concrètement, physiquement, ne serait-ce que par la participation à des manifestations ou des actions de désobéissance civile. Enfin, je pense qu'il s'agit de torpiller toute initiative politique à gauche de la gauche, à commencer par le mouvement d'Olivier Besancenot, qui aura d'ailleurs tendu une belle perche aux autorités en s'affichant aux côtés de Jean-Marc Rouillan.

On aurait donc affaire à une triple atteinte aux fondamentaux démocratiques: le droit à une information véridique et complète, la présomption d'innocence, la liberté de pensée et d'expression. Une triple atteinte à inclure dans ce contexte de mise à la botte de l'État de l'audiovisuel public, de destruction de l'école publique, de culpabilisation de la jeunesse, voire de l'enfance, de l'étouffement des associations à vocation sociale ou encore de la stigmatisation des malades mentaux et de ceux qui souhaitent simplement vivre autrement.

Et ce ne serait là que de l'écume...

[EDIT: Ce billet a une suite ici: Le quelque chose de l'écume]

Aurélien
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mardi 16 décembre 2008

La Nuit Sécuritaire

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On juge un société à la manière dont elle traite ses fous.
[Lucien Bonnafé]


Le 2 décembre dernier, à Antony, Nicolas Sarkozy présentait les grandes lignes de son plan de réforme pour l'hôpital psychiatrique. Un plan présenté à la hâte pour profiter de l'actualité. Comme toujours, le Président de la République commence par louer l'ensemble des acteurs de la psychiatrie pour ensuite mieux les culpabiliser et stigmatiser, se plaçant lui du côté des responsables et des compatissants. Comme toujours il prétend être ouvert au débat alors même qu'il vient monopoliser la parole pour annoncer ses décisions. Comme toujours, il divise et oppose: la société contre les établissements psychiatriques ; la sécurité des uns contre la santé des autres.


Dans une dérive sécuritaire de plus en plus assumée - après les fichages, l'abaissement de l'âge de responsabilité pénale, le dépistage des comportements déviants chez les enfants de 3 ans, ou dernièrement l'idée d'un G20 pour réguler Internet... - on annonce des dizaines de millions d'euros d'investissement pour enfermer les fous, les isoler et réduire la complexité de leur état physique et mental à un danger potentiel. Surtout on met l'État en position de force pour décider, pour un malade, du bien fondé d'un droit de sortie, éventuellement contre l'avis d'un jury d'experts.

C'est que, sans doute par esprit de compétition, l'hyper-président qui sachant tout s'occupe de tout, n'apprécie guère les experts:

Je ne suis pas pour une société d’experts : les experts en comptabilité, les experts en bâtiment, les experts en médecine, les experts encore toujours. Mais il y a un État, une justice, qui doivent trouve un équilibre entre des intérêts contradictoires et des points de vue contradictoires. Et le patricien doit pouvoir donner son avis de patricien : à son avis, cette personne est-elle capable de sortir, en a-t-elle besoin pour être soignée. Cette appréciation là, cette conviction là, sont parfaitement nécessaires et respectables, mais il faut qu’elles soient confrontées à une autre appréciation, celle de celui qui a à garantir l’ordre public et la sécurité des autres.

Autrement dit selon le chef de l'État, les spécialistes ne sont pas assez compétents pour juger du danger potentiel, pour lui-même et pour les autres, que peut représenter un malade mental et décider d'une éventuelle sortie. Ce sera aux préfets de trancher... Derrière une prétendue recherche d'équilibre, on catégorise la maladie mentale comme porteuse de trouble envers l'ordre public. Les statistiques prouvent pourtant que les malades mentaux sont bien plus victimes que bourreaux. Mais il est certain que vu de l'Élysée, médiatiquement, ces victimes sont moins porteuses...


En réaction à ce passage en force - qui pour le coup manque cruellement de psychologie puisqu'aucun des acteurs concernés au quotidien, des soignants aux familles en passant par les victimes elles-mêmes, n'ont été consultés - les psychiatres s'organisent pour dénoncer cette dérive idéologique. Dans un mouvement uni, comme rarement dans le domaine, pour éviter un retour en arrière de plusieurs décennies, ils lancent une pétition que je vous invite à signer: La Nuit Sécuritaire.

Devant tant de « dangerosité » construite, la psychiatrie se verrait-elle expropriée de sa fonction soignante, pour redevenir la gardienne de l’ordre social ?


Aurélien
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lundi 15 décembre 2008

On a les tentatives d'assassinat qu'on mérite...

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G.W. Bush aura décidément tout raté:




Parti en guerre pour démanteler un arsenal d'armes de destruction massive et mettre hors-jeu l'ennemi prétendu numéro 1 des U.S.A., G.W. Bush n'aura trouvé qu'une paire de souliers taille 43. Depuis 6 ans il mène la guerre contre la terreur, et c'est au cœur de cette guerre, aussi injuste qu'improvisée, qu'un simple journaliste vient lui prouver qu'il n'effraie plus grand monde. Des centaines de milliards de dollars dépensés, des dizaines de milliers de civils morts, blessés ou pris en otages, des milliers de soldats tués, un pays dévasté, un peuple divisé... tout ceci on ne peut plus simplement renvoyé à sa face de pire président de l'histoire par une insulte méprisante relativement banale dans la culture irakienne.

A-t-il seulement senti, dans sa très belle esquive, à quel point ces souliers étaient chargés de désespoir, de sentiment d'injustice et de colère? Mesure-t-il simplement le chemin émotionnel que cet homme a du parcourir pour oser ainsi défoncer toutes les barrières protocolaires et mettre sa vie en jeu par un simple jet de chaussures?

Cet incident, symboliquement, est magnifique.


Aurélien
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vendredi 12 décembre 2008

Chaîne de l'inculture...

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Arnaud de Quindi... a eu la gentillesse de me taguer sur cette chaîne afin que j'expose les vides abyssaux de ma culture dans plusieurs domaines: cinéma, littérature, géographie, mathématiques et cuisine ; tout un programme. Je me suis demandé si je n'allais pas en faire une série de billets à la manière des Jeudis d'Edgar (les Vendredi de l'ignorance?) tant il y a de choses à révéler - je connais un peu de beaucoup sans être spécialiste de quoi que ce soit - mais je vais finalement tenter une synthèse.




Cinema:

Dans ce domaine j'ai une lacune particulière que je veux combler sans jamais prendre le temps nécessaire, c'est de n'avoir jamais vu un bon nombre de classiques du cinéma américain des années 40 à 70. Je pense à Hitchcock notamment, mais aussi aux films de Marilyn Monroe ou les comédies musicales avec Gene Kelly ou Dean Martin. LE film que je dois absolument voir, que j'ai même à la maison depuis au moins un an sans jamais l'avoir vu, c'est Citizen Kane d'Orson Wells. Je sais...
J'avoue également une ignorance quasi totale du cinéma italien de Fellini ou Visconti.

Littérature:

Je suis venu assez tard à la lecture. Je n'ai jamais vraiment aimé m'asseoir pour dévorer un bon bouquin avant d'être dans la vingtaine. Du coup je suis dans une séance de rattrapage infinie plus ou moins intense pour combler mon retard.
Privilégiant les auteurs "modernes", je suis assez minable sur les classiques, qu'ils soient français ou étrangers. Si je devais me justifier avec mauvaise foi (voir le billet d'hier sur la moraline et la self-deception...), je dirais que c'est comme les amitiés, mieux vaut en avoir quelques unes très solides qu'une ribambelle de relations incertaines.
J'aimerais cependant découvrir la littérature russe que j'ignore totalement. Je me dis aussi qu'un jour je ferai le tour des maîtres à penser - de Hölderlin à Hegel en passant par Nietzsche - d'Edgar Morin, mon maître à moi. Il me faudra sans doute plusieurs vies.


Géographie:

Sur les cinq domaines abordés c'est sans doute mon point fort. Fils de voyageurs, dont un père instituteur et une mère professeur d'Histoire-Géographie, frère d'une voyageuse et voyageur moi-même, le goût pour la géographie m'est venu naturellement. Je connais bien l'Europe, l'Afrique et l'Amérique du Nord comme du Sud. Ma plus grosse lacune est sans doute le continent asiatique - pas le plus petit me direz vous... - où je n'ai encore jamais mis les pieds. Ses pays, ses grandes villes et ses cultures ne commencent à m'attirer que depuis peu. Je ne sais pas trop pourquoi... Cependant une excursion en Inde m'intéresserait au plus au point.


Mathématiques:

J'ai beau être ingénieur, les mathématiques n'ont jamais été ma discipline préférée, ni celle où j'excellais particulièrement. C'était même plutôt l'inverse à partir d'un certain niveau et pour certaines branches des mathématiques comme les probabilités ou l'économie.
Cependant elles me fascinent par les promesses qu'elles portent pour les progrès récents et futurs de la science, notamment en mécanique de l'infiniment petit, et pour la compréhension de notre univers et donc de nous-mêmes. Je cite le personnage principal d'un de mes films préférés, Pi de Darren Aronofski:

  • Maximilian Cohen: Reformulation de mes hypothèses: Un, les mathématiques sont le langage de la nature. Deux, tout autour de nous peut être représenté et compris par les nombres. Trois : Si vous représentez graphiquement les nombres de n'importe quel système, des modèles émergent. Par conséquent, il y a des modèles partout dans la nature. Preuves : les cycles épidémiques ; l'expansion puis la réduction des populations de caribou ; les cycles des taches du soleil ; les crues et décrues du Nil. Ainsi, que diriez-vous du marché boursier? L'univers des nombres qui représente l'économie globale. Des millions de mains au travail, des milliards d'esprits. Un vaste réseau, criant avec la vie. Un organisme. Un organisme naturel. Mon hypothèse : Au sein du marché boursier, il y a aussi un modèle… Juste devant moi… se cachant derrière les nombres. Depuis toujours.
En phase avec l'actualité en plus...


Cuisine:

C'est simple, je sais faire des pâtes et du crumble aux pommes. Tout le reste de ce qui existe dans la monde culinaire pourrait être cité comme faisant partie de ce que j'ignore.
Quant à ce que mes papilles n'ont jamais, ou trop peu, exploré... sans doute la cuisine du moyen orient et de l'Inde. Je regrette également de ne pas plus m'y connaître en œnologie, ou même en alcool en général, alors que j'apprécie le bon vin comme les bonnes bières ou certains alcools forts.


À mon tour de taguer quelques blogueurs... Quand on est le Nième maillon de la chaîne, difficile de savoir ceux qui ont déjà été appelés. Allons-y avec GuillaumeD, Olivier Montbazet, Hervé Torchet, Nelly Margotton et Nick Carraway.


Aurélien
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jeudi 11 décembre 2008

Les Jeudis d'Edgar - 09 - Sortir de la moraline

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Chaque jeudi (ou presque...) je viens vous présenter un échantillon de l'œuvre et de la pensée d'Edgar Morin. Je souhaite ainsi, en rapprochant à ma modeste mesure ses idées de la politique en général et du MoDem en particulier, nourrir les débats qui prendront place pour définir, et éventuellement mettre en application, ce nouveau modèle de société que des millions de français ont appelé de leurs vœux en mai 2007.


La moraline: posture commode [...] qui consiste à transformer l'erreur d'autrui en faute morale et dispense le moralisateur de tout effort d'analyse et de réflexion.
[Edgar Morin - Éthique]



Edgar Morin, comme Frédéric Nietzsche avant lui, distingue la morale de la moraline. La première prendrait forme par l'éthique, la réflexion personnelle, l'autocritique et l'exigence envers soi-même tandis que la seconde en serait une forme dégradée, lui substituant un catalogue de principes formels et de réflexes de culpabilité, de simplification et de réduction. Il s'agit d'une rigidification éthique qui conduit au manichéisme, ignorant compréhension, magnanimité et pardon.


On peut encore distinguer deux types de moraline: la moraline d'indignation et la moraline de réduction. Deux occurrences qui s'entre-nourissent:

L'indignation sans réflexion ni rationalité conduit à la disqualification d'autrui.

L'indignation est tout enveloppée de morale, alors qu'elle n'est souvent qu'un masque de l'immorale colère.


La moraline de réduction réduit autrui à ce qu'il y a de plus bas, aux actes mauvais qu'il a accomplis, à ses anciennes idées nocives, et le condamne totalement. C'est oublier que ces actes ou idées ne concernent qu'une partie de sa vie, qu'il a pu évoluer depuis, voire s'être repenti.


Un exemple, frappant, de moraline est le flot d'articles journalistiques suivis de commentaires d'une sévérité, d'une violence même, inouïe à l'égard de ces parents qui l'été dernier ont oublié leurs enfants dans leurs véhicules, les condamnant pour la plupart à la mort. À la suite d'articles relatant les faits se sont enfilés des séries interminables de commentaires comme autant de jugements définitifs à charge, oubliant toute tentative de compréhension et de contextualisation.

Un autre exemple, moins dramatique mais sans doute plus pernicieux, est celui des joutes politiques verbales qui surviennent dans l'opposition frontale droite-gauche depuis 30 ans. Au moindre désaccord, qu'on ne tarde jamais à trouver, les uns ressortent les vieux dossiers des autres, les autres ramènent tout à la figure la plus emblématique des uns, etc... Là encore il s'agit de simplifier et de réduire, aucunement de comprendre, encore moins d'exécuter une autocritique, exercice aujourd'hui officieusement prohibé en politique.

Pour sortir de ce schéma barbare, il convient de combler un manque évident, devenu naturel, d'introspection. Un travail sur soi est nécessaire pour faire émerger une culture psychique, au même titre qu'il existe une culture physique. En effet l'esprit humain recèle pour lui-même de nombreux pièges parmi lesquels ce qu'Edgar Morin nomme la self-deception (mensonge à soi-même), stimulé par l'oubli sélectif, ou l'auto-justification qui accuse systématiquement les autres pour ses propres erreurs.

Il s'agit alors d'effectuer un auto-examen avec en complément une auto-critique. Facile à dire... comme le rappelle le père de la Pensée Complexe il est alors nécessaire de fournir un effort vital mais que nul n'enseigne. L'objectif est la compréhension de l'autre et la résistance à l'intimidation comme aux délires, hystéries ou emballements collectifs.


Si le MoDem veut être moderne, différent, crédible et cohérent il doit s'imposer une éthique de la responsabilité et une éthique de l'honneur, s'inventer une auto-éthique garante de cette cohérence avec ses valeurs et l'image qu'il a de lui-même. Cela commence par savoir nous reconnaître nous-mêmes, dialoguer avec nos idées et vivre avec elles plutôt qu'à les laisser nous habiter.



Pour lire ou relire tous les épisodes des Jeudis d'Edgar, c'est par ici.


Aurélien
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mercredi 10 décembre 2008

La Charte du Manden


(Levez la main ceux qui ont trop vite lu "Charte du Modem"...)

Pendant que l'Occident "frime" avec les 60 ans de la Déclaration Universel des Droits de l'Homme, je vous présente ci-dessous la Charte du Manden (ou Mandé), qui aurait été proclamée en 1222 (!) par Soundjata, fondateur de l'Empire du Mali, et ses pairs.

Contestée par manque de traces écrites, elle n'en demeure pas moins une des premières manifestations d'un humanisme à vocation universelle déclarée. En ce jour anniversaire de la DUDH, en voici le contenu, réécrit par le sociologue, ethnologue, spécialiste des mythes et légendes du Mali et chercheur au CNRS Youssouf Tata Cissé, trouvé ici:




1. Les chasseurs déclarent :
Toute vie (humaine) est une vie.
Il est vrai qu'une vie apparaît à l'existence avant une autre vie,
Mais une vie n'est pas plus "ancienne", plus respectable qu'une autre vie,
De même qu'une vie n'est pas supérieure à une autre vie.


2. Les chasseurs déclarent :
Toute vie étant une vie,
Tout tort causé à une vie exige réparation.
Par conséquent,
Que nul ne s'en prenne gratuitement à son voisin,
Que nul ne cause du tort à son prochain,
Que nul ne martyrise son semblable.

3. Les chasseurs déclarent :
Que chacun veille sur son prochain,
Que chacun vénère ses géniteurs,
Que chacun éduque comme il se doit ses enfants,
Que chacun "entretienne", pourvoie aux besoins des membres de sa famille.

4. Les chasseurs déclarent :
Que chacun veille sur le pays de ses pères.
Par pays ou patrie, faso,
Il faut entendre aussi et surtout les hommes ;
Car "tout pays, toute terre qui verrait les hommes disparaître de sa surface
Deviendrait aussitôt nostalgique."

5. Les chasseurs déclarent :
La faim n'est pas une bonne chose,
L'esclavage n'est pas non plus une bonne chose ;
Il n'y a pas pire calamité que ces choses-là,
Dans ce bas monde.
Tant que nous détiendrons le carquois et l'arc,
La faim ne tuera plus personne au Manden,
Si d'aventure la famine venait à sévir ;
La guerre ne détruira plus jamais de village
Pour y prélever des esclaves ;
C'est dire que nul ne placera désormais le mors dans la bouche de son semblable
Pour allez le vendre ;
Personne ne sera non plus battu,
A fortiori mis à mort,
Parce qu'il est fils d'esclave.

6. Les chasseurs déclarent :
L'essence de l'esclavage est éteinte ce jour,
"D'un mur à l'autre", d'une frontière à l'autre du Manden ;
La razzia est bannie à compter de ce jour au Manden ;
Les tourments nés de ces horreurs sont finis à partir de ce jour au Manden.
Quelle épreuve que le tourment !
Surtout lorsque l'opprimé ne dispose d'aucun recours.
L'esclave ne jouit d'aucune considération,
Nulle part dans le monde.

7. Les gens d'autrefois nous disent :
"L'homme en tant qu'individu
Fait d'os et de chair,
De moelle et de nerfs,
De peau recouverte de poils et de cheveux,
Se nourrit d'aliments et de boissons ;
Mais son "âme", son esprit vit de trois choses :
Voir qui il a envie de voir,
Dire ce qu'il a envie de dire
Et faire ce qu'il a envie de faire ;
Si une seule de ces choses venait à manquer à l'âme humaine,
Elle en souffrirait
Et s'étiolerait sûrement."
En conséquence, les chasseurs déclarent :
Chacun dispose désormais de sa personne,
Chacun est libre de ses actes,
Chacun dispose désormais des fruits de son travail.
Tel est le serment du Manden
A l'adresse des oreilles du monde tout entier.


Tout y est: respect de la vie humaine, de la liberté individuelle, de la justice, de l'équité et de la solidarité. Cela va même jusqu'à reconnaître la guerre comme conséquence de contextes injustes et violents. Que cette version du texte soit fiable ou non, j'aime l'idée que l'Afrique, berceau de l'humanité, soit aussi l'un des berceaux de l'humanisme moderne. Un berceau d'un demi-millénaire plus ancien que celui que représentent les Lumières.

Si quelqu'un veut bien transmettre à Henri Guaino...


Aurélien
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mardi 9 décembre 2008

Utopie universelle

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Universel: qui peut s'appliquer à toutes et tous, qui peut être reconnu par le monde entier comme utilisable.


En cette veille de célébration des 60 ans de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme, la DUDH pour les intimes, j'ai souhaité faire mon humble part en partant d'une simple mais marquante anecdote.


L'universel

Ces dernières semaines ma conjointe et moi-même avons obtenus la double nationalité France-Canada, en devenant citoyens canadiens à part entière. Au bout du long processus administratif est organisée une cérémonie durant laquelle plusieurs candidats à la citoyenneté prêtent finalement serment devant un juge et chantent l'hymne national canadien. Une formalité un brin ringarde organisée dans un amphithéâtre prévu pour d'autres fonctions. De quoi en sourire, mais pas seulement...



Lors de cette cérémonie plus de 350 personnes étaient présentes, issues de 66 pays différents, rassemblées pour s'accorder une part commune d'identité. Lorsque la juge à énoncé les 66 pays représentés, j'ai balayé l'assemblée du regard ; une assemblée qui n'avait rien à envier à celle de l'O.N.U. en matière de diversité et de représentativité. Des blancs, des noirs, des jaunes... Des casquettes, des turbans, des voiles... Des croix, des croissants, des piercings... des enfants, des femmes, des hommes. 350 personnes formant un magnifique et pacifique échantillon d'humanité, point de rencontre et d'espérance pour autant de parcours différents, de croyances et d'idéologies diverses, d'expériences plus ou moins violentes, déchirantes ou aventurières.

0,000005% de l'humanité sous les yeux, et pourtant je la voyais toute entière. Mieux, j'en étais. Cela peut paraître évident ou naïf, mais j'ai ressenti là, à cet instant, ma propre humanité. J'ai réalisé ce qu'Edgar Morin nomme le principe hologrammatique: la partie est dans le tout, mais le tout est dans la partie. Nous sommes tous liés, qu'on le veuille ou non, nous sommes tous entièrement, jusqu'au moindre électron de notre être physique, humains... égaux.

C'est possible.


L'utopie

Bien sûr j'entends comme vous ceux qui ne voient dans la DUDH que des mots et aiment à railler les "droits de l'hommistes" comme on raille aujourd'hui toutes les utopies. Mais 60 ans, à l'échelle de l'histoire humaine, ce n'est rien. La Déclaration Universelle des Droits de l'homme est un nourrisson qu'il va nous falloir, ensemble protéger, nourrir, instruire... L'humanité elle-même est jeune, infantile, au point de connaître encore toutes les barbaries qui lui coupent trop souvent les jambes, mais nous tenons là notre plus bel accomplissement en tant qu'espèce, en tant que groupe d'individus au destin commun.




Une utopie est une réalité en puissance.
[
Édouard Herriot]

La Déclaration Universelle de Droits de l'Homme... LA DÉCLARATION UNIVERSELLE DES DROITS DE L'HOMME. Relisez cette dernière phrase et prenez le temps de la laisser raisonner en vous, de mesurer le sens profond de ces mots, de toute l'aventure humaine, et même au-delà, qu'il nous a fallu vivre pour y parvenir. Il y a tout juste un siècle une telle idée devait sans aucun doute paraître utopique. Pourtant aujourd'hui ce texte, traduit en 337 langues, fête ses 60 ans.

Songez à tout ce que cela ouvre pour l'avenir. Ça n'est pas un simple titre de document administratif. C'est un formidable cri vivant, rassembleur et porteur d'espoir. Devant toutes les oppressions il nous est humainement interdit de le taire ou de l'étouffer.

Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits. Ils sont doués de raison et de conscience et doivent agir les uns envers les autres dans un esprit de fraternité.

C'est immense.


Joyeux Anniversaire à nous tous.


Aurélien
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lundi 8 décembre 2008

Philosophie politique - Daniel Innerarity

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Je fais partie de ceux qui pensent que la crise politique que nous traversons trouve ses origines, entre autres, dans une communication doublement rompue: celle entre le peuple et ses intellectuels et celle entre ces mêmes intellectuels et les responsables politiques.

Les raisons de cette rupture sont sans doute nombreuses et variées mais ne font pas l'objet de ce billet. Simplement, du bord de ma fenêtre, je tente régulièrement de renouer ce double contact, en quelque sorte, en faisant le parallèle entre certaines idées philosophiques ou sociologiques, principalement celles d'Edgar Morin, et l'actualité politique. Aujourd'hui ce n'est pas d'Edgar Morin qu'il s'agit, je suis sûr qu'il me pardonnera cette épisodique infidélité, mais de Daniel Innerarity, philosophe espagnol à la recherche de nouvelles pistes pour adapter au mieux la politique à la réalité des citoyens. Il expose une part de ses idées dans un entretien paru sur le site de Non-Fiction.

Extraits:

Donner force à l'action politique, aujourd'hui, c'est d'abord voir que la politique n'est, comme le dit Luhmann, qu'une sphère parmi d'autres (la science, la religion, l'économie, etc.), une sphère qui ne peut plus diriger de manière hiérarchique les autres sphères et leur imposer sa logique, mais une sphère qui met en relation les autres sphères, qui les oblige à sortir de leur logique propre et de la cécité inhérente à celle-ci, à prendre en compte la logique des autres sphères. Donner force à la vie politique, c'est donc d'abord pour moi prendre conscience des limites de l'action politique...

Là est le rôle de la politique, un rôle non de direction mais de médiation. La politique est beaucoup plus forte lorsqu'elle se pense ainsi que lorsqu'elle s'imagine, fantasmatiquement, régir l'ensemble de l'ordre social. C'est pourquoi j’accorde un intérêt particulier à l'Union Européenne, en laquelle je vois une des figures que prend la politique contemporaine.

Disciple (autoproclamé mais sincère...) d'Edgar Morin et de sa Pensée Complexe, je ne peux qu'abonder dans le sens de Daniel Innerarity. La politique ne doit plus se considérer au-dessus des réalités mais, au contraire, au coeur de celles-ci. Il ne s'agit pas d'ordonner ni d'aligner tout le monde sur son idée ou son projet. Comme il le dit dans une autre réflexion sur la confusion des genres:

Il ne peut y avoir de citoyenneté démocratique là où l’on n’a pas appris à distinguer entre simple respect et approbation. Si nous ne savons pas que nous sommes obligés de tolérer des choses avec lesquelles nous ne sommes pas d’accord, si nous jugeons que nos préférences doivent recevoir l’approbation de tous, alors nous nous mettons dans l’incapacité de vivre en société.

Le rôle de la politique est donc bien de relier, d'ouvrir et d'associer. Elle doit être un agent reliant, un catalyseur d'énergies.

Bien entendu, dans le contexte actuel, c'est au niveau européen que cela se joue et qu'une telle conception de la politique peut se concrétiser le plus naturellement, c'est à dire être le plus facilement comprise par les citoyens, puisque l'aspect complexe y est plus évident. Il me semble que Daniel Innerarity présente ici une ébauche de modèle dont le MoDem, qui prétend ambitionner de faire de la politique autrement, serait sage de s'inspirer.

Oui, je pense que le futur est trop souvent confisqué, dans nos sociétés, de multiples manières (par la logique à court terme de l'économie, par le temps quasi-instantané des médias, par la politique réduite à la gestion du présent, obsédée par les sondages...). Il faut penser la politique comme un pouvoir de configuration des possibles. C'est-à-dire ni comme une simple gestion du présent, ni comme une fuite dans les planifications utopiques ou l'évocation creuse des valeurs. Toute ma pensée vise à trouver cette bonne distance avec le futur, loin aussi bien de l'empirisme qui s'incline devant les faits que du rationalisme qui dessine des institutions de manière autoritaire.

Là encore, comment ne pas être d'accord sur ce constat? Il est clair que le rapport de la sphère politique avec la dimension de temps est aujourd'hui plus que confuse, elle est inconsciente, ou plutôt négligée. Cette conscience ne pourra revenir qu'en recentrant la politique, en la mettant au service de la société plutôt qu'à sa direction. La société civile, notamment, est elle bien ancrée dans la réalité du temps. La volonté du MoDem de rapprocher l'entité politique de cette société civile ne peut qu'aider cette reprise de conscience.

Pour découvrir un peu plus Daniel Innerarity, voici un autre article rapportant sa pensée. Celui-ci date de quelques jours avant l'élection de Nicolas Sarkozy à la Présidence de la République et traite de la personnalisation de la politique. Extrait:

Quand les différences idéologiques s’atténuent, les préférences des électeurs finissent par ne plus se forger qu’en relation avec la manière de faire de la politique, et la forme de cette dernière l’emporte alors sur toute considération relative au contenu. Le processus de banalisation de la politique qui en découle atteint son plus haut degré dans la tendance à formuler ses choix à partir de critères esthétiques : la proximité (version française), l’allure [el talante] (version espagnole), y compris la manière de parler ou de s’habiller. C’est en d’autres termes la dimension de la représentation qui prend une importance centrale, à un moment où la politique consiste fondamentalement à mettre en scène et gouverner à paraître.

...


Une campagne électorale n’est pas « un débat libre de toute domination », comme le dit Habermas, mais un combat pour persuader les citoyens qu’un tel ou une telle va faire ceci ou cela. Nous n’élisons pas quelqu'un pour qu’il fasse n’importe quoi, mais nous ne choisissons pas non plus quelque chose qui puisse être fait par n’importe qui. Et quand les affaires sont compliquées, que ce soit en raison de la complexité des actions à faire ou des exigences du « rassemblement » des acteurs, les qualités personnelles occupent le devant de la scène. Le style est devenu central dans la culture politique parce que la réalité est devenue si complexe que les gens n’ont plus d’autre solution que de faire confiance. Comme le dit Luhmann, faire confiance est la première manière de réduire la complexité. Quand l’incertitude est grande, les hommes et les femmes politiques absorbent l’insécurité que les citoyens ne sont plus en mesure de supporter. Il existe des formes perverses d’obtenir la confiance, comme celle du leader arrogant qui laisse entendre continuellement qu’il connaît ce que les autres ne connaissent pas. Mais il y a aussi une version démocratique de la confiance qui réside en ceci que, lorsque les affaires sont compliquées, le gouvernant promeut la coordination de manière à que tous puissent affronter ensemble les problèmes. Cette même complexité qui oblige les citoyens à accorder leur confiance est celle qui est à l’origine des modes de gouvernement autoritaires, mais tout aussi bien du style souple et intégrateur. Ce sont les deux branches de l’alternative fondamentale devant laquelle les citoyens doivent aujourd’hui choisir.

N'est-ce pas là une autre, mais tout aussi éclairante, définition de ce qui sépare les projets de société de François Bayrou et Nicolas Sarkozy?

Il est à mon avis primordial, pour asseoir la crédibilité du MoDem et "épaissir" son discours, de démontrer que la démarche de François Bayrou depuis 2007, voire depuis 2002, est fondée non seulement sur une simple ambition présidentielle, non seulement sur un élan populaire mais aussi, et surtout, sur une réflexion dépassant largement sa personne et trouvant une origine ou un écho auprès d'intellectuels reconnus et politiquement influents.


Aurélien
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dimanche 7 décembre 2008

La démocratie de la barbichette

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Voici un simple relais de l'excellente entrevue, par Christophe Ginisty, de Laurent Mauduit suite à la parution de son plus récent livre enquête Sous le Tapie. Les 30 minutes révèlent quelques faits et "coïncidences" soutenant le scandale que représente la décision du tribunal arbitral en faveur de Bernard Tapie, et surtout démontrent la décadence politique que nous vivons et l'accomplissement de ce que Laurent Mauduit nomme on ne peut plus justement la démocratie de la barbichette.




J'en profite aussi pour vous proposer de lire ou relire deux billets Du bord de ma fenêtre..., datant de juillet dernier, dans lesquels j'évoquais cette affaire et quelques hypothèses confirmées dans cette entrevue: Bernard Tapie emporte la mise & La Prophétie Mazeaud.

Citoyens et démocrates, n'hésitez surtout pas à relayer à votre tour...


Aurélien
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vendredi 5 décembre 2008

Hidden agenda

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Commençons par les faits:

Patrick Devedjian abandonne son poste de Secrétaire Général de l'UMP suite à sa nomination à la tête du nouveau Ministère de la Relance Économique. De son propre aveu, la gestion de l'UMP est trop prenante pour être cumulée avec un poste de Ministre: "C'est une fonction très prenante. L'UMP, c'est dix problèmes à régler par jour."

En toute logique, il est remplacé à la tête du parti majoritaire par Brice Hortefeux, fidèle parmi les fidèles du Président de la République, déjà conseiller politique de l'UMP et... Ministre de l'Immigration, de l'Intégration, de l'Identité Nationale et du Codéveloppement.

Par ailleurs, en survolant la composition du bureau politique de l'UMP, on remarque que le trésorier n'est autre qu'Éric Woerth, à ses heures perdues Ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique... qui a dit "conflit d'intérêts"? J'entends "foutage de gueule" dans le fond!

Mais si ça tient la route... puisqu'ils nous répètent qu'ils sont parfaitement républicains et démocrates confirmés!





On pourra au passage s'interroger, entre autres, sur ces quelques points:

- L'UMP achève ainsi sa mue "sarkozienne" au niveau du Secrétariat Général, puisqu'y sont déjà en place Xavier Bertrand, Nathalie Kosciusko-Morizet et Christian Estrosi. Qu'en pensent les militants? Peut-on encore croire en un Président comme au-dessus des partis? Au Président "de tous les français"?

- Uouveau ministère vient d'être créé. Où? Financé comment? Pourquoi pas un simple secrétariat d'état chapeauté par le Ministère des Finances ou celui du Budget ou directement par Matignon? À propos de Matignon... qu'en pense le premier ministre? La France a-t-elle toujours un premier ministre?

- Pour l'instant Patrick Devedjian, apparemment très habité par ses nouvelles fonction et attentif au cumul des mandats, n'a pas donné d'indication sur son avenir dans les Hauts-de-Seine, où il préside le Conseil Général au parquet rayé par les crocs de celui qui y dirige le groupe majoritaire... un certain Jean Sarkozy. Plus qu'une question de temps?


Quand on observe à quel point tout semble s'articuler parfaitement, quand on compare ceci au plan de relance économique d'un archaïsme impressionant - rien sur l'environnement, rien sur l'énergie, rien sur les nouvelles technologies... - ou quand on place ceci à côté de la réforme de l'audiovisuel, comment ne pas s'interroger sur ce qui préoccupe vraiment le Président de la République? Comment ne pas y déceler d'inquiétantes intentions non déclarées? En politique anglophone on nomme cela un "hidden agenda".


Aurélien
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jeudi 4 décembre 2008

Non-fiction se matérialise

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Bonne nouvelle, du côté de la presse écrite, rapportée sur le site du Nouvel Obs. L'excellent site d'actualité des idées et de critiques de livres Non-fiction lance une version papier trimestrielle de son impressionnant contenu. On retrouvera dans cette publication les meilleurs articles parus en ligne ainsi que quelques inédits.



J'aime Non-Fiction pour non seulement pour son attachement à la qualité et à l'excellence, les articles sont toujours fouillés, les sources et publications conjointes citées, mais aussi pour son ouverture et sa sobriété. Toutes les publications en ligne sont en effet diffusées en "Creative Commons" et le pluralisme est de mise: certains sujets peuvent faire l'objet de plusieurs comptes rendus ou critiques et la diversité des éditeurs présentés est bienvenue.

A mes amis blogueurs, je recommande vivement ce site, et maintenant ce magasine, qui en se démarquant par sa qualité, sa déontologie et son éthique, représente une source abondante,sûre et rafraîchissante d'informations et de réflexions. A (re)découvrir et savourer.


Aurélien
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Les Jeudis d'Edgar - 08 - Dialogique

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Chaque jeudi (ou presque...) je viens vous présenter un échantillon de l'œuvre et de la pensée d'Edgar Morin. Je souhaite ainsi, en rapprochant à ma modeste mesure ses idées de la politique en général et du MoDem en particulier, nourrir les débats qui prendront place pour définir, et éventuellement mettre en application, ce nouveau modèle de société que des millions de français ont appelé de leurs vœux en mai 2007.


Pour définir et rendre applicable son idée de Pensée Complexe, Edgar Morin s'appuie sur plusieurs principes dont celui de la dialogique. Comme pour bien d'autres sujets, il en parle infiniment mieux que moi:




Voici un principe qu'il est urgent d'imposer dans les sphères politiques où tout se réduit toujours un peu plus à une opposition frontale, au noir et blanc, au pour ou contre. La dialogique est ce qui rend crédible et possible l'idée avancée par François Bayrou de faire travailler ensemble des citoyens venus d'horizons différents. Il ne s'agit pas de nier ces différences, au contraire, il s'agit de les reconnaître, même de les entretenir et, au-delà des antagonismes, de rechercher la complémentarité, la stimulation et l'interaction.

Ce n'est pas seulement que l'opposition systématique et frontale entre la droite et la gauche n'a plus lieu d'être, mais en fait qu'elle n'a jamais été pertinente. Nous nous en rendons compte aujourd'hui après des années de décadence politique, mais cet affrontement stérile et contre productif sévit depuis longtemps déjà et malgré quelques avancées significatives, la régression est ainsi inévitable.

C'est d'une autre approche de nos opposants, en interne comme en externe, dont nous avons besoin. Cela commence par ne plus les voir comme simples opposants mais comme concurrents, car le concurrent est à la fois antagoniste et complémentaire. L'action politique doit être une coproduction. En ce sens l'idée de co-responsabilité avancée par Bayrou, tout comme le principe d'indépendance du MoDem, constitue une réelle percée, un progrès politique. Il s'agit d'unir sans perdre la dualité.

La dialogique doit être de mise non seulement dans l'approche de l'autre, mais aussi dans l'approche des faits, de la réalité. C'est une clé essentielle pour s'adapter à la complexité du réel. Dans une période où la conscience des réalités sociales fait grand défaut chez nos politiciens, le MoDem tient ici incontestablement une longueur d'avance. Il s'agit d'en avoir conscience, de bien la comprendre pour surtout ne pas la gâcher.


Pour lire ou relire tous les épisodes des Jeudis d'Edgar, c'est par ici.


Aurélien
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