vendredi 27 février 2009

Les Jeunes Pop à la rescousse

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Les Jeunes Pop ne doutent de rien et surtout pas de Nicolas Sarkozy. Ce n'est plus un Président de la République qui a été élu en mai 2007 mais un héros, le Jack Bauer de la la politique nationale, européenne et internationale. Celui qui fait tous les sacrifices au nom d'un idéal, pour le bien de tous. Que nous sommes niais de ne pas en avoir pris conscience plus tôt. Heureusement les Jeunes Pop sont là pour nous rappeler, avec toute l'objectivité et l'humilité qui les caractérisent, notre chance d'être guidés par Lui. Jugez plutôt:



C'est toute une campagne de réhabilitation de leur champion que les Jeunes Pop ont décidé de mener. 50 000 affiches, 500 000 tracts et l'inévitable groupe Facebook pour soutenir un "président à la hauteur des enjeux". Ils ne se contentent pas de le défendre mais le présentent comme l'homme qu'il nous faut pour passer au travers de cette crise mondiale.

Petit décryptage de leur propagande:

Le monde traverse une crise sans précédents. Dans cette tempête qui met à mal toutes les certitudes, et particulièrement celles de notre génération, élevée dans la conviction que le capitalisme était un système inébranlable, Nicolas Sarkozy a démontré une nouvelle fois qu’il était à la hauteur des enjeux.

Je ne sais pas vous, mais moi je n'ai jamais été élevé dans la conviction que le capitalisme, ni quelque autre doctrine que ce soit, était inébranlable. Mais je comprends la fébrilité des Jeunes Pop dans cette phrase. Quand nos illusions nous explosent en pleine face il est rassurant de prendre son cas pour une généralité.

Le capitalisme est ébranlé et le monde traverse la pire crise de tous les temps. Pire, donc, que 1929 ou les deux guerres mondiales. Pourtant tous les dirigeants de la planète, dont Nicolas Sarkozy, admettent leur incapacité totale à prévoir l'ampleur des dégâts qui seront causés par cette crise et sa durée. Ce que l'on peut reconnaître, c'est que le Président a agi, mais juger aujourd'hui de sa performance est impossible puisque rien de ce qu'il a initié en réponse à la crise n'est encore mesurable. Le glorifier à ce point est donc absurde.


En tant que Président de l’Union européenne, il a prouvé qu’ensemble et mieux coordonnés, les peuples d’Europe seraient plus forts pour affronter cette crise du siècle qui plonge toutes les économies mondiales dans un coma économique et financier. Il fut sans aucun doute, et de l’avis de tous, un grand Président de l’Union européenne qui s’est forgé, dans des circonstances exceptionnelles qui exposent les hommes au regard intransigeant de l’histoire, la stature de porte-parole des nations déterminées à moraliser en profondeur le capitalisme.

Nicolas Sarkozy n'a jamais été Président de l'Union Européenne. Ce poste n'existe pas. Il en a présidé le Conseil Européen. Il n'a pas rassemblé sur les solutions à la crise au niveau européen puisque chaque pays a élaboré son propre plan de relance. Il nous a d'ailleurs dit tout le bien qu'il pensait des plans de nos voisins lors de son intervention télévisée du 5 février. Encore une fois, même si l'on peut parler d'une relative réussite, prétendre que les avis sur la présidence française de l'Union Européenne sont unanimes et sans nuance est tout simplement faux.


En tant que Président de la République française, Nicolas Sarkozy n’a reculé devant rien, n’a cédé ni aux sirènes du renoncement ni aux tentations de la fatalité. Au lieu d’appliquer bêtement une doctrine économique, il s’est montré avant tout comme le Président de la réalité, pragmatique dans les réponses apportées aux problèmes concrets rencontrés par des millions de Français. En décidant de mesures de justice à l’occasion du « sommet social », il a fait le choix de ne laisser personne au bord du chemin et inscrit son action dans une stratégie claire : préserver l’emploi, parce que sans emploi, pas de pouvoir d’achat !

Recul sur les lycées, sur le travail du dimanche ou sur l'enseignement supérieur ; inflexion de sa politique sociale. Président de la réalité face aux problèmes concrets des français? Comme cette toute première mesure du bouclier fiscal? Comme le triplement de son salaire? Comme le traitement en urgence de la réforme de l'audiovisuel et de la loi Hadopi? Préserver l'emploi? Quid de ces constructeurs ou sous-traitants automobiles qui reçoivent des millions sinon des milliards de l'État sans remettre en question une seule seconde leurs plans sociaux?


En plaçant la jeunesse au premier plan de la relance de l’économie française, Nicolas Sarkozy a bien compris qu’il ne fallait pas laisser notre génération sombrer dans la peur de l’avenir, cette peur insidieuse, cette peur dangereuse. Il est aujourd’hui de notre devoir d’affronter la crise avec lucidité mais aussi avec confiance, pour qu’à l’orée du XXIème siècle la jeunesse de France renoue avec l’espérance.

Ici, les Jeunes Pop confondent le plan de relance de 26 milliards coordonné par Patrick Devedjian et les mesures sociales annoncées le 18 février dernier à hauteur de 2,6 milliards. Parmi ces mesures une seule, loin d'être la plus importante, concerne la jeunesse: faciliter l'accès aux indemnisations en cas de chômage. C'est ça "placer la jeunesse au premier plan"?

Lorsque l'on place cette mesure face aux 6 à 8 milliards du paquet fiscal qui favorisent les plus aisés des français, on réalise à quel point la jeunesse est en arrière plan, en zone floue. Elle n'est pas prêt à renouer avec l'espérance grâce à Nicolas Sarkozy qui en a une trouille bleue, au point de virer les préfets si elle s'approche d'un peu trop prêt, gueule un peu trop fort.


C’est en ce sens que nous avons voulu mener cette campagne. Elle est désormais entre vos mains, celles de dizaines de milliers de militants et de sympathisants qui ont à cœur de soutenir l’action du Président de la République face à une gauche à genoux et qui n’apporte pour seules réponses à la crise qu’intox, manipulation et récupération, laissant au passage sa dignité au placard.

Cet article des Jeunes Pop est en ligne depuis 2 jours. Il a suscité, sur leur propre site, 3 commentaires plutôt hostiles. Autant dire que cette campagne n'est pas gagnée... C'est qu'il est compréhensible que les "dizaines de milliers" de militants et sympathisants UMP ne se bousculent pas au portillon pour distribuer ces tracts et coller ses affiches. Ils savent très bien l'accueil qui leur sera réservé sur les marchés, dans la rue ou sur les campus. La droite se recomplexe, son manichéisme n'est pas plus pertinent aujourd'hui que celui de cette "gauche à genoux". Espérons que le silence qui répond à leur appel totalement hors sujet pourra, au final, leur être utile.


Nous en avons tous la conviction, l’histoire ne repassera pas les plats une seconde fois et nous n’avons en cet instant qu’une seule responsabilité, une seule mission : défendre ce que nous savons juste, au nom du Mouvement Populaire, pour l’avenir de la France.

Le "Mouvement Populaire"... euphémisme Coué d'une agitation populiste en vase clos au secours d'un homme qui à force de divisions et de communication débridée ne sait plus quoi faire ni quoi dire. Quel espoir, quelle révolution cette jeunesse "populaire" là peut-elle porter?


Aurélien
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Les Jeudis d'Edgar - 18 - Esquissons des papillons

Chaque jeudi (ou presque...) je viens vous présenter un échantillon de l'œuvre et de la pensée d'Edgar Morin. Je souhaite ainsi, en rapprochant à ma modeste mesure ses idées de la politique en général et du MoDem en particulier, nourrir les débats qui prendront place pour définir, et éventuellement mettre en application, ce nouveau modèle de société que des millions de français ont appelé de leurs vœux en mai 2007.

Les nouveaux outils dont le Mouvement Démocrate vient de se doter, le réseau social pour sympathisants et la plateforme pour les adhérents, m'offrent une alternative pour relier la Pensée Complexe et l'action politique au MoDem.



Ainsi, sur lesdemocrate.fr, j'ai créé le groupe Démocratie Cognitive, d'après le tout premier Jeudi d'Edgar, pour rassembler ceux qui voudront partager leurs idées et réflexions sur cette réforme, devenue indispensable, de la Pensée.


Depuis des années nos sociétés se figent, l'éthique est asphysiée, la politique est en crise. Une crise qui aujourd'hui atteint d'inquiétants sommets. Il faut préparer notre révolution. Comme la chenille, notre modèle politique et social est dans sa chrysalide et attend sa métamorphose. Je vous invite à venir esquisser des papillons...

Chacun dans notre coin nous sommes tour à tour dispersé, résigné, révolté. Partageons nos idées, nos incertitudes, nos contradictions. Qu'elles dialoguent, interagissent, se stimulent, s'anéantissent et se subliment. C'est un saut dans l'inconnu mais nous n'avons rien à perdre. Au contraire, tout est à construire.

Certes, il faudra bien du temps, des débats, des combats, des efforts pour que prenne figure la révolution de pensée qui s’amorce ici et là dans le désordre. On pourrait donc croire qu’il n’y a aucune relation entre ce problème et la politique d’un gouvernement. Mais le défi de la complexité du monde contemporain est un problème clé de la pensée, de l’éthique et de l’action politique.[Edgar Morin - Ethique]

Je vous propose un simple point de départ pour relever ce défi, ici.


Pour lire ou relire tous les épisodes des Jeudis d'Edgar, c'est par ici.

Aurélien
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mercredi 25 février 2009

Hypocrisie graduée

Depuis quelques années déjà l'UMP a dans ses tiroirs le projet de loi Création et Internet, dite Hadopi. Elle a pour but officiel de protéger les droits d'auteurs et la création par une série de mesures préventives et répressives contre le piratage d'œuvres artistiques.

Comme tous les projets de loi issus de la majorité qui ne relèvent d'aucune urgence dans le contexte économique et social actuel, il sera débattu au pas de charge. C'est que le Président de la République s'est engagé à ce que cette loi soit votée avant la fin mars. Et quand le Président s'engage...


Entre autres dispositions, ce projet de loi prévoit un principe de riposte graduée critiquée par de nombreux organismes parmi lesquels le Parlement Européen qui en a fermement rejeté l'idée à une écrasante majorité.


Je rappelle que le projet a été défendu par la député européenne Janelly Fourtou, également conseillère municipale Neuilly-sur-Seine depuis 1983. Cette année là un certain Nicolas Sarkozy y prenait la mairie pour 19 années, ça créé des liens. Elle est aussi l'épouse de Jean-René Fourtou, qui n'est autre que le Président du Conseil de Surveillance de Vivendi, maison mère d'Universal, numéro un mondial de la musique. De là à remettre en doute les vrais intérêts de ce projet de loi... Mais la majorité UMP n'ira jamais par là.

Non, à l'UMP, on ne s'occupe pas de ça. À l'UMP, on est à fond du côté de la création et des artistes. Alors forcément, quand le Mouvement Populaire devient le Mouvement Pirate et utilise frauduleusement, sur Internet et lors de deux meetings, une oeuvre artistique, en l'occurrence un titre du groupe américain MGMT, ça fait mauvais genre. Vite, Xavier Bertrand tente de réparer les pots cassés:

"L'UMP est très attachée au respect des droits d'auteur. Et la protection des oeuvres des artistes est quelque chose de primordial", a martelé Xavier Bertrand, secrétaire général du parti, qui a "reçu un courrier de l'avocate du groupe". "Il fallait prévoir des indemnisations. Ceci est totalement normal. La musique utilisée dans les meetings l'a été dans le cadre de la Sacem et donc en payant des droits à la Sacem. Nous sommes en train de regarder pour qu'il y ait une juste indemnisation du groupe", a-t-il précisé.

Et bien ça y est, c'est annoncé: l'UMP a fini de regarder et propose ce qu'elle considère une indemnisation juste: 1 euro symbolique. Nul doute que les artistes volés apprécieront l'immense respect dont les défenseurs de la création font preuve. Peut-être pas à chaud, mais une fois qu'on leur aura expliqué qu'il s'agit de riposte graduée, ils comprendront qu'en cas de récidive ils auront droit à une paire de tongs UMP. Puis, en cas de nouvelle infraction au nouvel album de Carlita, puis à un dîner au Fouquet's, puis à la plus belle des rolex pour surtout ne pas rater leur vie, puis des vacances en yacht et ainsi de suite jusqu'à, en cas d'acharnement absolu du parti majoritaire à utiliser illégalement leurs œuvres, se voir offrir un secrétariat d'état à la création musicale.

Ce qui est d'une hypocrisie insupportable, c'est d'accepter
les privilèges
d'une classe sans en accepter les fonctions.
[André Maurois]

Aurélien
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mardi 24 février 2009

L'immunité de la compétence

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La Présidence de la République et le gouvernement touchent le fond. La plus que probable nomination de François Pérol, Secrétaire-Général Adjoint de l'Élysée, à la tête de la deuxième banque française qui sera issue de la fusion entre la Banque Populaire et la Caisse d'Épargne, fait polémique. Et pour cause, un tel conflit d'intérêts, au point d'atteindre l'illégalité, à ce niveau de l'État est purement et simplement intolérable. Explications:

Qu'est-ce qu'un conflit d'intérêts?

Si l'on se fie à la section française de Transparency International, principale organisation de la société civile qui se consacre à la lutte contre la corruption, le conflit d'intérêts a une définition plus ou moins large selon les acteurs visés. En voici une qui concerne spécifiquement la fonction publique:

« Un conflit d'intérêts implique un conflit entre la mission publique et les intérêts privés d'un agent public, dans lequel l'agent public possède à titre privé des intérêts qui pourraient influencer indûment la façon dont il s'acquitte de ses obligations et de ses responsabilités. »
(OCDE, 29e session du comité de la gouvernance publique, Paris, les 15 et 16 avril 2004)

"... qui pourraient influencer...". L'emploi du conditionnel est fondamental. En effet, le conflit d'intérêts n'a pas besoin d'un acte de corruption avéré pour exister. Il représente plus un contexte favorable à la corruption que la corruption elle-même. Par conséquent, lutter contre les conflits d'intérêts, c'est faire de la prévention contre la corruption.



Y a-t-il conflit d'intérêts pour François Pérol?

Dans le cadre de sa très probable nomination à la tête de ce qui sera le deuxième groupe bancaire en France, le conflit d'intérêts est évident, et même double.
D'abord, c'est lui qui était en charge du dossier préparant l'implication de l'État dans cette fusion. Il est intervenu directement auprès des deux dirigeants de la Caisse d'Épargne et de la Banque Populaire il y a encore moins d'une semaine. Autrement dit il a eu un rôle actif dans la création de ce nouveau groupe dont il doit prendre la tête, premier conflit d'intérêts.
Ensuite, il est nommé par le Chef de l'État, Nicolas Sarkozy, dont il est Secrétaire Général Adjoint depuis 2007 et ami. Autrement dit, le Président de la République nomme un de ses plus proches collaborateurs à la tête d'une grande institution bancaire, qui plus est en pleine crise financière et économique, deuxième conflit d'intérêts.
Pour ses deux raisons son jugement dans l'acquittement de ses obligations à la tête de cette nouvelle banque pourrait être influencé.


Que dit la loi?

Elle est, contrairement à ce que laisse entendre le Point, tout à fait limpide. Dans ce décret comme dans cet article L432-13 du code pénal, il est stipulé ceci:

Est puni de deux ans d'emprisonnement et de 30 000 Euros d'amende le fait, par une personne ayant été chargée, en tant que fonctionnaire ou agent d'une administration publique, dans le cadre des fonctions qu'elle a effectivement exercées, soit d'assurer la surveillance ou le contrôle d'une entreprise privée, soit de conclure des contrats de toute nature avec une entreprise privée ou de formuler un avis sur de tels contrats, soit de proposer directement à l'autorité compétente des décisions relatives à des opérations réalisées par une entreprise privée ou de formuler un avis sur de telles décisions, de prendre ou de recevoir une participation par travail, conseil ou capitaux dans l'une de ces entreprises avant l'expiration d'un délai de trois ans suivant la cessation de ces fonctions.

La nomination de François Pérol à la tête d'un groupe financier privé qu'il aura contribué, en tant qu'agent de l'État, à créer est illégale.


Que dit Nicolas Sarkozy?

Pour le Président de la République, cette nomination de pose aucun problème. Forcément, c'est son idée. Qu'elle soit contraire à la loi et aux principes éthiques élémentaires ne peut donc le déranger.

La commission de déontologie a eu l'occasion de donner son point de vue (sur la nomination de François Pérol), ce point de vue a été communiqué aux deux banques et il sera rendu public", a-t-il précisé.

"Vous verrez en l'occurrence la différence entre une polémique et un problème, et de problème il n'y en a pas", a-t-il souligné.

"La politique de nominations du gouvernement est toujours fondée sur le même critère : la compétence, la compétence et encore la compétence."

La commission de déontologie, vous connaissiez? C'est, comme tous les médias oublient de le mentionner, cet organisme sous-tutelle du Ministère du Budget, et donc ni indépendant ni impartial dans ce dossier. Nouveau conflit d'intérêts. Il faut dire que le Ministre du Budget, Éric Woerth, est lui-même peu sensible aux conflits d'intérêts puisqu'il cumule cette fonction avec celle de Trésorier de l'UMP. Un cumul qui serait interdit dans les démocraties anglo-saxonnes, entre autres.

C'est que François Pérol est compétent, comprenez-vous? C'est un passe-droit en République Bananière de France. En Sarkozie, il suffit de déclarer quelqu'un compétent pour lui ouvrir toutes les portes, même celles qui lui sont moralement et légalement interdites. Il serait sans doute bon de rappeler fermement au Président de la République et ses amis - les ultra-compétents Pérol, Kouchner, Kosciusko-Morizet, Laporte, Lagarde, Woerth, ... - que la compétence, en plus de ne jamais être absolue, passe d'abord par le respect des lois et des principes éthiques élémentaires.


Aurélien



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lundi 23 février 2009

Les ambitions de Madame Sans-Gêne

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Madame Sans-Gêne, la Castafiore ou encore Nana la murène, c'est Nadine Morano, Secrétaire d'État à la Famille, qui lorgne sur le Ministère de l'Éducation Nationale. Jusque là, son ambition étant affichée et son opportunisme assumé, pas de surprise. Ce qui est plus étonnant, dans l'article du Point qui l'annonce, et elle l'a confirmé sur le plateau de Ripostes ce dimanche, c'est qu'elle plaide, de manière assez floue, pour un rapprochement des portefeuilles de la famille et de l'éducation. "Floue" parce qu'on ne sait pas s'il s'agirait d'un grand Ministère de l'Éducation et de la Famille, ou de mettre son Secrétariat d'État sous tutelle du Ministère de l'Éducation Nationale, voire même de faire de l'Éducation Nationale un sous-ministère d'une grande administration de la Famille...



Quoi qu'il en soit une telle éventualité m'effraie pour plusieurs raisons.

Tout d'abord Nadine Morano n'a aucune qualification, pas un diplôme ni une expérience politique, liée de près ou de loin au milieu de l'éducation. Alors certes en France, historiquement, on considère que lorsqu'on a administré un ministère, même secondaire, on peut tout administrer. Souvenez-vous de Douste-Blazy qui passa de la Santé aux Affaires Étrangères... Mais imaginez qu'avec mon diplôme d'ingénieur mécanique et mon expérience de chargé de projets en pétrochimie j'aille postuler à un poste de chirurgien en chef... Après tout le corps humain ce n'est que mécanique et chimie, une véritable mini-raffinerie, une simple série de pompes, de catalyseurs, de colonnes de distillation et autres systèmes de traitement des eaux usées, non? Quel directeur d'hôpital ou chef de clinique me pendrait au sérieux?

Ensuite son argument massue, en tout cas selon elle, consistant à dire que puisque l'on parle de démission des familles pour expliquer les problèmes scolaires il devient dès lors logique de lier les deux ministères, ne tient pas. Il révèle en revanche une conception toute sarkoziste de l'action politique, une conception qui entend imposer aux citoyens une pensée, un mode de vie. Je vois d'ici venir des propositions de conditionner les prestations familiales à l'assiduité, sinon aux performances, des élèves. Je pressens aussi l'ambition d'opposer familles et personnel enseignant pour mieux faire plier le mammouth.

Enfin, Nadine Morano est plus qu'à droite. Nicolas Sarkozy, qui ne peut lui reprocher un manque de fidélité, lui doit une bonne partie des voix d'extrêmes droites siphonnées aux FN lors des récentes élections locales ou nationales. Est-ce le genre de personnalité que mérite la somme des enjeux qui se présentent au niveau de l'Éducation Nationale? Dans cette période très tendue dans l'enseignement, à tous les niveaux, est-ce genre de caractère qui pourra ramener un minimum de sérénité et de confiance? Pour mémoire cette vidéo:




On a récemment vu le genre de projet que Nadine Morano était prête à défendre devant les français. Ce n'est pas avec de telles orientations à la tête d'un ministère comme celui de l'Éducation Nationale que l'on pourra évoluer vers une société plus juste et plus humaine.


Aurélien

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samedi 21 février 2009

500 secondes ; 500 euros

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Que ferais-je si j'avais, me sachant à 500 secondes d'une mort certaine, 500 euros à dépenser?

C'est la question de la chaîne sur laquelle Marie-Laure m'a taggé.

500 euros en poche ; 500 secondes, 8 minutes 20 devant moi.



J'ai confiance en ma douce moitié, ma famille et mes amis ; mes enfants seront à l'abri du besoin quoi qu'il m'arrive. Mais j'aime l'idée de leur donner, simplement. J'étalerais les petits bonheurs pour ceux qui restent en planquant des billets un peu partout dans la maison, au hasard. Rapidement, tout de même, pour prendre le temps d'un dernier câlin familial.

Ou si je m'en remettais au hasard? Je pourrais glisser les billets dans mon portefeuille, vidé de mes papiers, et balancer le tout le plus loin possible par la fenêtre, dans la rue, n'importe où. Quelqu'un le trouvera sûrement... tout à l'heure, dans deux jours, dans six mois, dans dix ans, jamais. Ce serait mon ultime battement d'ailes de papillon. Mon dernier tsunami, en secret.

On pourrait aussi s'asseoir en famille autour de la table et gribouiller le plus possible de biftons. Faire des fausses moustaches au monsieur, rajouter des zéros, faire des avions, des cocottes... Parce qu'avec moins de 500 secondes à tirer, on s'en fout de l'argent, on a le droit au n'importe quoi.

Un vieux proverbe dit: Il faut prendre le temps comme il vient, les gens pour ce qu'ils sont et l'argent pour ce qu'il vaut. Dans ce cas c'est le temps et les gens qui comptent ; l'argent ne vaut plus rien.

Trois petits tags pour prolonger cette interminable chaîne: Passage, Jigé et Spaulding...


Aurélien

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vendredi 20 février 2009

700 poulets pour une ferme

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Lorsque le Président de la République Nicolas Sarkozy visite une ferme dans un village de 1600 habitants, au Nord d'Angers, où aucun rassemblement hostile n'est annoncé, il s'entoure de 700 gendarmes et policiers.

L'article du Nouvel Observateur.

En première ligne, le groupement départemental de gendarmerie chargé de sécuriser le trajet présidentiel, les accès au village et à l'exploitation agricole visitée par le président, a réuni tous ses effectifs disponibles, soit 230 hommes dont plusieurs réservistes. Il a été appuyé par quatre escadrons de gendarmes mobiles (venus de Pontivy, Châteauroux, Le Havre et Vannes), et par un escadron de CRS qui a été affecté à la surveillance de l'aérodrome d'Angers-Marcé où a atterri et décollé Nicolas Sarkozy, soit au total près de 400 personnes. [...]

Des hommes du Raid (Unité d'élite de la police nationale), du GIPN (Groupement d'intervention de la police nationale), une quinzaine de fonctionnaires de police en civil et un hélicoptère de surveillance ont aussi participé aux opérations, sans compter le GSPR (Groupe de Sécurité du Président de la République), selon les mêmes sources.


On est soulagé d'apprendre qu'il n'y a eu aucun incident, que le Président est sain et sauf et que le Préfet du Maine-et-Loire garde son poste. Ouf. Soyons, même en période de vaches maigres, même lorsque qu'aucun risque n'est pressenti, fiers de mettre autant de moyens à disposition d'un seul homme.



Nous y sommes.

De quoi a-t-il peur? De quel danger pense-t-il se protéger? Sent-il un réel vent de défiance, sinon de révolte, se lever jusque dans nos campagnes ou est-ce simplement de la frime, du bling bling sécuritaire?


La vraie peur, c'est quelque chose comme une réminiscence des terreurs fantastiques d'autrefois.
[Guy de Maupassant]



Aurélien

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Petite question sur les DOM-TOM...

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Mercredi le Président de la République annonce aux français un train de mesures sociales à hauteur de 2,6 milliards d'euros.

Jeudi le Président de la République annonce aux français d'Outremer un train de mesures à hauteur de 580 millions d'euros.

Question: On voit que la classe politique en général et le Chef de l'État en particulier ne peuvent s'empêcher de compartimenter les français entre métropolitains d'un côté, et ultramarins de l'autre. Pour preuve les deux allocutions télévisées séparées et exclusives à chaque catégorie. Alors je m'interroge... Les français d'outre-mer vont-ils bénéficier des deux trains de mesures?

Je pense notamment aux mesures sur l'impôt, sur l'indemnisation du chômage partiel et sur les allocations familiales contenues dans la première série de mesures... C'est une question importante, il me semble, pour juger aussi objectivement que possible du bien fondé d'une éventuelle poursuite du mouvement social en Guadeloupe et ailleurs dans les DOM-TOM. Si quelqu'un a la réponse...

Par ailleurs je rejoins François Bayrou lorsqu'il déclare: Il y a deux questions profondes qui touchent à la reconnaissance de la situation particulière et lourde des Antilles: l'organisation économique et sociale autour des monopoles et des prix, et la reconnaissance et le traitement ouvert de l'identité et de la mémoire, notamment de l'esclavage.

Je souhaite que ces questions soient débattues lors des états généraux annoncés dans tous les départements d'outre-mer.

Reste ma petite question...


Aurélien

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jeudi 19 février 2009

Le Mépris

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L'État, le gouvernement, les ministres, les médiateurs et, bien sûr, Nicolas Sarkozy lui-même... c'est de là que viennent le dédain, l'indifférence, l'humiliation. Mépris: c'est le mot qui revient partout en ce moment de part la multiplication des conflits sociaux. Un mépris qui suinte des cabinets ministériels. Le fiel se disperse de tribunes de presse en plateaux de télévision. À longueur de communiqués on stigmatise, on ringardise, on culpabilise. On écoute... et on ne tient pas compte.


Mépris: Sentiment par lequel on considère quelque chose
ou quelqu'un comme indigne d'estime ou d'intérêt.


Trois semaines de grève illimité et toujours le blocage. Des années de mobilisation et une porte qui se ferme à double tour. Un mois et un mort pour enfin montrer aux citoyens de Guadeloupe qu'on sait qu'ils existent. Les sources d'information, essentielles en démocratie, sont dépréciées. Les rares moyens de protestation sont raillés. La fonction publique n'est pas plus respectée. Les principes élémentaires de séparation des pouvoirs sont bafoués. Les diplômes sont ridiculisés. On méprise même les frères et les cousins.


Partout, sous différentes formes mais toujours offensant, le mépris. En face, la société française fait preuve d'une résilience communautaire impressionnante. Patience ou résignation? Les citoyens ne sont pas que des récepteurs d'information. Ils valent mieux que des simples cerveaux au temps disponible. Au bout des lignes de communication de plus en plus grossières de cette équipe gouvernante, il y a des individus, des familles qui, elles, se heurtent chaque jour à la réalité. Les mensonges et les injures venant d'en haut s'y révèlent.

Sous le choc du réel le mépris change sa course pour revenir en boomerang vers ceux qui l'ont déversé. Mais ceux-ci n'entendent pas. Ils ne voient que réflexes archaïques, conservatismes et mauvaises volontés. Alors ils redoublent de mépris et la spirale infernale poursuit son expansion.

Jusqu'où? Jusqu'à quand?

Serait-ce, là encore, l'écume de quelque chose?



Toute forme de mépris, si elle intervient en politique, prépare ou instaure le fascisme.
[Albert Camus]



Aurélien

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Les Jeudis d'Edgar - 17 - Ressourcer l'éthique

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Chaque jeudi (ou presque...) je viens vous présenter un échantillon de l'œuvre et de la pensée d'Edgar Morin. Je souhaite ainsi, en rapprochant à ma modeste mesure ses idées de la politique en général et du MoDem en particulier, nourrir les débats qui prendront place pour définir, et éventuellement mettre en application, ce nouveau modèle de société que des millions de français ont appelé de leurs vœux en mai 2007.


Ce billet est la suite directe du précédent Jeudi d'Edgar. Nous y avons vu les origines et les moteurs de la crise éthique, mère de toutes les crises actuelles. Je concluais ainsi: Il devient ainsi urgent, à l'heure où l'on ressource les banques et certaines industries, de ressourcer l'éthique. Mais comment?




La Pensée Complexe contient des pistes. La plus importante, la plus fondamentale, est sans doute celle du principe de reliance:

L'éthique est pour les individus autonomes et responsables, l'expression de l'impératif de reliance. Tout acte éthique, répétons le, est en fait un acte de reliance, reliance avec autrui, reliance avec les siens, reliance avec la communauté, reliance avec l'humanité et, en dernière instance, insertion dans la reliance cosmique.

La reliance est un concept inventé par le sociologe Marcel Bolle de Bal qui caractérise les aspirations à diverses identités. Reliance à soi: indentité individuelle. Reliance aux autres: fraternité. Reliance au monde, à la Terre Patrie: identité terrienne. On retrouve ici la boucle complexe individu-société-espèce, qui devient ici une boucle de reliance qu'il nous faut régénérer.

Cette régénération peu partir du réveil intérieur de la conscience morale, du surgissement d'une foi ou d'une espérance, d'une crise, d'une souffrance, d'un amour, et aussi, aujourd'hui, de l'appel qui vient du vide éthique, du besoin qui vient du dépérissement éthique.

Il ne s'agit donc pas pour nous de trouver un fondement pour l'éthique, mais à la fois de la ressourcer et de la régénérer dans la boucle de reliance.

Une simple prise de conscience ne suffit pas, ou plutôt ne peut survenir sans effort. Il faut fournir l'effort de travailler à bien penser. Quatre éléments essentiels à cela: favoriser l'ouverture entre les connaissances et les disciplines, reconnaître l'urgence de l'essentiel, intégrer et accepter incertitudes et contradictions et lutter contre les puissances d'aveuglement et d'illusion de l'esprit humain.



La reliance: un défi énorme en général et en politique en particulier. Reconnaître, accepter et entretenir les antagonismes complémentaires avec ses opposants. Ne pas s'entêter à avoir des idées arrêtées sur tout mais se concentrer et être implacables sur l'essentiel. Accepter de ne pas avoir réponse à tout, de déléguer. Assumer, voir revendiquer, une dose d'incohérence. Faire en continu son autocritique constructive. C'est à peu près comme cela que je définirais "faire de la politique autrement", pour que l'éthique y retrouve son rôle à la fois moteur et régulateur.


Pour lire ou relire tous les épisodes des Jeudis d'Edgar, c'est par ici.


Aurélien

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mardi 17 février 2009

Complices ou victimes?


“À un moment, est-ce que ce besoin de communiquer tout n'importe où
ne doit pas se traduire en faire quelque chose quelque part?”
Jonathan Salem Baskin sur la nécessité pour le marketing social de penser plus souvent en bout de ligne | AdAge



C'est dans l'agenda présidentiel depuis deux semaines:

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18 février

15h00
Réunion de M. le Président de la République avec les partenaires sociaux au Palais de l'Élysée.
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De quoi vont bien pouvoir se parler le Président de la République, le Premier Ministre et six membres de son gouvernement, quelques conseillers de l'Élysée, les représentants des organisations patronales et syndicales?

À priori, suite à la volée d'annonces faites par Nicolas Sarkozy le 5 février dernier en prime time, il sera question de débattre sur les propositions d'ordre social des différents intervenants pour tenter de dégager quelques mesures immédiates afin de soulager le quotidien des français les plus vulnérables en ces temps de crise.

"À priori"... car tout est déjà ficelé.

En effet On apprend aujourd'hui qu'une intervention télévisée, probablement enregistrée, sera diffusée à 20h mercredi soir pour que Nicolas Sarkozy nous explique les mesures de justice sensées calmer la grogne sociale... et discutées seulement quelques heures, sinon minutes, auparavant.

J'ai énormément de mal à croire qu'une allocution d'une quinzaine de minutes (minimum) puisse être préparée, répétée, enregistrée et montée, sur un sujet aussi sérieux avec autant d'intervenants et d'interrogations, en aussi peu de temps. Il semble donc établi que les décisions sont déjà prises, toutes les "discussions" ont déjà eu lieu.

Pour l'Élysée, la réunion de mercredi n'est finalement qu'un point de passage médiatique obligé. Il ne reste qu'à attendre pour voir si Nicolas Sarkozy tirera à lui la couverture d'un succès collectif ou s'il rejettera la faute d'un échec sur les syndicats, au risque de faire monter encore colère et défiance à son égard.

On saura aussi, ce mercredi, s'il en est de même pour les partenaires sociaux. Auront-ils eu le sentiment d'avoir été écoutés et d'avoir vu leurs propositions retenues, au moins partiellement, ou au contraire d'avoir été baladés de ministre en conseiller? On saura alors s'ils auront été complices d'une mise en scène médiatique ou simplement victimes de l'obstination du Président.

Surtout, après cet énième coup médiatique, des millions de citoyens, ceux qui ne sont complices d'aucun acte ayant amené cette crise mais victimes de tous les bons mots visant à la maquiller, sauront si des actes concrets répondent enfin à leurs urgences quotidiennes.


Aurélien
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Buzz parental

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De nombreux blogueurs ont vivement réagi aux déclarations de Nicolas Sarkozy sur la réforme annoncée de la politique familiale avec, entre autres, la réduction du congé parental d'éducation. Je salue notamment le dynamisme de Marie-Laure (Hypos) qui mène le débat sur plusieurs fronts.

Voici un nuage de liens pour découvrir ce qui a été dit ailleurs depuis mon billet de vendredi dernier:




Aurélien
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lundi 16 février 2009

Faces à faces

Trois faces à faces ont retenu mon attention aujourd'hui:


Le comble de la furtivité
Depuis des années les puissances nucléaires de ce monde se livrent une bataille navale sous-marine. C'est à qui aura le sous-marin nucléaire le plus furtif, à qui pourra patrouiller les océans en long, en large et en travers sans se faire repérer. À ce jeu là, la France et la Grande-Bretagne excellent, notamment depuis le lancement de la dernière génération de sous-marins. Ces derniers ont atteint un niveau de discrétion si impressionnant... qu'ils peuvent entrer accidentellement en collision frontale.
C'est ce qui s'est passé au début du mois entre le Triomphant français et son homologue britannique HMS-Vangard. Un accident rarissime et heureusement sans grande conséquence: quelques bosses sur la coque côté anglais, un sonar endommagé côté français. Au pire, il est envisageable que l'une des deux puissances, ou les deux, soit en mesure de déterminer la signature acoustique de l'autre, ce qui serait sans doute très mal vu par les états-majors même si, heureusement, il s'agit d'alliés.
Mais ce n'est rien comparé aux vies qui étaient à risque, à une éventuelle fuite radioactive, à la possible perte de têtes nucléaires... le pire a été évité.




La rupture d'après

On ne sait pas s'ils pourront nous éviter le pire. On ne peut pas dire non plus qu'ils soient véritablement furtifs, encore moins alliés. Il n'y a pas de risque nucléaire mais ce face à face pourrait faire de gros dégâts. Demain, Xavier Bertrand, Secrétaire Général de l'UMP, retrouve son siège de député à l'Assemblée Nationale, où le groupe UMP est présidé par Jean-François Copé. Les deux aspirants désignés à la succession de Nicolas Sarkozy - à la tête de la droite française et si possible au-delà... - se retrouvent donc sur le même terrain.
Ils ne cachent pas la détestation qu'ils éprouvent l'un pour l'autre, mais se disent capables de mettre leurs ambitions de côté avant les présidentielles de 2012, sinon 2017. À respectivement 38% et 34% d'opinions favorables selon le baromètre Ipsos de janvier 2009, Xavier Bertrand et Jean-François Copé amorceront demain un long duel, à rendre jaloux les éléphants du PS, qui sera politiquement mortel pour au moins l'un des deux.
En attendant, ils placent leurs pions et à ce petit jeu il semble que ce soit Jean-François Copé qui ait l'avantage en "cultivant sa proximité", selon l'expression du Figaro, avec Brice Hortefeux, l'ami du Président et détenteur des clés pour les investitures UMP aux élections. De plus le destin de Xavier Bertrand semble définitivement lié à celui de Nicolas Sarkozy, quand Jean-François Copé peut encore se présenter comme une alternative au Sarkozisme... s'il arrive à vendre l'idée de rompre avec la rupture.


Le scénariste

Voici l'un des nombreux surnoms que l'on pourrait donner à Nicolas Sarkozy tant il semble constamment mettre en scène son propre personnage comme ses partenaires et figurants. Pour le coup il est aussi producteur, réalisateur et distributeur, sans oublier, bien sûr, qu'il tient le premier rôle.
Pour la sortie ce mercredi de son dernier long métrage, traitant d'un véritable affrontement politique sur fond de crise sociale, il a tout misé sur le montage. Il a défini l'enchaînement des scènes, en a coupé certaines, et pré-déterminé les réactions de tous les protagonistes. Comme dans tous ses films, le Président assure lui-même toutes ses cascades. Le dialogue (social) est grossier et figé, mais on l'oublit grâce, paraît-il, à un dénouement inattendu qui "surprendra tout le monde".
Reste à connaître le titre de l'œuvre et bien sûr l'accueil que lui réserveront la presse et les spectateurs...



Aurélien
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Le Cercle des professeurs et des chercheurs disparus...

Ou la Révolte des sages...

Depuis le début du conflit auquel le gouvernement de Nicolas Sarkozy, avec en première ligne Valérie Pécresse, fait face sur la réforme du statut des enseignants-chercheurs, et au-delà sur l'autonomie des universités, je guette la réaction d'Edgar Morin qui, un peu dans l'ombre du sociologue philosophe que l'on a plaisir à lire ou écouter dans les médias, est aussi Directeur de recherche émérite au CNRS.

Ma patience est aujourd'hui récompensée puisque le 11 février dernier était publié l'appel Pour un Cercle des professeurs et des chercheurs disparus, signé par 216 professeurs et chercheurs dont Edgar Morin qui, je le devine par certains mots et arguments, en est l'un des inspirateurs et coauteurs. Un appel qui va au-delà des enjeux directs de la réforme controversée.

Fidèle aux raisonnements développés dans ses livres, il s'associe ici avec ceux qui rejettent la séparation, la fragmentation et la parcellisation des savoirs ; trois dérives profondes aux conséquences graves non seulement pour la Recherche et l'Enseignement, mais pour la civilisation elle-même.

Ils lancent cet appel à tous ceux qui s'y reconnaîtront et qui souhaitent agir pour défendre la Pensée, la Culture et même la Démocratie.



En voici l'intégralité, c'est long mais c'est profond:

Le monde de l’Université et de la Recherche est en proie depuis quelques temps déjà à un processus de dégradation sans précédent en Occident depuis des siècles, et à de lourdes menaces non pas contre la liberté de pensée, apparemment portée au pinacle, au contraire, mais contre la pensée elle-même. Plus spécifiquement, ce que ces assauts menacent de faire disparaître, définitivement peut-être, c’est le rapport humaniste à la culture qui était au fondement de l’Université, ce mélange d’obligation et de plaisir pris à la connaissance désintéressée des œuvres d’art et de pensée, littéraire, philosophique ou scientifique.

Dissipons d’entrée de jeu les soupçons que ne manqueront pas de faire naître ces affirmations liminaires :

- Notre objectif n’est pas de vitupérer l’époque, de déplorer la perte du bon vieux temps et de dénoncer l’inflation informatique ou la vulgarité télévisuelle. Chacun en pensera ce qu’il veut.

- Nous ne méconnaissons nullement que la définition de ce qui fait ou doit faire partie de la culture – la culture des femmes ou des hommes dits cultivés- est largement contingente et éminemment variable. Pourquoi l’histoire du rock ou de la dynastie Ming ne serait-elle pas aussi importante que celle de la poésie anglaise médiévale ou des guerres de Louis XI ?

- Il n’est pas davantage dans nos intentions de défendre par principe et contre toute réforme les institutions universitaires ou de recherche existantes. Leur incapacité à réagir contre les coups inouïs qui leur sont portés atteste assez, justement, de leur abandon, déjà ancien, des idéaux de la connaissance humaniste universitaire, qu’elles ne font même plus semblant d’honorer.

- Enfin, en parlant d’idéal de connaissance humaniste nous ne songeons pas particulièrement, on l’aura compris, à l’enseignement du grec, du latin ou des Belles Lettres. Il y a un rapport cultivé et humaniste à tout savoir, qu’il s’agisse de physique, de mathématiques, de philosophie, de sciences humaines ou sociales, de science économique, de gestion etc. Aussi bien, ce qui nous importe ici n’est pas d’énoncer ce qui doit faire partie des savoirs généraux légitimes mais d’affirmer l’absolue nécessité à la fois qu’il existe des savoirs généraux partagés, et de préserver et de faire revivre un certain type de rapport au savoir, à sa production et à sa transmission. L’Université, l’Universitas s’est définie en tant que telle par cette aspiration à une certaine universalité du savoir. N’hésitons pas à qualifier ce type de rapport au savoir, indispensable à la pensée et au fonctionnement d’une Université digne de ce nom, de « désintéressé ». Ce qui ne signifie évidemment pas : « sans intérêt ». Au contraire, les savoirs désintéressés sont ceux auxquels on désire accéder ou transmettre parce qu’ils sont source intrinsèque de plaisir, d’étonnement, de passion, d’excitation ou d’émerveillement. Les plus intéressants, donc. Ou bien ceux que l’on doit acquérir pour devenir pleinement citoyen de son époque, et acteur social à part entière. Dissipons une autre équivoque possible. Défendre un idéal du savoir désintéressé ne veut pas dire qu’il n’y aurait pas à se soucier des débouchés professionnels des études universitaires ou des usages sociaux et appliqués de la Recherche, et ne signifie pas non plus qu’il ne devrait pas être fait une place, même très importante, même la plus importante quantitativement pour des savoirs immédiatement utiles. En revanche, il convient de résister par tous les moyens à la résorption des savoirs désintéressés ou, plutôt, de la modalité et du moment désintéressé du savoir dans la formation professionnelle – ou pseudo professionnelle, - et dans les connaissances appliquées, ou pseudo pragmatiques.

Mais la menace principale qui pèse désormais sur la pensée ne réside pas au premier chef dans cette couse effrénée à la professionnalisation de l’enseignement universitaire. Elle tient, bien plus profondément, à une spécialisation-professionnalisation désormais délétère non pas tant de la transmission que de la production du savoir lui-même. Le monde de l’Université et de la Recherche est désormais entré résolument, inexorablement peut-il sembler, dans la troisième et peut-être ultime étape d’un processus de déculturation du savoir amorcé il y a une trentaine d’années et que l’on peut décrire sommairement comme suit :

1. La séparation des savoirs. Dans un premier temps, il est devenu peu à peu possible, puis plus ou moins recommandé, d’entrer dans les divers champs disciplinaires en laissant au vestiaire la culture générale de base, littéraire, historique ou philosophique, en se contentant d’une maîtrise parfois approximative du français (ou de la langue maternelle de tel ou tel pays), et en ignorant superbement l’existence des autres disciplines. Ce fut le début de l’explosion des formalismes et des jargons disciplinaires.

2. La fragmentation des savoirs. La deuxième période, toujours d’actualité, est celle de l’intensification des clivages disciplinaires. Ce ne sont plus désormais les disciplines qui se séparent en se déniant les unes aux autres tout substrat commun, mais les sous-disciplines ou les sous-sous disciplines (ainsi existe-t-il, par exemple, plusieurs écoles de mathématiques financières, inaccessibles à la quasi-totalité des économistes, avec les résultats que l’on sait).

3. La parcellisation des savoirs. La troisième vague, amorcée depuis assez longtemps déjà dans les pays de langue anglaise mais qui touche maintenant la France de plein fouet est celle de la réduction des sous-savoirs à des parcelles de connaissance elles-mêmes réduites à leur dimension quantitative. La concurrence qui fait rage à l’échelle mondiale entre universités ou entre instituts de recherche les amène tous à se lancer dans une campagne d’affichage de leur valeur, mesurée par le nombre d’articles publiés - presque exclusivement en anglais- , dans des revues soigneusement hiérarchisées, également à l’échelle mondiale, et qui, presque mécaniquement, du seul fait qu’elles sont étalonnées par des experts qui jugent des experts qui jugent des experts etc. (et indépendamment de la forte opacité qui préside à leur hiérarchisation) tendent à ne valoriser que les formulations les plus spécialisées et les plus en accord avec le sous-jargon sous-disciplinaire en vigueur. Cette rationalisation, qui doit permettre d’automatiser l’évaluation des professeurs et des chercheurs par les financeurs privés ou publics est en train d’aboutir à ce quadruple résultat saisissant :

a) Il est préférable d’avoir écrit quelques lignes, même insipides, dans une revue bien cotée que plusieurs articles passionnants et novateurs dans des revues qui le sont moins bien. Quant à écrire des livres, c’est la preuve désormais d’une inaptitude avérée à la recherche, qui ne retire pas encore des points, mais presque, et en tout cas n’en ajoute guère.

b) Dans les commissions de recrutement ou de promotion, plus personne n’a besoin de lire la production des collègues puisque leur valeur a déjà été déterminée « objectivement ».

c) Cette évolution est étroitement liée à une dynamique de privatisation généralisée du savoir qui conduit, dans les sciences de la nature, à déposer des brevets sur toute parcelle de connaissance identifiable et, dans les sciences humaines et sociales à imposer aux bibliothèques, au détriment du livre, l’achat des revues les mieux classées dont les abonnements atteignent des tarifs tout à fait prohibitifs.

d) Cette dérive, déjà fort problématique dans les pays de langue et de culture anglaise l’est encore bien davantage dans tous ceux, et c’est particulièrement vrai en France, où la richesse de la pensée et de l’imagination théorique était fortement liée - à des degrés bien sûr variables selon les disciplines -, à la densité d’une tradition culturelle et à la maîtrise des finesses de la langue. L’obligation d’écrire en anglais se présente alors comme une injonction à l’abandon de tout esprit de finesse.

En bref, le monde du savoir est en train de devenir un champ dans lequel il n’est plus écrit à destination de personne, où ce qui est écrit n’est plus lu par personne (sauf les anonymes Referees des revues bien en cour) et dans lequel le savoir n’est plus vu comme un bien commun de l’humanité mais exclusivement comme une source de profit individuel, privé et/ou institutionnel.

C’est donc bien d’une attaque frontale contre la pensée qu’il s’agit ici, si par pensée on n’entend pas seulement l’activité computationnelle, la dérivation plus ou moins mécanique des implications des axiomes admis au sein d’un champ de savoir bien délimité, mais à la fois l’imagination créatrice, la mise à l’épreuve des certitudes disciplinaires par leur confrontation avec d’autres régimes de discours, et la capacité à rapporter les connaissances nouvelles aux intuitions de sens commun inhérentes à une culture donnée.

Que faire ?

Précisons encore une fois : l’objectif de notre dénonciation de la situation actuelle du savoir n’est nullement de critiquer le principe de son organisation disciplinaire en tant que tel. Il n’est pas, non plus, d’en appeler à une improbable et introuvable transdisciplinarité. Mais, face au risque considérable d’affaissement de la pensée et de disparition de toute la tradition de la culture, berceau et vivier des valeurs démocratiques, le cercle des professeurs et chercheurs disparus (ou en voie de disparition) décide de s’organiser en un réseau de connivence humaniste international. Ses membres s’engagent à tout faire, là où ils le peuvent :

- Pour favoriser, à qualité disciplinaire ou sous-disciplinaire équivalente, le recrutement de professeurs ou de chercheurs qui ne se bornent pas à maîtriser le cœur formel de leur discipline mais qui sont également conscients et soucieux de son articulation au savoir général et, pourquoi pas, de ses enjeux humains et sociaux.

- Pour inciter à ce que dans chaque discipline, une part du recrutement soit institutionnellement et explicitement réservée à cette ouverture généraliste et/ou interdisciplinaire. Cette part pouvant varier selon les disciplines, par exemple d’un cinquième dans les sciences les plus dures à la moitié en sciences humanes et sociales.

- Tous les professeurs et chercheurs qui se reconnaissant dans ce propos sont invités à se rassembler dans le Cercle des professeurs et chercheurs disparus (ou en voie de disparition) dont la principale ambition sera d’abord d’exister, et de permettre ainsi à ses membres de se connaître et de se reconnaître, à l’échelle internationale, et à travers toutes les disciplines, comme partageant la même conception du savoir. Il leur suffira, pour commencer, de se faire connaître sur une liste électronique publique. L’important sera d’abord, en effet, de se compter, de faire masse pour mesurer sur quelles forces il est possible de tabler.

- Dans un second temps, et si cette initiative rencontre le succès escompté, il sera possible de mettre en place des procédures de légitimation et d’habilitation des professeurs et des chercheurs à la fois complémentaire et concurrente des procédures officielles actuellement en vigueur.



Je n'en attendais pas moins et leur souhaite tout le succès du monde.

Il en va de notre intérêt à tous.



Aurélien
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vendredi 13 février 2009

Les raisons de la colère

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En une semaine, depuis son intervention télévisée du 5 février, Nicolas Sarkozy est sur tous les fronts, en campagne permanente. Sans même compter la charge de travail que représentent la gestion de la crise économique, la préparation du G20 du mois d'avril, les investitures UMP pour les prochaines élections européennes ou le suivi de la fronde des enseignants-chercheurs, il a successivement annoncé la suppression de la Taxe Professionnelle, le plan de secours pour l'automobile ainsi qu'un comité interministériel de l'Outre-mer, sans oublier sa visite en Irak et au Koweït et aujourd'hui son intention de réduire le congé parental d'éducation compensé par la création de 200 000 places d'accueil pour les enfants. Le tout est exécuté en respectant la stratégie de communication en place depuis longtemps: je déforme, je culpabilise, j'annonce.




Sur la politique familiale, le Président nous offre un nouvel exemple de cette stratégie, comme à son habitude il arrange la réalité à son avantage pour mieux imposer son idée:
Bien sûr qu'une femme qui souhaite s'occuper à plein temps de l'éducation de ses enfants, c'est formidable, (...) mais ça doit être un choix. Ma crainte c'est que cette femme après avoir fait cela n'ait plus la chance de retrouver un emploi, parce qu'on lui dit après qu'elle est trop vieille.

Encore une fois donc, la réalité est déformée, et même renversée ; hypocrisie quand tu nous tiens... D'abord pour bénéficier du congé parental d'éducation il faut être salarié de son entreprise depuis un an. Ensuite, une simple vérification sur le site du Servie Public met à jour le mensonge populiste du patron de l'UMP. Voici les vraies conséquences du congé parental d'éducation sur le contrat de travail:

Pendant la durée du congé parental, le contrat est suspendu mais non rompu et le salarié n'est pas rémunéré.

Pour l'ancienneté, le congé est pris en compte pour moitié.

Néanmoins, des accords de branche peuvent prévoir les conditions dans lesquelles la période d'absence des salariés, dont le contrat est suspendu pendant un congé parental d'éducation à temps plein, est intégralement prise en compte.

Le salarié conserve le bénéfice de tous ses avantages acquis.

À son retour dans l'entreprise, le salarié a même droit à une formation professionnelle en cas de changement de techniques ou de méthodes de travail. Ainsi, puisque le congé parental ne génère pas de risque au niveau de l'emploi, il est clair que les parents qui décident d'en bénéficier choisissent, et non subissent par défaut, cette option. Ceux qui subissent sont celles et ceux, bien plus nombreux, qui sont obligés de reprendre leur activité professionnelle, au détriment de l'éducation de leur enfant, pour des questions matérielles.

Le Président annonce ensuite: Pour rendre effective la conciliation de la vie familiale et de la vie professionnelle, il faut "que l'on puisse proposer 200 000 places d'accueil supplémentaires d'ici à 2012, la fin de mon quinquennat".

Chiche? Selon les chiffres d'Attac France, recalculés pour correspondre à ces 200 000 places annoncées, cette mesure coûterait 4 milliards d'euros pour la construction, puis entre 2 et 3 milliards d'euros par an pour le fonctionnement. Où trouver autant d'argent? Les caisses de l'État sont vides et les collectivités locales qui devront certainement contribuer à ces dépenses sont dans le flou total depuis la décision de supprimer la taxe professionnelle... Alors quoi? On emprunte? On creuse encore la dette? Autant dire qu'il s'agit là, encore une fois, d'un effet d'annonce.

Sur ce sujet comme sur tous les autres, on déforme la réalité pour ensuite mieux sortir de sa manche un chiffre aussi impressionnant que démagogique. L'Élysée ne se rend pas compte que cette méthode est maintenant éculée. Elle a vécu sur le paquet fiscal, sur la réforme de l'audiovisuel public, du statut des enseignants-chercheurs, de la Constitution, des lycées, etc... Plus personne n'est dupe. En revanche chacun se sent chaque jour un peu plus méprisé.

Sur chaque sujet: polémique, controverse, humiliation, incompréhension, mensonge, incompétence, mépris... Et les français de déguiser leur désespoir en patience. Mais cette dernière a naturellement des limites, le masque se fissure, le désespoir cède a la colère. Une colère qui s'annonce impitoyable, désordonnée, sourde... à l'image de ce qui l'aura provoquée.

EDIT: Ne ratez pas le buzz!


Aurélien
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jeudi 12 février 2009

Les Jeudis d'Edgar - 16 - Crise éthique

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Chaque jeudi (ou presque...) je viens vous présenter un échantillon de l'œuvre et de la pensée d'Edgar Morin. Je souhaite ainsi, en rapprochant à ma modeste mesure ses idées de la politique en général et du MoDem en particulier, nourrir les débats qui prendront place pour définir, et éventuellement mettre en application, ce nouveau modèle de société que des millions de français ont appelé de leurs vœux en mai 2007.

Et si les diverses crises que le monde traverse aujourd'hui - économique, sociale, écologique, sanitaire, alimentaire, politique, idéologique... - ne pouvaient être expliquées que par une crise bien plus profonde, plus fondamentale et plus universelle? Il s'agirait de la crise éthique.




Extraits d'Éthique, vol. 6 de La Méthode:


Les fondements de l'éthique sont en crise dans le monde occidental. Dieu est absent. La Loi est désacralisée. Le Sur-Moi social ne s'impose pas inconditionnellement et, dans certains cas, est lui-même absent. Le sens de la responsabilité est rétréci, le sens de la solidarité est affaibli. La crise des fondements de l'éthique se situe dans une crise généralisée des fondements de certitude: crise des fondements de la connaissance philosophique, crise des fondements de la connaissance scientifique.

On touche ici au cœur de ce qui semble impossible et paradoxal dans la Pensée Complexe d'Edgar Morin. Celle-ci appelle à la compréhension, au doute, à la remise en cause. Elle se méfie des certitudes comme de la peste. Pourtant son application nécessite d'imposer l'Éthique, qui elle, à priori, requiert des certitudes. Sauf que pour être véritablement éthique, justement, l'Éthique doit être vivante et réagir, s'adapter au monde qu'elle prétend assagir. Or les certitudes brident l'évolution. Par conséquent l'Éthique, pour être fiable et pertinente, ne peut qu'être complexe et se nourrir des antagonismes et complémentarités qu'elle rencontre.


La référence aux "valeurs" à la fois révèle et masque la crise des fondements. Elle la révèle: comme le dit Claude Lefort, "le mot "valeur" est l'indice d'une impossibilité à s'en remettre désormais à un garant reconnu par tous: la nature, la raison, Dieu, l'Histoire. Il est l'indice d'une situation dans laquelle toutes les figures de la transcendance sont brouillées". Nous sommes désormais voués à ce que Pierre Legendre appelle le "self-service normatif" où nous pouvons choisir nos valeurs. Les "valeurs" prennent la place laissée vacante des fondements pour fournir une référence transcendante intrinsèque qui rendrait l'éthique comme auto-suffisante. Les valeurs donnent à l'éthique la foi en l'éthique dans justification extérieure ou supérieure à elle-même. En fait, les valeurs essaient de fonder une éthique sans fondement.

Cette illusion des valeurs devrait tous nous interroger, en particulier en politique, en particulier au Mouvement Démocrate dont la Charte des Valeurs fut l'un des documents fondateurs. Pour consolider notre identité et nos actions, ne devrions-nous appuyer nos valeurs sur une "référence transcendante"? Tel que mentionné dans le billet La coquille vide, toutes les doctrines ont tour à tour, ici et là, représenter pour les uns ou les autres, par leurs cortèges de certitudes, une référence transcendante.
Notre défi le plus essentiel serait alors, sans tomber dans le piège de la dictature doctrinaire, de s'accorder sur une référence. L'individu? La société? l'Espèce? La Pensée Complexe nous conduirait à privilégier la boucle reliant ces trois éléments, et par conséquent à adopter une référence complexe qui pourrait être une autre boucle reliant cette fois, ad minima, Libéralisme, Socialisme et Humanisme.


La crise des fondements éthiques est produite par et productrice de:

- la détérioration accrue du tissu social en de nombreux domaines;
- l'affaiblissement de l'impératif communautaire et de la Loi collective à l'intérieur des esprits;
- la dégradation des solidarités traditionnelles;

- le morcellement et parfois la dissolution de la responsabilité dans le cloisonnement et la bureaucratisation des organisations et entreprises;
- le caractère de plus en plus extérieur et anonyme de la réalité sociale par rapport à l'individu;

- le sur-développement du principe égocentrique au détriment du principe altruiste;
- la désarticulation du lien entre individu, espèce et société;
- la dé-moralisation qui "culmine dans l'anonymat de la société de masse, le déferlement médiatique, la sur-valorisation de l'argent".


Le moins que l'on puisse dire est que nous sommes en plein dedans. Ces défauts et détérioration sapent les fondements éthiques provoquant dès lors l'affaiblissement éthique qui à son tour renforce les défauts et détériorations existantes et en génère de nouveaux.
Il devient ainsi urgent, à l'heure où l'on ressource les banques et certaines industries, de ressourcer l'éthique. Mais comment?


La suite au prochain épisode :).

Pour lire ou relire tous les épisodes des Jeudis d'Edgar, c'est par ici.


Aurélien

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mercredi 11 février 2009

Consommateurs en danger

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Dans le cadre de la Révision Générales des Politiques Publiques (RGPP), le gouvernement prévoit pour 2010 de démanteler l'institution connue sous le joli sigle DGCCRF: Direction Général de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes.

Je vous invite à lire ces articles de Que Choisir, du JDD et des Mots ont un sens pour comprendre le danger que cela représente pour les consommateurs.

Pour résumer en une phrase: il s'agit de départementaliser une institution l'action n'est efficace qu'au niveau national, sinon européen. Une prise de risque absurde en cette période d'accumulation de crises où dans bien des domaines le manque de régulation à grande échelle explique de nombreuses dérives.



Est-ce grave? Oui, pour trois raisons:

D'abord l'action de la DGCCRF, publique et sensée agir en amont pour prévenir les crises, ne sera plus à la dimension des marchés ni des lois ou règlements auxquels de nombreux fabricants distributeurs répondent.

Ensuite, c'est l'indépendance du contrôle qui est remis en cause. Les pressions locales sont puissantes et parfois en compétition avec d'autres intérêts publics, qu'ils soient économiques ou sociaux.

Enfin le champ d'intervention sera considérablement réduit, en conséquence d'une réduction importante des effectifs inhérente à la RGPP et d'une réduction des moyens.

Pour réagir contre cette décision gouvernementale non concertée avec les acteurs concernés ni les associations de consommateurs, une pétition a été lancée par l'intersyndicale de la DGCCRF. Vous pouvez la signer ici.



Aurélien
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mardi 10 février 2009

La coquille vide

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L'ami Claudio souhaite examiner nos conceptions du Libéralisme. Après l'Hérétique, Alcibiade, Hervé Torchet et Spaulding, c'est Françoise Blanche, en fabulant mouton libre, qui me demande de prolonger la chaîne: Libéral : c'est à dire?

Avant de préciser le propos sur le Libéralisme, je veux dire que je me méfie des doctrines, de tous ces concepts au suffixe "isme" qui prétendent détenir seuls la vérité, qu'elle soit politique, économique, théologique, philosophique, scientifique... Gaullisme, Socialisme, Communisme, Léninisme, Trotskisme, Nazisme, Radicalisme, Phalangisme, Péronisme, Keynesianisme, Franquisme, Féminisme, Bolchévisme, etc... Centrisme aussi.



Je m'en méfie car toutes, ne se présentant jamais comme purement théorique mais au contraire liées à l'action, mènent ou ont mené notre monde vers l'abîme. Trop souvent les doctrines sont considérées, notamment par ceux qui les supportent, comme des sciences. Sauf que là où la science constate et explique, la doctrine juge et prescrit. Les fins sont tout autres. La doctrine a besoin de lignes simples et de partis pris tranchés. Elle ne démontre pas ce qu'elle affirme de l'intérieur, elle se clôt sur elle-même et n'admet aucune idée étrangère à son système.




Notre civilisation des idées subit de plein fouet la barbarie de la pensée simplifiante, réductrice, mutilante. Je suis un adepte de la Pensée Complexe. Ainsi je n'ambitionne que de défendre les idées qui ne caricaturent pas, qui ne sabotent pas le fond pour la forme, les seules qui peuvent nous libérer de cette véritable dictature doctrinaire. Pour moi les doctrines n'auraient de valeur que si elles reconnaissaient entre elles leurs antagonismes, leurs complémentarités, leurs interactions. Il faudrait pour cela qu'elles fassent preuve de ce qui ressemble théoriquement à du libéralisme: la tolérance.

Le Libéralisme est une doctrine à la fois politique et économique. Il porte une revendication sacrée, celle de la Liberté, et plus précisément la liberté de l'individu, puis des libertés en tout genre. Belle idée, toujours mise en avant par les libéraux, sauf que c'est un peu court. C'est oublier que le Libéralisme s'est d'abord fondé sur l'idée pragmatique de Machiavel, entre autres, que l'homme est fondamentalement mauvais et qu'il faut le prendre comme tel. La société libérale part de cette idée pour se bâtir, par une répression assumée et transparente, une structure où l'autorité suprême, plutôt que d'opprimer ses sujets, règne en fonction d'une potentielle harmonie et pour leur bien. Une incohérence de taille apparaît ici, puisque l'autorité suprême idéale pour un libéral est celle d'un seul homme... qui selon le postulat de départ est fondamentalement mauvais. La boucle ne se boucle pas.

Individualisme, priorité donnée à la recherche de l'intérêt personnel, toujours plus de jouissance par toujours moins de dépense. Inégalitarisme, croyance au caractère non nocif de l'inégalité des hommes, de leurs situations sociales, économiques et culturelles, puisque ces inégalités développent le goût du risque, le dynamisme et l'initiative. Interventionnisme, intervention - pour le coup paradoxale - de l'État pour définir le cadre et amortir les excès. Voilà ce qui sous-tend le Libéralisme et son petit frère, le néo-libéralisme.

Cela ne fonctionne pas. Cela ne peut pas fonctionner seul.

Une boucle dialogique essentielle pour la Pensée Complexe est celle reliant l'individu, la société et l'espèce. On ne peut rendre absolu l'individu et en faire la fin suprême de cette boucle comme ce que préconise le Libéralisme. On ne le peut pas plus pour la société (Socialisme) ou pour l’espèce (Humanisme, Écologisme).

Au niveau anthropologique, la société vit pour l'individu, lequel vit pour la société; la société et l'individu vivent pour l'espèce, qui vit pour l'individu et la société. Chacun de ces termes est à la fois moyen et fin : c'est la culture et la société qui permettent l'accomplissement des individus, et ce sont les interactions entre individus qui permettent la perpétuation de la culture et l'auto-organisation de la société. Toutefois, nous pouvons considérer que l'épanouissement et la libre expression des individus-sujets constituent notre dessein éthique et politique, sans toutefois que nous pensions qu'ils constituent la finalité même de la triade individu-société-espèce. La complexité humaine ne saurait être comprise dissociée de ces éléments qui la constituent : tout développement vraiment humain signifie développement conjoint des autonomies individuelles, des participations communautaires et du sentiment d’appartenance à l’espèce humaine.
[Edgar Morin - Les sept savoirs nécessaires à l'éducation du futur]



Isolé, le Libéralisme n'a pas pu empêcher l'anéantissement des économiquement faibles, ni l'augmentation de la pauvreté extrême qu'on retrouve partout, jusque dans les pays où le libéralisme demeure triomphant, les pays les plus riches de la planète, les puissances politiques et économiques que sont l'Europe ou les États-Unis. Le Libéralisme, fermé sur lui-même, reste une coquille idéologique vide opposée obstinément à d'autres coquilles aussi vides qu'hermétiques telles que le Socialisme. Une opposition forcément stérile.


À mon tour à présent de solliciter d'autres blogueurs. Étant relativement loin dans cette chaîne, je ne vérifierai pas s'ils ont déjà répondu... C'est à vous Kag, Nelly et le Crapaud.

Aurélien
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