lundi 30 juin 2008

Besancenot, le Le Pen de gauche?

_
C'est une espèce de buzz depuis quelques jours. Plusieurs rédactions, comme Marianne ou Le Figaro, s'interrogent sur le potentiel nuisible d'Olivier Besancenot et de son Nouveau Parti Anticapitaliste pour le Parti Socialiste. Hier, c'est Jean-François Copé qui en remettait une couche.

Tout indique que la droite se réjouit de la popularité du porte-parole de la LCR, certains la suspecte même de l'exagérer, et que le PS, avec la mise en place d'une cellule de veille par Daniel Vaillant, la redoute. L'espoir des uns, la crainte des autres, c'est que Besancenot et son NPA vienne perturber le PS comme jadis le FN de Jean-Marie Le Pen brouillait les cartes du RPR.


Après avoir réussi à inverser les rôles en étiquetant la droite, devenue sarkoziste, comme progressiste et réformatrice et la gauche réactionnaire et conservatrice, les services de communication de l'Élysée sont-ils en train de faire monter l'extrême gauche comme Mitterrand avait fait surgir Le Pen? Il n'en faudrait pas moins pour achever le retournement de situation qui aura vu la droite se décomplexer avant d'inhiber l'opposition.

De même qu'avec Le Pen la droite voyait certains de ses thèmes favoris confisqués et se retrouvait sans crédibilité sur ceux de la gauche, les socialistes voient aujourd'hui d'un côté quelques unes de leurs valeurs les plus traditionnelles défendues par le mouvement d'Olivier Besancenot et de l'autre se retrouvent forcés, en pleine guerre des chefs, de se placer sur le libéralisme ou l'immigration, autant de sujets qui les ont souvent divisés.

L'émergence et la personnalité d'Olivier Besancenot peut-elle vraiment être comparée à celle de Jean-Marie Le Pen? Peut-il vraiment entraîner le PS dans une spirale des "machines à perdre" semblable à celle porteuse de défaites électorales pour la droite chiraquienne? Je ne le crois pas.

D'abord, force est de constater que le PS n'a pas attendu Olivier Besancenot pour perdre des élections, comme ce dernier l'a lui même très justement rappelé. Entre autres défaites des socialistes, celle cuisante des présidentielles de 2002 ne doit rien au facteur de Neuilly. Elle doit même plus à Le Pen, ce qui vérifie l'adage de l'arroseur arrosé, j'y reviens d'ailleurs plus loin.

Ensuite, contrairement à Le Pen qui haïssait Chirac au plus haut point, Olivier Besancenot ne se trompe pas dans la hiérarchie de ses ennemis et focalise son combat politique contre Sarkozy bien plus que contre le PS à qui, essentiellement, il reproche simplement un manque de courage et de cohérence. Le Pen était mille fois plus violent à l'encontre de Chirac. Il ne fait aucun doute que Besancenot fera systématiquement obstacle au candidat de droite au second tour d'une élection présidentielle, tandis que Le Pen n'avait annoncée aucune consigne de vote avant le face à face Chirac-Jospin de 1995. Le Pen combattait la gauche et la droite également, tandis que Besancenot combat la droite et aimerait que le PS affiche en ce sens autant de vigueur que lui, cette différence est essentielle.

Finalement, dans l'opinion publique, Olivier Besancenot est bien plus populaire que ne l'a jamais été Jean-Marie Le Pen. Il n'est barré par aucun média et a même été invité chez Drucker. Jamais le président du FN n'a été aussi bien accueilli. En d'autres termes, un éventuel rapprochement entre le PS et Besancenot ne serait en aucune manière aussi catastrophique que les alliances RPR-FN lors des élections régionales de 1998. Historiquement les Français ont une certaine indulgence pour l'extrême gauche qu'ils n'ont jamais accordée à l'extrême droite. C'est que l'idéal de la gauche révolutionnaire fondé sur la solidarité et le partage des richesses reste, malgré tous les exemples concrets indiquant l'inverse, moins effrayant que celui de l'extrême droite s'appuyant sur l'ignorance et la haine.

Pour ces raisons je pense que l'UMP sarkoziste commet une erreur stratégique importante en voulant faire d'Olivier Besancenot un Le Pen de gauche. C'est mettre sur le devant de la scène un de ses adversaires les plus farouches et surtout celui d'entre tous qui est le plus susceptible de reconquérir l'électorat populaire ouvrier perdu préalablement par le PS et le PC depuis le début des années 2000 au profit du FN puis de l'UMP. C'est prendre le risque, en voulant diminuer l'électorat du PS en particulier, de renforcer l'électorat de gauche en général; un électorat qui sait se rassembler lors de seconds tours d'élections présidentielles.

Je doute en effet fortement qu'en cas de second tour Sarkozy-Besancenot aux présidentielles de 2012, au bout d'un mandat qui s'annonce socialement dévastateur, nous aurions des milliers de jeunes manifestants défilant dans les rues de France pour défendre la République. Je ne crois pas plus que le PS appellerait d'une seule voix à voter Sarkozy comme ils ont appelé à voter Chirac en 2002. Ce serait alors la pire défaite imaginable pour une droite qui se retrouverait de nouveau complexée, bien plus qu'elle ne l'a jamais été.


Aurélien
Lire la suite...

Je ne sais pas

_
Ça fait deux jours que je cogite dans le but de publier une note au sujet d'une éventuelle légalisation de la "Gestation pour autrui". Deux jours que je retourne une tonne d'arguments pour et contre dans mon esprit et je dois me rendre à l'évidence: je ne sais pas. C'est assez frustrant, peut-être temporaire, mais peut-on honnêtement avoir un avis arrêté sur tous les sujets?

À défaut de savoir je redoute, dans le contexte actuel, qu'un tel débat dérape, divise clairement et massivement les "pro" et "anti" et fige ainsi les discussions et votes parlementaires dans la logique partisane habituelle, au détriment de toute justice pour les personnes directement concernées.



Pour illustrer cette crainte, les affrontements par presse interposée, plus ou moins convenus, type Boutin-Morano sont extrêmement préjudiciables aux personnes directement concernées, à la bonne information du citoyen lambda ainsi qu'à la qualité que mérite tout débat touchant de près ou de loin à l'enfance. Ces affrontements nuisent au débat démocratique et mériteraient d'être interdits, voire sanctionnés, lorsqu'ils portent sur des sujets à la limite de l'entendement humain. Heureusement, à l'inverse, la prudence dont fait preuve le rapport du Sénat (dont voici la synthèse) semble tout à fait juste, parfaitement mesurée et réfléchie.

J'en viens alors à me demander si pour de tels projets de loi il ne faudrait pas, par exemple sur décision du Conseil d'État, obliger les parlementaires et experts à un devoir de réserve afin que les médias ne publient que l'information officielle et complète, oubliant ainsi les petits phrases, les raccourcis et autres polémiques.

Pour ma part, je ne sais ni si je supporte l'idée, ni si c'est pertinent de légiférer autour de problèmes aussi spécifiques et intimes. J'ai lu et entendu bons nombres de partisans et opposants, je ne suis en accord avec personne. Ou plutôt le terrain d'entente reste à chaque fois trop étroit. Il demeure trop d'incertitude... Et puis j'ai cette persistante voix qui résonne dans ma tête: "Mais de toute façon ça ne te regarde pas".

Comme souvent lorsque plongé dans l'incertitude, je m'en remets aux sages, aux poètes et aux esprits libres. Je vous laisse entre de bonnes mains avec cet extrait de La faim du tigre, de René Barjavel:

C'est presque toujours avec surprise qu'une femme se rend compte qu'elle est enceinte. Et même quand la surprise est heureuse, ce qui est la minorité des cas, il lui faut un certain temps pour le croire et réaliser vraiment son état. Rapidement, elle accepte sa fonction nouvelle et s'en réjouit, mais l'événement lui est apparu d'abord comme invraisemblable et presque surnaturel. Alors que rien ne lui avait semblé plus naturel et allant de soi que de faire l'amour.

Quand l'homme et la femme qui se joignent gardent conscience que ce geste pourra donner naissance à un enfant, c'est en général parce qu'ils craignent cette conséquence et pensent aux précautions à prendre pour l'éviter. C'est pour rendre impossibles ces précautions que l'ignorance est de règle chez tous les êtres vivants. Le genre humain à ses débuts n'en savait sans doute pas plus long que les papillons ou les buffles, mais quand fut créé le langage, chaque génération put transmettre la somme de ses observations et de ses expériences à la génération suivante, qui y ajouta les siennes et les transmit à son tour.

Ainsi se créait, par-dessus les vies brèves des individus, une connaissance générale des faits qui s'accroissait avec le temps, pendant que se perdait peut-être une autre connaissance plus profonde à laquelle participe encore l'innocence de l'animal et de la plante. Ce qu'un homme ne pouvait pas saisir, une succession d'hommes le comprit, et - je n'arrive pas à croire à ces Australiens qui ne savent pas cela, alors qu'ils savent tant de choses... - tout homme d'aujourd'hui, même s'il a échoué à son certificat d'études, connaît quelles peuvent être les conséquences d'un moment de profonde intimité avec une personne du sexe opposé. L'humanité a joué ici contre l'espèce humaine et a donné à ses membres la possibilité de séparer la cause de l'effet et d'obéir ou non à la loi de l'espèce. C'est un don précieux: celui d'une liberté. Mais l'espèce utilise contre ce libre arbitre une arme toute-puissante, qui en général emporte le couple loin de toute conscience et de toute précaution: le plaisir de l'amour.


Aurélien
Lire la suite...

samedi 28 juin 2008

Festival de Jazz de Montréal


Jeudi dernier démarrait la 29e édition du Festival de Jazz de Montréal. Au fil des années parsemées d'embûches et d'incertitudes sur son avenir, ce festival s'est imposé comme un rendez-vous majeur de tous les amateurs de jazz.



Cet événement d'une grande ouverture d'esprit et d'une accessibilité rare a offert des moments magiques avec les plus grands: Miles Davis, Oscar Peterson, Tony Bennett et autres monstres sacrés comme Ray Charles, Prince, Sting ou Paul Simon... C'est aussi une occasion unique de découvrir des artistes locaux.

Cette année par exemple, un groupe venu de Québec surprend la Belle Province. Il s'agit des Lost Fingers, qui avec leurs reprises de tubes des années 80 façon Django Reinhardt, jazz manouche, prennent d'assault les antennes radios et plamarès de vente québécois. Ils joueront sur une scène extérieure gratuite chaque jour de Festival de Jazz 2008.

Je vous en offre un extrait: leur reprise de "Part Time Lover", de Stevie Wonder:





Vous pouvez aussi visiter leur page Myspace où d'autres titres sont en ligne, leur site officiel est encore en construction.


Aurélien
Lire la suite...

vendredi 27 juin 2008

L'impensable silence

_
Je vous invite à prendre le temps de penser à ce qui suit:

Étrange O.V.N.I. de l'information que cette enquête de la rédaction de France 3 présentée dans le Soir 3 de Marie Drucker du Mercredi 25 juin. Voici le lien vers la vidéo de ce J.T.. Cliquez sur l'édition du 25 juin. Si vous faites défiler le chrono jusqu'à 1 minute, vous verrez l'annonce de cette enquête dans les titres, puis à 17 minutes le reportage détaillé.

Quel est le sujet? Il est brûlant, suffisamment pour déchaîner quelques passions: France 3 annonce avoir mis la main sur une circulaire de la Préfecture de Police de Paris ordonnant aux forces de l'ordre de procéder en priorité à des contrôles d'identité sur des ressortissants roumains, bosniaques et par extension des pays de l'Europe de l'Est. En plus des contrôles, il est ordonné de rentrer toutes les informations ainsi recueillies dans un fichier confidentiel. On voit successivement un policier témoigner anonymement sur le fait qu'il s'agit en fait d'une procédure habituelle sans aucun cadre légal, et Maître Henri Leclerc, Vice-Président de la Ligue des Droits de l'Homme, dénoncer une circulaire stupéfiante, qualifiant le tout de "bavure invraisemblable".

Je suis sorti de ce reportage plutôt indigné et forcément avec une immense envie d'en savoir plus. J'ai donc immédiatement sauté sur mon laptop, foncé sur Google news... et rien. Yahoo news, rien. Le site de la Ligue des Droits de l'Homme, rien. Le Figaro, le Monde, Marianne, Libération, l'Humanité... nothing, nada, rien. Le site de France 3 elle-même... RIEN!

Je me suis alors dit que l'information était peut-être trop fraîche (malgré les 6 heures de décalage horaire...) et que le lendemain l'information sera remontée en surface. Plus de 24 heures plus tard, rien.

Pourquoi?

L'enquête s'est elle rapidement révélée bidon? Dans ce cas pourquoi ne trouve-t-on aucun démenti, aucun erratum? Y a-t-il eu une consigne d'étouffement? Si oui, d'où venait-elle? Qui peut ainsi museler l'ensemble des rédactions? Est-ce seulement possible? Pour frapper si fort il faudrait que cette enquête dérange dans les plus hautes sphères de l'État...

Et si nous pensions un peu?


La Roumanie, comme la Bulgarie, est membre de l'Union Européenne depuis le 1er janvier 2007. Le 20 Mai 2008 un article du Monde, retrouvé ici, nous apprenait que le Conseil d'État annulait une circulaire, adressée en décembre 2006 par le Ministre de l'Intérieur de l'époque, un certain Nicolas Sarkozy, fixant les modalités d'admissions et d'expulsions de ressortissants roumains et bulgares. L'annulation est justifiée par le fait que les motifs d'expulsions ne peuvent être fixés par une simple circulaire, un cadre légal est nécessaire.

On comprendrait aisément, en pleine ratification du Traité de Lisbonne, le malaise qu'aurait pu causer cet article du Monde, par ailleurs resté sans écho. On imagine tout aussi facilement la gêne encore plus grande que pourrait représenter la circulaire révélée par l'enquête de France 3. En apparaissant après la décision du Conseil d'État, dans une ambiance européenne tendue et à la veille de la présidence de l'Union Européenne par la France, avec à sa tête l'homme à l'origine du malaise, à savoir Nicolas Sarkozy, celle-ci serait une véritable épine dans le pied de l'Élysée.

On imagine, toujours, toutes les rédactions de France, celle de France 3 la première, acceptant alors "spontanément", sans aucun coup de téléphone d'aucun conseillé de l'Élysée ni d'aucun Ministre de l'Immigration, de ne pas mettre de bâton dans les roues de cette présidence européenne, au nom de l'intérêt général et national.

On imagine tout cela car aujourd'hui, en France, il est impensable que l'exécutif en place ose contourner les décisions du Conseil d'État, plus haute juridiction administrative de France. Il est impensable qu'en pleine réforme des institutions, avec un parlement inquiet quant à la considération qu'on lui porte, l'exécutif préfère éviter, dans sa course aux plus belles statistiques, d'avoir à entamer un long processus législatif pour définir un cadre légal aux expulsions de ressortissants étrangers. Nos élus et journalistes ne laisseraient jamais passer sous silence de tels comportements de la part de nos plus hauts dirigeants, nous en sommes tous convaincus.

Ou pas.

Si vous avez d'autres hypothèses au sujet de cette enquête sans lendemain, je suis preneur. Si vous voulez relayer ce billet tant que la vidéo est disponible sur le site de France 3, vous êtes évidemment libres de le faire.


Aurélien
Lire la suite...

jeudi 26 juin 2008

Les Jeudis d'Edgar - 01 - Le problème d'une démocratie cognitive

_
Voici un nouveau rendez-vous que je vous propose: Les Jeudis d'Edgar.

Pourquoi "Jeudi"? Parce que l'idée m'est venue aujourd'hui et que, c'est ma télé qui le dit, je suis impatient. Ce rendez-vous sera donc hebdomadaire.

Pourquoi "Edgar", parce qu'Edgar Morin est le sociologue et philosophe dont la plume m'a offert une version structurée, organisée, limpide de tout ce que je croyais savoir et ressentais intuitivement de l'Humanité, de notre Monde sans pouvoir l'expliquer, le déchiffrer ni l'ordonnancer moi-même. Vous présenter des extraits écrits ou vidéos de son œuvre revient donc un peu à vous révéler mon propre état d'esprit. J'ai simplement coupé le nom de famille pour ne pas froisser les nombreux membres de la "Modémosphère" qui passent régulièrement sur ce blog et souffrent une poussée d'urticaire à la seule vision du patronyme "Morin"...


Ce que propose Edgar (tout court, donc), notamment par sa Pensée Complexe, est une réforme de la pensée. En tant qu'adhérent au MoDem je pense qu'il serait plus qu'intéressant pour ce mouvement d'explorer les voies d'une telle réforme afin d'être capable de proposer plus qu'un simple nouveau parti, ses idées, ses hommes et ses femmes. Si le MoDem veut changer la vie politique il doit la redéfinir dans son ensemble pour en proposer un nouveau modèle, et non seulement se structurer pour survivre dans un système qu'il dit vouloir changer. C'est un peu comme un auteur de science-fiction qui doit définir la cosmogonie de son récit avant d'arrêter ses personnages et leurs aventures. En inventant un nouvel espace politique, de nouveaux rapports de forces et d'idées, le MoDem sera véritablement innovateur pour la France, l'Europe et le Monde, et d'autant plus facilement indépendant.



Je considère par ailleurs que de nombreux concepts chers à Edgar sont tout à fait en cohérence avec le principe rassembleur fondamental du MoDem. Rassembler, relier, comprendre, associer, partager, stimuler, apaiser, responsabiliser... En partageant avec vous la pensée d'Edgar j'espère, à ma modeste mesure, pouvoir faire progresser cette réforme de la pensée au sein du MoDem.

Voici donc le premier "épisode" des Jeudis d'Edgar, où l'auteur lie, comme je souhaite aussi le faire sur ce blog, la réforme de la pensée et l'action politique.

Je vous souhaite une bonne lecture.


LE PROBLEME D’UNE DEMOCRATIE COGNITIVE
(Extrait de : Edgar MORIN, ‘La Méthode, Tome 6, ETHIQUE’, page 171+)


« Nos sociétés sont confrontées au problème, né du développement de cette énorme machine où science et technique sont intimement associées dans ce qu’on appelle désormais la techno-science. Cette énorme machine ne produit pas que de la connaissance et de l’élucidation, elle produit aussi de l’ignorance et de l’aveuglement. Les développements disciplinaires des sciences n’ont pas apporté que les avantages de la division du travail, ils ont aussi apporté les inconvénients de la sur-spécialisation, du cloisonnement et du morcellement du savoir. Ce dernier est devenu de plus en plus ésotérique (accessible aux seuls spécialistes) et anonyme (concentré dans des banques de données), puis utilisé par des instances anonymes, au premier chef l’État. De même, la connaissance technique est réservée aux experts, dont la compétence dans un domaine clos s’accompagne d’une incompétence lorsque ce domaine est parasité par des influences extérieures ou modifié par un évènement nouveau.

Dans de telles conditions, le citoyen perd le droit à la connaissance. Il a le droit d’acquérir un savoir spécialisé en faisant les études ad hoc, mais il est dépossédé en tant que citoyen de tout point de vue englobant et pertinent. S’il est encore possible de discuter au Café du Commerce de la conduite du char de l’État, il n’est plus possible de comprendre ce qui déclenche le krach de Wall Street comme ce qui empêche ce krach de provoquer une crise économique majeure, et du reste les experts eux-mêmes sont profondément divisés sur le diagnostic et la politique économique à suivre.


S’il était possible de suivre la Seconde Guerre mondiale avec des petits drapeaux sur la carte, il n’est pas possible de concevoir les calculs et les simulations des ordinateurs qui effectuent les scénarios de la guerre mondiale future. L’arme atomique a totalement dépossédé le citoyen de la possibilité de la penser et de la contrôler. Son utilisation est livrée à la décision personnelle du seul chef de l’État, sans consultation d’aucune instance démocratique régulière. Plus la politique devient technique, plus la compétence démocratique régresse.

Le problème ne se pose pas seulement pour la crise ou la guerre. Il est de vie quotidienne. Tout esprit cultivé pouvait, jusqu’au XVIIIe siècle, réfléchir sur Dieu, le monde, la nature, la vie, la société, et informer ainsi l’interrogation philosophique qui est, contrairement à ce que croient les philosophes professionnels, un besoin de tout individu, du moins jusqu’à ce que les contraintes de la société adulte l’adultèrent. Aujourd’hui, on demande à chacun de croire que son ignorance est bonne, nécessaire, et
on lui livre tout au plus des émissions de télévision où les spécialistes éminents lui font quelques leçons distrayantes.

La dépossession du savoir, très mal compensée par la vulgarisation médiatique, pose le problème historique clé de la démocratie cognitive. La continuation du processus techno-scientifique actuel, processus du reste aveugle qui échappe à la conscience et à la volonté des scientifiques eux-mêmes, conduit à une régression forte de démocratie. Il n’y a pas pour cela de politique immédiate à mettre en oeuvre. Il y a la nécessité d’une prise de conscience politique de l’urgence à oeuvrer pour une démocratie cognitive.


Il est effectivement impossible de démocratiser un savoir cloisonné et ésotérisé par nature. Mais il est de plus en plus possible d’envisager une réforme de pensée qui permettrait d’affronter le formidable défi qui nous enferme dans l’alternative suivante: ou bien subir le bombardement d’innombrables informations qui nous arrivent en pluie quotidiennement par les journaux, radios, télévisions, ou bien nous confier à des systèmes de pensée qui ne retiennent des informations que ce qui les confirme ou leur est intelligible, rejetant comme erreur ou illusion tout ce qui les dément ou leur est incompréhensible. Ce problème se pose non seulement pour la connaissance du monde au jour le jour, mais aussi pour la connaissance de toutes choses sociales et pour la connaissance scientifique elle-même.


Une tradition de pensée bien enracinée dans notre culture, et qui forme les esprits dès l’école élémentaire, nous enseigne à connaître le monde par « idées claires et distinctes » ; elle nous enjoint de réduire le complexe au simple, c’est-à-dire de séparer ce qui est lié, d’unifier ce qui est multiple, d’éliminer tout ce qui apporte désordre ou contradiction dans notre entendement.


Or le problème crucial de notre temps est celui de la nécessité d’une pensée apte à relever le défi de la complexité du réel, c’est-à-dire de saisir les liaisons, interactions et implications mutuelles, les phénomènes multidimensionnels, les réalités qui sont à la fois solidaires et conflictuelles (comme la démocratie elle-même, qui est le système qui se nourrit d’antagonismes tout en les régulant).


Pascal avait déjà formulé l’impératif de pensée qu’il s’agit aujourd’hui d’introduire dans tout notre enseignement, à commencer par la maternelle: «Toutes choses étant causées et causantes, aidées et aidantes, médiates et immédiates, et toutes s’entretenant par un lien naturel et insensible qui lie les plus éloignées et les plus différentes, je tiens impossible de connaître les parties sans connaître le tout, non plus que de connaître le tout sans connaître particulièrement les parties.»

De fait, toutes les sciences avancées, comme les sciences de la terre, l’écologie, la cosmologie, sont des sciences qui brisent avec le vieux dogme réductionniste d’explication par l’élémentaire: elles considèrent des systèmes complexes où les parties et le tout s’entre-produisent et s’entre-organisent, et, dans le cas de la cosmologie, une complexité qui est au-delà de tout système.


Plus encore: des principes d’intelligibilité se sont déjà formés, aptes à concevoir l’autonomie, la notion de sujet, voire la liberté, ce qui était impossible selon les paradigmes de la science classique. L’examen de la pertinence de nos principes traditionnels d’intelligibilité a en même temps commencé: la rationalité et la scientificité demandent à être redéfinies et complexifiées. Cela ne concerne pas que les intellectuels. Cela concerne notre civilisation: tout ce qui a été effectué au nom de la rationalisation et qui a conduit à l’aliénation au travail, aux cités-dortoirs, au métro-boulot-dodo, aux loisirs de série, aux pollutions industrielles, à la dégradation de la biosphère, à l’omnipotence des États-nations dotés d’armes d’anéantissement, tout cela est-il vraiment rationnel? N’est-il pas urgent de réinterroger une raison qui a produit en son sein son pire ennemi, qui est la rationalisation?


La nécessité d’une Réforme de pensée est d’autant plus importante à indiquer qu’aujourd’hui le problème de l’éducation et celui de la recherche sont réduits en termes quantitatifs: «davantage de crédits», « davantage d’enseignants », « davantage d’informatique », etc. On se masque par là la difficulté clé que révèle l’échec de toutes les réformes successives de l’enseignement: on ne peut pas réformer l’institution sans avoir au préalable réformé les esprits, mais on ne peut pas réformer les esprits si l’on n’a pas au préalable réformé les institutions. On retrouve le vieux problème posé par Marx dans la troisième thèse sur Feuerbach: qui éduquera les éducateurs?


Il n’y a pas de réponse proprement logique à cette contradiction, mais la vie est toujours capable d’apporter des solutions à des problèmes logiquement insolubles. Ici encore, on ne peut programmer ni même prévoir, mais on peut voir et promouvoir. L’idée même de la Réforme rassemblera des esprits dispersés, réanimera des esprits résignés, suscitera des propositions. Enfin, de même qu’il y a des bonnes volontés latentes pour la solidarité, il y a une vocation missionnaire latente dans le corps enseignant; beaucoup aspirent à trouver l’équivalent actuel de la vocation missionnaire de la laïcité aux débuts de la Troisième République. Certes, nous ne devons plus opposer des Lumières apparemment rationnelles à un obscurantisme jugé fondamentalement religieux. Nous devons nous opposer à l’intelligence aveugle qui a pris presque partout les commandes, et nous devons réapprendre à penser: tâche de salut public qui commence par soi-même.


Certes, il faudra bien du temps, des débats, des combats, des efforts pour que prenne figure la révolution de pensée qui s’amorce ici et là dans le désordre. On pourrait donc croire qu’il n’y a aucune relation entre ce problème et la politique d’un gouvernement. Mais le défi de la complexité du monde contemporain est un problème clé de la pensée, de l’éthique et de l’action politique. »

Ce texte constitue également la seconde partie de l'éditorial de l'InterLettre Chemin Faisant de l'Association pour la Pensée Complexe. La première partie de cet éditorial est un extrait de la préface, signée Nicolas Hulot, du livre (également disponible en documentaire) "Le Monde selon Monsanto: de la dioxine aux OGM, une multinationale qui vous veut du bien", de Marie-Monique Robin.


Aurélien
Lire la suite...

Sarko-réalité

_
Lors de son discours présentant son analyse du rapport de la Commission Copé sur la réforme du service public audiovisuel et annonçant ses décisions sur la mise en oeuvre de la suppression de la publicité sur France Télévision, Nicolas Sarkozy aura prononcé deux phrases inacceptables à ce niveau de l'État.


1 - La preuve qu'il ne connaît pas ce qu'il réforme:

« Il n’y a aucune raison que le président de France Télévisions soit nommé différemment que celui de la S.N.C.F., d’E.D.F. ou de la R.A.T.P..»

Évidemment qu'il y a des raisons. Deux me viennent immédiatement à l'esprit:

Premièrement, à l'heure où la question de l'indépendance des médias est posée chaque jour avec plus de légitimité, c'est un signe contraire aux aspirations des citoyens que d'annoncer que le président de France Télévisions devra son poste au pouvoir en place, à l'exécutif comme à la majorité parlementaire. Cette dernière étant chargée de valider son budget d'année en année (quand produire une fiction peut prendre deux ou trois ans...), il est certain que le futur chef de la télévision publique n'aura plus aucun droit à l'"erreur".



Deuxièmement, les autres entreprises citées par le Président de la République ne subissent pas de plein fouet la concurrence du secteur privé comme c'est le cas de France Télévisions, d'autant plus depuis l'arrivée de la T.N.T.. Quand on connaît les liens existants d'une chaîne comme T.F.1. avec le pouvoir actuel, la dépendance vis à vis du pouvoir des chaînes publiques serait la mort annoncée de toute liberté de fond et de forme à la télévision. Déjà qu'aujourd'hui ce n'est pas brillant...

De cette indépendance et de cette liberté dépend notre droit à une information de qualité nous permettant de tenir notre rôle de citoyen de manière juste et responsable.


2 - La preuve qu'il nous prend pour des moutons:

"Si on attend septembre 2009, c'est encore un an où le téléspectateur aura entendu dire qu'il allait se passer des choses et que ça allait changer et où il ne se passera rien"

Des moutons impatients. Selon Nicolas Sarkozy le téléspectateur est incapable d'intégrer une information aussi basique qu'une simple date. Si on lui annonce une réforme pour le mois de septembre, il ne comprendra pas pourquoi rien n'aura changé dès le mois de janvier. Vous êtes impatients, souvenez-vous. Visiblement Bouygues et Bolloré aussi. À moins qu'il faille y voir la trouille de futurs couacs, comme un aveu d'incompétence en matière de communication, pour l'ensemble du gouvernement, avec ou sans Kaiser Saussez...

Je ne reviendrai pas sur l'absurdité du financement proposé ni sur l'absence totale de vision pour la radio, l'outre mer ou la francophonie. Tout ceci ressemble trop à de l'improvisation - puisque les solutions sont les mêmes qu'il y a 6 mois, à quoi a servi la Commission Copé? - et quand on improvise sur de telles réformes, qui ne relèvent d'aucune urgence, qu'en est-il des enjeux majeurs et des attentes pesant sur le quotidien des Français?


Aurélien
Lire la suite...

mercredi 25 juin 2008

Mon baptême du feu Agora Vox...

_
Il y a une semaine je publiais une note sur le droit de vote des étrangers en France, et sur le refus du Sénat d'accorder ce droit dans le cadre de la réforme de nos institutions. Relativement content de moi, je décidais de proposer l'article à Agora Vox le soir même. Le lendemain matin, surprise, plus de 120 commentaires répondaient à mon tout premier texte publié sur ce site. Les lecteurs semblaient très indécis quant à son intérêt (50%-50%). Une telle quantité de commentaires, 5 à 6 fois supérieure à la moyenne sur ce site, ne pouvait que satisfaire le néo-blogger que je suis, et l'opinion très partagée sur l'intérêt de l'article est pour moi un excellent signe de "percussion" des esprits - une trop grande approbation ou désapprobation indique généralement le contraire - ce qui était un de mes objectifs à l'écriture de ce billet.



Je dois avouer que ça faisait un moment que je ne lisais plus les articles de ce média citoyen, en fait depuis l'élection présidentielle, non pas par désaffection mais par manque de temps ; on ne peut pas tout lire. Dans mon esprit il s'agissait encore d'un petit monde peuplé de personnes plutôt averties politiquement, plutôt ouvertes, plutôt polies, plutôt centristes et même plutôt pro-Bayrou. Je me souvenais de plusieurs articles argumentés auxquels répondaient des commentaires tout aussi structurés, parfois dans la contradiction, parfois dans l'étaiement, souvent dans un esprit constructif. Je ne pensais donc pas prendre trop de risques et espérais fortement qu'une discussion constructive serait engagée. Visiblement, Agora Vox a changé.

À lire bon nombre de réactions le média citoyen s'est tranquillement mué en un média "café du commerce". Sur les 154 réactions au moment où j'écris ces mots, je peux compter les commentaires constructifs, qu'ils soient en accord ou non avec mes idées, sur les doigts d'une main. J'avais un certain espoir, sans doute naïf, après avoir lu le débat décevant de nos sénateurs que les citoyens actifs sur un média tel qu'Agora Vox se montrent plus dignes, plus ouverts, plus modernes. Cruelle déception.

Voici un florilège des réactions qui m'ont le plus estomaqué:

"Ridicule, ce droit de vote. L’etranger est un invité du pays. Pourquoi pourrait il voter? C’est comme si un invité dans votre maison prenait des decisions sur votre vie... Et puis quoi encore?"

"Le vote local conduit au devenir de la nation. C’est tout de suite qu’il faut réagir. Quand vous aurez des maires arabes, des conseillers généraux arabes et des députés arabes en quantité suffisante pour qu’ils pèsent sur notre avenir, expliquez-moi comment vous compterez réagir à ce moment. On vous expliquera qu’en démocratie tous les hommes se valent et que chaque homme compte pour une voix. Vous serez mis devant le fait accompli sans espoir de retour."

"Le sénat a eu bien raison. Les étrangers n’ont pas à influencer nos lois. Ils doivent par contre s’y soumettre et les écarts sont déjà beaucoup trop nombreux. En France, les députés sont entrain de donner à la Charia le même rang législatif qu’au droit français. [...] Les mutilations sexuelles sont reconnue comme une "valeur" française par nos hommes politiques[...] Les juges appliquent la loi coranique et les coutumes musulmannes sur le mariage. [...] Si en plus on leur donne le droit de vote ce sont les français qui vont être soumis par la loi républicaine à ces règles étrangères. Je vous garanti que dans ce cas il y aura comme toujours une tolérance zéro pour les français alors que la plus grande mansuétude est de mise pour les écarts commis par les étrangers en France."

"Pourquoi accepter de donner le droit de votes aux africains qui acceptent les régimes tribales dans leur pays et recréer en France les conditions de tribus aux moeurs reculés ?"


Je préfère m'arrêter là. Le pire est que ces réactions ne sont pas si déphasées du discours et des idées des sénateurs U.M.P. qui ont fait obstacle à la proposition de l'opposition. L'un deux, Alain Vasselle pour ne pas le nommer, clamant au et fort au sujet de tous les étrangers non-européens résidant en France: "On ne leur a pas demandé de venir." Aucun élu de son camp ne l'a repris. C'est le genre de paroles qui me rappellent toute la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy sur les thèmes du Front National et le siphonage de ses voix. Force est de constater qu'en ce qui concerne les étrangers vivant en France et leurs droits, si le F.N. est effacé ses idées sont au pouvoir. Et ces dernières, à la vue des réactions sur Agora Vox, ont malheureusement encore de belles années devant elle.

Le billet "Du droit de vote des étrangers", selon les rapports concernant ce blog, a visiblement été peu lu par mes visiteurs habituels, pour la plupart habitués de la blogosphère du MoDem. Je les invite donc à le (re)découvrir ici, et à le commenter. J'aimerais savoir comment les sympathisants, adhérents, militants et pourquoi pas élus du MoDem se situent sur cette question.


Aurélien
Lire la suite...

mardi 24 juin 2008

Vous êtes impatients?

_
Moi aussi. Impatient de voir Les Guignols ou les services de presse du Groland nous sortir une parodie dont ils ont le secret. Une parodie de la risible - j'aimerais pouvoir dire "pleurable" - propagande gouvernementale, sur ses propres mesures concernant le pouvoir d'achat, concoctée par Thierry Saussez. Thierry Saussez qui nous explique «Nous avons pris depuis un an beaucoup de mesures. Certaines sont assez techniques, complexes et donc toutes nécessitent d'être expliquées, qu'elles soient comprises et il faut qu'elles soient intégrées par nos concitoyens».

"Expliquées"? Quel début d'explication y a-t-il dans ces spots qui ne font que nommer les mesures? Ah si, il y a cette adresse Internet donnée à la fin qui redirige... sur ces mêmes spots et la vidéo auto-promo du gouvernement diffusant l'intervention de François Fillon qui tente de justifier le S.I.G. et son patron Thierry Saussez. Ce dernier, visiblement, a eu la bienveillance de lui écrire son discours.

Pour être honnête, j'ai trouvé la déclaration du Premier Ministre bien plus efficace, précise et concrète que n'importe quelle pub. Sauf que tout ce que François Fillon annonce, ou presque, c'est pour l'avenir puisque, de son propre aveu, la plupart des mesures figurent dans le projet de loi de modernisation de l'économie débattu actuellement à l'Assemblée Nationale. Nous n'avons donc pas fini d'être impatients...



"Ce qui est derrière nous et devant nous est secondaire comparé à ce que nous avons en pleine face."

4,33 millions de nos Euros dépensés pour nous convaincre que nous en aurons bientôt plus. 4 millions d'Euros pour l'achat d'espaces publicitaires. J'aimerais d'ailleurs savoir combien ont coûté les espaces sur les médias du Service Public, simplement pour avoir une idée de combien les moyens de communication que nous finançons exigent pour diffuser des publicités... que nous finançons.

330 000 Euros pour la conception de ces spots. On comprend aisément leur médiocrité, en tout cas leur décalage total avec la réalité des français et notamment de ceux d'entre eux qui galèrent. On nous montre une suite de visages aussi anonymes qu' impassibles. Que peut-on dire d'eux à les voir glander, regarder dans le vide ou encore tapoter leur clavier? Sont-ils tristes? Inquiets? Stressés? Non, rassurez-vous, ils sont simplement impatients jusqu'à ce que, la mesure gouvernementale annoncée, une famille heureuse d'avoir enfin pu consommer rentre chez elle les mains chargées de provisions... Joie.

Voilà comment le gouvernement français voit ses administrés: un groupe impassible, neutre, inerte, qui attend impatiemment, ici appuyés contre un mur, là assis par terre, que l'État prenne des mesures et qu'il puisse enfin consommer. Et c'est son expert en communication qui lui a soufflé cette "réalité". Quel sens de la pédagogie, non?

Les Français ne peuvent pas être dupes à ce point là. Pas quand on annonce presque dans le même souffle une inflation à 3,3% pour une augmentation du S.M.I.C. de 0,9%. Pas quand les mots "bling, bling", "augmentation de salaire à l'Élysée", "yacht Bolloré" et "Villa Wolfeboro" raisonnent encore dans toutes les têtes. En voilà un qui sait de quoi il parle en matière d'impatience...

Et comme souvent, l'argument ultime pour un membre du gouvernement ou de la majorité, pour justifier ce qui fait controverse, est de rappeler que la gauche est déjà passée par là. Thierry Saussez rappelle ainsi la campagne orchestrée par le gouvernement Jospin pour les 35 heures. Comme si les écarts de vos adversaires vous autorisaient de plus grands écarts encore. La gauche a abusé, comment les français pourraient-ils donc en vouloir à la droite de faire pire? Tout à fait Thierry... Car il s'agit bien de faire pire quand le gouvernement actuel envisage déjà de renouveler l'expérience autour de l'application du Grenelle de l'environnement.

Si nous sommes impatients pour le pouvoir d'achat, que serons-nous pour l'environnement? Pessimistes? Défaitistes? Rabats-joie? Ah ça y est, je sais: exigeants. "Vous êtes exigeants? Nous aussi." Ça sonne bien non? Enfin, pour faire du lourd, du Saussez...

Dîtes Thierry, vous y croyez à votre campagne? Moi non plus. En revanche je crois, comme Jean Giraudoux, que "la propagande est le contraire de l'artillerie: plus elle est lourde, moins elle porte."


Aurélien

P.S.: Ils en parlent aussi: Quitterie Delmas, Eliane Perus, MoDem Boulogne-Billancourt...
Lire la suite...

lundi 23 juin 2008

Énième conflit d'intérêts...

_
Le 10 juin dernier, dans le cadre des débats autour de la Loi de Modernisation de l'Économie, nos députés ont accepté un amendement autorisant, par exception, la société Numericable à installer de droit des réseaux de fibre optique pour tous les immeubles qu'elle a déjà câblés. Le débat est en ligne ici (faire une recherche dans la page du numéro 576), rapporté ici et dénoncé par l'U.F.C. Que Choisir.


Numericable est responsable, selon leur propre site web, de plus de 99% des réseaux câblés en France. En Août 2007 "Numericable devient la marque unique rassemblant les anciens réseaux France Télécom Câble, NC Numericable, TDF Câble, UPC et Noos". Autrement, la concurrence est de fait éliminée de ce marché par le vote de l'amendement cité plus haut. En soi c'est déjà une injustice profonde, autant pour les consommateurs que pour les autres opérateurs.



Tout ceci devient encore plus suspect quand on constate qu'en Décembre 2007, le célèbre Carlyle Group se réjouit de devenir un des actionnaires principaux de Numericable, puis qu'en Mars 2008 Olivier Sarkozy, demi-frère de Nicolas, rejoint l'investisseur pour prendre la tête de ses services financiers.

Au-delà du fait qu'on peut s'inquiéter de voir un proche du Président de la République rejoindre un groupe contesté, comme le rapporte performancebourse.com, "pour avoir accueilli des membres de la famille Ben Laden à son tour de table, au même titre que John Major, James Baker, George Bush père ou encore Franck Carlucci, ancien directeur de la CIA et secrétaire à la Défense américain", on constate qu'Olivier Sarkozy rejoint Paul Desmarais, l'une des plus grosses fortunes canadiennes et dont le fils, Paul junior, est membre du Conseil d'Administration de Total et de Suez*. Son père est aussi un proche de Nicolas Sarkozy, au point d'avoir été de la fête du 6 Mai 2007 au Fouquet's et d'être décoré Grand Croix de la Légion d'Honneur, honneur rarissime, par le Président de la République en Février dernier. Ce dernier à même déclaré: "Si je suis aujourd’hui président, je le dois en partie aux conseils, à l’amitié et à la fidélité de Paul Desmarais."

Pour résumer, le demi-frère du Président de la République et l'homme à qui il affirme devoir son poste figurent parmi les décideurs d'un groupe d'investissements dont l'une des compagnies vient d'obtenir le monopole d'un marché juteux par le vote, discret, d'un simple amendement par nos députés.

C'est, après Bouygues, Dassault, Arnault, Bolloré, un énième conflit d'intérêts au sommet de l'État qui vient ternir encore un peu plus notre République et restraindre la confiance que le peuple français peut avoir en ses élus. Le MoDem, comme tous ceux qui osent encore croire en l'intégrité, la transparence et la justice, se doit de ne pas laisser de telles actions sous silence.


Aurélien

*: Souvenez-vous que c'est avec Suez que G.D.F. doit fusionner... Projet aujourd'hui soutenu par Nicolas Sarkozy alors qu'en 2004 il annonçait le contraire. À croire que les conseils, l'amitié et la fidélité de Paul Desmarais n'ont pas de prix...

Lire la suite...

vendredi 20 juin 2008

Bilan du sondage sur l'avenir de l' U.E.

_
Le sondage ouvert il y a une semaine sur l'avenir de l'Union Européenne est clos. En voici les résultats:

Commençons par la participation d'abord. Si je considère que tous les visiteurs de la semaine écoulée ont vu le sondage, la participation atteint péniblement un maigre 25%. Pas terrible... et comme diraient nos meilleurs politiciens, j'en prends la responsabilité et je l'assume, en tant que néo-blogger, et veux bien reconnaître une erreur de communication.

Pour les résultats: à la question "Suite au "Non" Irlandais lors du référendum sur le Traité de Lisbonne, parmi les propositions ci-dessous, quelle serait selon vous la réaction, de la part des dirigeants de l'U.E., la plus démocratique?", un échantillon représentatif de lui-même s'est prononcé, au travers de 47 votes emplis de conviction et d'engagement (malheureusement peu commentés), comme suit:

1 - Refaire voter les Irlandais dans quelques mois: 0% (0 votes)

2 - Renégocier dans la transparence un nouveau traité, voire une nouvelle constitution, plus claire et compréhensible: 23% (11 votes)

3 - Aller de l'avant avec le Traité de Lisbonne sans l'Irlande, ou en lui accordant un statut spécial. 8% (4 votes)

4 - Engager une consultation d'ampleur des peuples européens sur leurs perceptions et leurs aspirations vis à vis de l'Europe. 68% (32 votes)




Quels enseignements peut-on en tirer?

D'abord, la première proposition est la solution que Nicolas Sarkozy semble privilégier. Avec 0 vote (rien, nada, nothing...) parmi les 47 participants, on peut sans aucun doute y voir une illustration claire du fossé entre les citoyens et leurs dirigeants sur la question européenne, ces derniers ayant tendance à ignorer, contourner la volonté des peuples. Pour étayer cette idée, un sondage ouvert sur Agoravox indique que 91% de 440 votants sont également contre cette issue au blocage actuel.

Si l'on additionne les votes qui se sont portés sur les propositions 2 et 4, on atteint 91% des votants qui manifestement souhaitent ardemment que l'Europe prenne un virage significatif vers plus de démocratie, en respectant le vote des citoyens, en étant à leur écoute et en les incluant dans le processus créatif. C'est révélateur d'un attachement profond à l'U.E. et d'une certaine foi en son potentiel. L'échantillon votant étant très probablement représentatif de la blogosphère MoDem, ceci explique sans doute cela.

Quant à la 3e proposition suggérant d'exclure ou de marginaliser l'Irlande pour permettre à l'U.E. de continuer sa marche en avant, elle n'a recueilli que 8% des voix. Ceci me laisse penser que l'immense majorité des votants sont aussi attachés à l'Union qu'à l'Europe.

Pour finir je relaye ce sondage qui révèle qu'entre 1/4 et 1/3 des français sont soit indifférents, soit ignorants, soit indécis sur l'avenir du Traité de Lisbonne. C'est aussi la preuve d'un immense échec de la part des dirigeants européens.

Merci à tous les participants. Je reconduirai prochainement l'expérience sur d'autres sujets.


Aurélien
Lire la suite...

jeudi 19 juin 2008

Du droit de vote des étrangers

_Article publié sur Agoravox

Le Sénat a refusé hier, dans le cadre des débats sur la réforme des institutions, d'intégrer la possibilité pour les étrangers résidant en France de voter aux élections locales. Suite à la parution de cette information, j'ai pris le temps de lire le compte-rendu des débats en ligne sur le site du Sénat.

Je suis tout simplement sidéré par la piètre qualité des débats. Puérilité, facilité, incohérence, démagogie et sectarisme sont des mots qui résonnent assez fort dans mon crâne au souvenir de cette lecture. Si quelques sénateurs se montrent légèrement plus à la hauteur que d'autres - notamment Pierre Fauchon, seul centriste à intervenir - les échanges étaient généralement soit hors sujet, soit polémistes, soit clichés. On s'accuse, on se chamaille, on se répète, le tout en connaissant l'issue du vote à l'avance...



Pour rappel, seuls les étrangers de l'Union Européenne ont le droit de vote aux élections locales après 6 mois de résidence en France. C'est le cas dans toute l'Union Européenne depuis la mise en application du traité de Maastricht, validé par référendum en 1992. Les ressortissants non français de l'U.E. vivant en métropole représentent environ un tiers des étrangers résidant en France.

Démographiquement, selon l'I.N.S.E.E., depuis 1930, les étrangers représentent une proportion assez stable de la population, entre 4% et 7% (maximum atteint en 1982). En excluant les étrangers originaire de l'U.E. et les mineurs, on peut considérer qu' environ 1,6 millions d'étrangers, électeurs potentiels, résident en France. Si le droite de vote leur était accordé, sans condition de durée de résidence, le collège électoral augmenterait ainsi de moins de 4%. Si la propostion de François Bayrou de conditionner ce droit de vote par une durée de résidence de 10 ans était appliquée, ce collège supplémentaire serait réduit de moitié, soit environ 800 000 électeurs potentiels. Cette population vit plutôt en zone urbaine, est majoritairement originaire du Magrheb, socialement défavorisée et masculine. Une minorité, estimée à 45% de cette population, serait musulmane.

Le droit de vote de ces étrangers est un problème politique, plus que juridique. Si le problème est sans doute plus ancien, François Mitterrand proposait le droit de vote des étrangers parmi les 110 propositions de son programme présidentiel de 1981. Cette proposition n'a jamais été appliquée, mais c'est le véritable point de départ du débat politique actuel sur le sujet. Débat alimenté par la montée puis la descente du F.N. , par l'instauration de la citoyenneté européenne ou encore par le basculement dans l'opinion publique. Près de deux tiers des français se disent aujourd'hui favorable au droit de vote des étrangers pour les élections locales. Sur les bancs parlementaires l'idée progresse également, la gauche et le centre semblent convaincus, une partie de la droite s'ouvre également à l'idée. À titre personnel, le Président Sarkozy lui-même s'y est déclaré favorable pendant la dernière campagne présidentielle.

Dans ce cas, pourquoi est-ce que cela bloque encore?

Les arguments "contre" se fondent sur deux concepts: la souveraineté et la nationalité. Explicitement, le paradigme de souveraineté se traduit dans les débats par des craintes d'ingérences, d'influences et de communautarismes. Dans la transcription du débat d'hier au Sénat, ce type d'argument est flagrant. Il est contré, de manière plus ou moins subtile et tout aussi flagrante, par la limitation du droit de vote des étrangers aux élections locales.

Les "anti" considèrent aussi le droit de vote comme une prérogative de la nationalité. Juridiquement, ça tient la route, mais nationalité et citoyenneté deviennent alors synonymes, ce qui reste discutable. En effet beaucoup d'étrangers résidant en France participent à la vie de la cité autant que les nationaux, n'est-ce pas à cela que l'on devrait "mesurer" la citoyenneté et donc la légitimité du droit de vote? En répondant par la négative à cette question, les "anti" manipulent la nationalité, prétendant qu'elle serait plus facile à obtenir aujourd'hui qu'hier, ce qui est faux, en en faisant un moyen d'exclusion de la vie politique, un outil de soumission. Par l'idée même ils font de la citoyenneté et de la nationalité des antagonismes.

Une exigence des "anti" comme de certains "pro" est la réciprocité. C'est à dire qu'ils seraient prêts à accorder le droit de vote aux étrangers dont le pays d'origine autoriserait le droit de vote aux Français qui y résident. C'est oublier que de nombreux Français expatriés jouissent, du moins en théorie car peu en profitent, d'une double nationalité (ou même multiple) et souvent d'un double vote, et que d'autres résident dans des pays qui accordent déjà un droit de vote à leurs ressortissants étrangers. C'est le cas d'environ un tiers des états de la planète...

Du côté "pro", le terme "démocratie" ne revient que trop rarement, alors qu'il devrait être au coeur de l'argument fondamental. Est-ce démocratique d'exclure de la vie politique une partie de ses acteurs? Évidemment, non. L'égalité, concept central de notre devise nationale, ne doit-elle concernée que les nationaux? Je ne pense pas. Ainsi au nom de l'égalité, un étranger qui travaille, paye des impôts, envoie ses enfants à l'école de la république ou encore respecte nos lois devrait pouvoir agir politiquement. L'égalité est encore plus en question lorsqu'une partie des étrangers, les ressortissants de l'U.E., eux, jouissent du droit de vote.

Au-delà, les "pro" plaident en fait pour une redéfinition de la citoyenneté, pour la délier, ne serait-ce que pariellement, de la nationalité. Il s'agit là de revenir à la définition première du citoyen, résident de la cité. Le fait même qu'a été instaurée une citoyenneté européenne tend à encourager un assouplissement du lien entre citoyenneté et nationalité.

On pourra également se poser la question du tout ou rien. Si les ressortissants étrangers sont aussi citoyens que les nationaux, pourquoi ne pas leur accorder le droit de vote pour toutes les élections, locales et nationales? Selon moi, il y a une différence essentielle entre l'échelle locale et nationale. Les enjeux locaux sont plus pragmatiques et plus inscrits dans le présent ou le court terme, ils engagent une communauté et non un peuple. Pour les élections nationales en revanche, présidentielle et législative, entrent en jeu des valeurs, des principes essentiels qui font l'identité de la nation, la reconnaissance des nationaux dans une histoire, une culture et un destin communs, l'image que la France affiche face au Monde. Vouloir voter pour défendre ou remettre en question ces valeurs et principes, s'engager sur des enjeux majeurs, c'est se reconnaître dans l'identité de ce pays et donc en revendiquer la nationalité. Cela dépasse la citoyenneté, qui devient alors une condition nécessaire mais non suffisante.


Pour conclure, vous l'aurez compris, je supporte le droit de vote des étrangers aux élections locales. Non seulement le droit de vote, mais leur éligibilité. Je le vois comme un pas indispensable vers une démocratie accomplie. Un appel retentissant à l'ouverture pour tous les citoyens français ; un signe de respect, de reconnaissance pour tous ces immigrants que nous sommes allés chercher pour leurs bras, qui sont venus , attirés par la liberté, se sont intégrés et ont participé à bâtir ce qu'est la France aujourd'hui.


A vivre au milieu des fantômes, on devient fantôme soi-même et le monde des démons n'est plus celui des étrangers mais le nôtre, surgit non de la nuit mais de nos entrailles.
[Antoine Audouard]


Aurélien

P.S.: Plus qu'une vingtaine d'heures pour le sondage sur l'avenir de l'U.E. ...
Lire la suite...

mercredi 18 juin 2008

La confiance du monde en ses dirigeants

Voici un sondage international très intéressant sur la popularité des principaux chefs d'états dans 20 pays regroupant environ 60% de la population mondiale.

Pour l'ensemble des chefs d'états, les résultats ne sont guère plus reluisants. Seul Ban Ki-moon, le secrétaire général de l'O.N.U. , parvient tout juste à tirer son épingle du jeu.

Ci-contre les chiffres de Nicolas Sarkozy. Je trouve intéressant de voir que seulement 3 pays ont plus d'opinions positives que négatives à son sujet, et que ces pays sont la Corée du Sud, le Nigéria et la Chine. L'Inde également mais avec autant d'opinions positives que d'indécises.

On constate qu'à la veille de prendre la tête de l'Union Européenne et de lancer son Union Méditerranéenne, sa cote dans les pays concernés est faiblarde. Tout comme au proche-orient où il paie sans doute son alignement sur G.W. Bush.





Dans le détail pays par pays, on peut voir (ci-dessus) ce que pensent les Français des chefs d'états ou de gouvernements dans le monde et parmi leurs voisins directs. Angela Merkel jouit d'une immense popularité en France, comme Jose-Luis Zapatero, à un degré moindre.

Pour Nicolas Sarkozy, ce qui frappe c'est le très faible taux d'indécision ou d'indifférence à son égard, ainsi que l'importance des opinions négatives. C'est à la fois logique, puisque la France est le pays qu'il dirige et donc qui attend le plus de lui, et révélateur des effets de sa stratégie de communication largement fondée sur la polémique, la provocation et la division de l'opinion. On constate ainsi qu'il fédère bien plus d'opinions négatives que ses collègues Merkel ou Zapatero, mais également autant que Hu Jintao, Président de la Chine, et à peine moins que Pervez Musharraff, leader autoritaire Pakistanais.

Vous pouvez consulter le détail, pays par pays, dans ce document .pdf. Parmi les éléments qui m'ont surpris : la popularité de Poutine relativement aux autres chefs d'états, l'absence d'indécision des égyptiens qui semblent afficher une opinion ferme sur tous les sujets du sondage, l'impopularité du Président iranien en Palestine, l'énorme indécision, pour ne pas dire ignorance, des Ukrainiens en politique internationale ou encore la désaffection des Américains pour Ban Ki-moon, et à travers lui pour l'O.N.U. (pas vraiment une surprise...). Un regret: j'aurais aimé avoir les résultats d'un tel sondage pour un pays comme Israël.

Bonne lecture...


Aurélien

P.S.: Vous avez jusqu'à vendredi 16h pour voter dans le sondage sur l'avenir de l'U.E..
Lire la suite...

mardi 17 juin 2008

L'arbre qui cache la forêt...

_
... ou "Le fils du gringo met au pas son armée mexicaine".


Le fractionnement du pouvoir est la plus sûre manière d'en empêcher l'abus.
[Maurice Druon]


Suite à son élection à l'unanimité à la présidence du groupe UMP-Nouveau Centre-Divers droites du Conseil Général des Hauts-de-Seine, Jean Sarkozy, achalé par des journalistes dubitatifs quant à la spontanéité et la transparence de sa candidature éclaire, s'agace:

"Pourquoi vous pensez que dès que j'ouvre la bouche, il y a toute une armée mexicaine qui est derrière moi et qui tient la plume?"

Jean Sarkozy fait ici semblant de ne pas comprendre l'origine des doutes pesant sur sa personne comme sur la fulgurance de son parcours. Par cette question il tente de couper l'herbe sous le pied de tous ceux qui oseraient remettre en cause l'honnêteté et la spontanéité de son parcours. Le but est clairement de se poser en victime des mêmes jugements hâtifs qui frappent les "fils et filles de", notamment dans le milieu artistique, et remettent en cause la sincérité de leur vocation, la qualité de leur travail et la réalité de leur talent.



Autant couper court tout de suite, ce n'est pas le cas avec Jean Sarkozy. Pour avoir vu plusieurs interviews de ses interviews notamment celle-ci, quel que soit le degré de préparation, je peux lui nier un intérêt réel pour la politique, ni un réel travail sur ses dossiers, ni un réel talent, au moins en tant qu'orateur.

Cependant, il ne s'agit pas ici de tenir un rôle dans un film ou d'enregistrer un album. Il s'agit de pouvoir politique et de démocratie. Et le cliché d'"armée mexicaine", dans la bouche du jeune élu, est pour le coup loin d'être anodin.

Rappelons les faits, selon Jean Sarkozy. Hervé Marseille, conseiller général Nouveau Centre, est seul candidat à la présidence du groupe d'élus. 3 jours avant l'élection, Jean Sarkozy annonce sa candidature suite à la demande de "plusieurs" élus U.M.P. exigeant un président de groupe plus représentatif des forces politiques en présence (24 U.M.P., 3 N.C., 3 D.D.). Les deux candidats alors en course trouvent un accord pour se partager la présidence et la vice-présidence. Jean Sarkozy est ensuite élu à l'unanimité.


Questions:

Qui peut sérieusement croire qu'un tel candidat - 21 ans, encore étudiant, 6 mois d'expérience politique - soit élu à l'unanimité (pas même une abstention) sur ses seuls qualités pour présider un groupe d'élus chevronnés?

Qui peut sérieusement croire en la spontanéité d'éventuels appels du "plusieurs" élus à une candidature d'un tel candidat?

Qui peut sérieusement croire qu'aucun des 23 autres élus U.M.P. du groupe n'avait ni les capacités, ni l'expérience, ni la disponibilité pour occuper cette fonction?


Personne. Il est indéniable que le fils s'est fait pistonné, directement ou indirectement, par le père. D'où l'expression plutôt fine et explicite de Devedjian: "Jean Sarkozy agit avec sa propre autonomie."

Mais ne nous arrêtons pas en si bon chemin, tout ceci ne se passe pas n'importe où.

Il ne faudrait pas oublier les secrets de polichinelle des Hauts-de-Seine, ni son temple de la renommée à la gloire des Pasqua, Santini, Balkany et évidemment Sarkozy, ni la quantité de personnalités d'influence et amis de la famille qui y résident et qu'il convient d'être en position de soigner. Pour la seule commune de Neuilly-sur-Seine, on peut recenser Liliane Bettancourt (plus grosse fortune de France), Martin Bouygues (patron de TF1), Michèle Alliot-Marie, Michel Sardou ou Jean Réno... Autant qu'une telle richesse reste dans la famille.

Il ne faudrait pas non plus oublier les amis de toujours, les Balkany, qui ont été chargés de tenir la distance, de veiller au grain en attendant que le relais soit transmis au fils du Président. Isabelle Balkany avait "accompagné" Jean Sarkozy dans son sabordage de la campagne de David Martinon pour la mairie de Neuilly. Aujourd'hui il ne fait aucun doute qu'elle y est pour beaucoup dans la "spontanéité" des élus U.M.P. appelant "l'aiglon" à la rescousse. Après le psychodrame des municipales, Jean Sarkozy avait rapidement pris la tête des élus U.M.P. de Neuilly-sur-Seine. La suite logique était donc d'élargir ses responsabilités au niveau départemental.

Aujourd'hui l' U.M.P. se retrouve dans une situation où ses élus nationaux sont contrôlés par Nicolas tandis que ses élus locaux des Hauts-de-Seine, vivier d'hommes de pouvoir pour la droite et réserve de personnalités d'influence pour la France, sont contrôlés par Jean. C'est un parti politique tout entier qui est ainsi mis au service non pas des citoyens, ni même de ses adhérents, ni même de ses élus, mais d'un homme, de sa dynastie et de sa cour.

Ce qui me sidère, et même m'effraie, c'est que les médias dans leur ensemble se contentent de relever à demi-mot le simple "piston" dont aurait bénéficié Jean Sarkozy. Ils ne voient pas plus loin - ne veulent pas voir - qu'il se trame une prise de pouvoir absolu sur le principal parti de France, pour en faire cette "armée mexicaine", et donc sur la politique du pays. C'est tout à fait similaire à ce qu'aux U.S.A. le clan Bush a fait du parti Républicain, ou le clan Kennedy du parti Démocrate. De manière autoritaire, Nicolas Sarkozy est en train d'imposer ses intérêts - ceux de ses amis Bouygues, Dassault, Arnault ou Bolloré qui sont nos Halliburton et autres Carlyle Group - sur la politique Française et ce pour des dizaines d'années.

Il n'a pas été élu pour ça, ni par les adhérents U.M.P., ni par les français, et n'a aucune légitimité pour le faire. C'est un abus de pouvoir, un détournement de notre démocratie, une dérive inacceptable.

Qui osera s'y opposer?


Aurélien

P.S.: Plus que 2 jours pour voter dans le sondage sur l'avenir de l'Union Européenne.
Lire la suite...

lundi 16 juin 2008

Le Festival de la Terre

_
Aujourd'hui je suis heureux de faire un peu de promotion pour une manifestation qui m'intéresse à plusieurs titres. En tant qu' humain d'abord - humain tout court mais aussi partisan du développement durable - puis en tant qu'aspirant à la pensée complexe telle que conçue par Edgar Morin, qui tend à relier les savoirs, les cultures et les hommes, et enfin en tant qu'adhérent au MoDem puisque notre vice-présidente Corinne Lepage, tout comme Edgar Morin et de nombreuses autres personnalités, fait partie du comité de soutien.



Cette manifestation, le Festival de la Terre, est organisée par l'association à but non lucratif et apolitique Terralliance. Parce que les déséquilibres ne cessent de s'accroître et parce que les conséquences de nos actes quotidiens dépassent nos frontières, Terralliance organise chaque année ce festival qui "aspire à devenir l'expression mondiale de toutes les initiatives individuelles, locales, nationale et internationales en faveur de l'Écologie, de la Paix et de la Solidarité entre les peuples".

Le Festival de la Terre fonctionne propose ainsi 123 événements en France pour cette année 2008, et plus de 30 pays organiseront, la même semaines, leurs propres manifestations. Cette 4e édition a débuté aujourd'hui, le 16 juin, et se poursuivra jusqu'au 22. Vous pouvez retrouver, pour votre ville ou votre pays, le programme détaillé ici.

Je vous invite à relayer l'information ainsi qu'à participer, dans la mesure de vos moyens, à ce beau projet.


La Terre n'appartient pas à l'Homme, c'est l'Homme qui appartient à la Terre. [Sitting Bull]


Aurélien

P.S.: Plus que 3 jours pour voter dans le sondage sur l'avenir de l'Union Européenne...
Lire la suite...

dimanche 15 juin 2008

L'incident irlandais

_
Un incident.

Ce n'est qu'un incident qui affecte un Jean-Pierre Jouyet touché et inquiète un Nicolas Sarkozy en difficulté, qui vont s'efforcer dès la semaine qui vient de le contourner. Un incident qui n'est ni la confirmation, ni même l'écho des rejets français et néerlandais de 2005.

Sauf qu'en contournant le dit "incident", on contourne les citoyens... Autant dire qu'ils n'ont toujours pas réalisé que tant qu'ils ne comprendront pas, les peuples n'accepteront rien.



Il ne s'agit pas d'être ému, il s'agit de faire face. Faire face à l'incident, c'est le devoir de quiconque n'est pas imbécile.

Ce n'est pas moi qui le dit... c'est peut-être l'un des premiers inspirateurs d'une union européenne, Victor Hugo.


Aurélien

P.S.: Encore 4 jours pour le sondage sur l'avenir de l'Union Européenne... Si vous n'avez pas encore voté, c'est par ici.
Lire la suite...

vendredi 13 juin 2008

L'espoir, la censure et résolution

_
Il est coïncidences parfois troublantes dans l'actualité. Des événements dont l'occurrence simultanée ne présente pas de rapport de causalité, mais dont l'association prend un sens pour qui les perçoit, c'est la définition que Jung donnait de la synchronicité.

Voici une synchronicité qui devrait parler aux membres du MoDem comme à de nombreux autres citoyens:


Premier événement: l'espoir.

Le 8 juin dernier lors de la Convention sur l'Europe, organisée par le MoDem et Marielle De Sarnez, la magistrate franco-norvégienne Éva Joly intervenait brillamment sur le pillage des ressources des pays pauvres, l'industrie du blanchiment d'argent, l'impossibilité de tacler les abus par les instances judiciaires nationales et la nécessité d'une justice financière supranationale et européenne. Attentivement écoutée, chaleureusement applaudie, Éva Joly a convaincu au MoDem. Un MoDem unanimement prêt à l'accueillir dans ses rangs et l'investir comme candidate aux prochaines élections Européennes, ce qu'elle n'a pas refusé. Il faut dire que cette adhésion apporterait une crédibilité et une cohérence au MoDem qui veut porter haut les valeurs de justice et d'intégrité.


Pour rappel, en mai 2001, aux côtés d'autres juges signataires de l'Appel de Genève de 1996, Éva Joly co-signait une tribune dans le monde intitulée "Les boîtes noires de la mondialisation financières". Cette tribune appelait à prendre toute la mesure de la portée du livre "Révélation$", de Denis Robert et Ernest Backes, mettant en cause la chambre de compensation luxembourgeoise Clearstream ainsi que la passivité et le silence de tous les acteurs du système.

Si l'intervention d'Éva Joly, dimanche dernier, indique malheureusement que ces appels et autres tribunes se sont révélés vains, le fait qu'un mouvement politique pro-européen comme le MoDem lui offre un micro, une carte d'adhérente et une investiture est porteur d'espoir quant aux solutions qu'elle propose.


Deuxième événement: la censure.

Le 10 juin dernier, sur son blog, Denis Robert jette l'éponge. Depuis qu'il a entamé ses enquêtes sur ces opérations financières extrêmement douteuses, quelle que soit la qualité de ses informations, de ses preuves ou encore de ses témoins, Denis Robert n'a cessé d'être persécuté par Clearstream, abandonné par la plus grande part des médias comme de la classe politique.

Je le cite:

Je me suis battu pendant vingt ans pour la construction d’une justice européenne. J’ai toujours écrit pour informer l’opinion de l’intégration croissante du crime organisé dans les circuits financiers et les processus de décision de nos sociétés mondialisées. Depuis mon travail à Libération à la rédaction de l’appel de Genève ou par mes autres livres et films, j’ai essayé d’informer le public de ce qui se passait dans les coulisses du pouvoir et de la finance clandestine. Mais la partie est devenue trop dure et inégale.

Harcelé, censuré puis condamné, Denis Robert doit renoncer à sa liberté de parole.


La résolution:

La mise en parallèle de ces deux événements met en relief plusieurs éléments.

En premier lieu le blanchiment d'argent, avec la complicité des états, étant devenu une industrie, il ne peut être combattu par une personne seule et sans visibilité médiatique, aussi crédible soit-elle. Ni même par une équipe de magistrats aussi intègres qu' expérimentés. Il faut impérativement conscientiser l'opinion public européen et porter ce dossier sur le devant de la scène politique continentale.

Ensuite, ni l'U.M.P. ni le P.S., ni aucun de leurs pendants européens, qui se partagent le pouvoir depuis des décennies n'ont voulu prendre cette responsabilité. C'est au MoDem, mouvement pro-européen porteur de valeurs de justice et d'intégrité, d'en prendre la charge.

Pour finir, les élections européennes de 2009 approchent à grand pas. Le "Non" irlandais résonne à Bruxelles et à Paris. Les citoyens européens aiment l'Europe, mais pas à n'importe quel prix. Ils veulent la comprendre et lui faire confiance. Ils veulent qu'elle parle et agisse pour eux, qu'elle leur ressemble. À l'heure ou l'économie, la défense ou encore l'agriculture dominent les débats européens, il sera aussi porteur qu' indispensable de rééquilibrer les idées, les discours et les actes en faveur de la justice et de la transparence.


Aurélien

P.S.: Si ce n'est pas encore fait, il vous reste 6 jours pour voter dans le sondage sur l'avenir de l'U.E.
Lire la suite...

Quel avenir pour l'U.E.?... Sondage


Suite au "Non" Irlandais lors du référendum sur le Traité de Lisbonne, parmi les propositions ci-dessous, quelle serait selon vous la réaction, de la part des dirigeants de l'U.E., la plus démocratique?



1 - Refaire voter les Irlandais dans quelques mois.

2 - Renégocier dans la transparence un nouveau traité, voire une nouvelle constitution, plus claire et compréhensible.

3 - Aller de l'avant avec le Traité de Lisbonne sans l'Irlande, ou en lui accordant un statut spécial.

4 - Engager une consultation d'ampleur des peuples européens sur leurs perceptions et leurs aspirations vis à vis de l'Europe.

Pour voter, c'est en haut à droite de ce blog... Merci de justifier votre choix dans les commentaires.


Aurélien
Lire la suite...

Pour en finir avec la désinformation

_
Tel que rappelé brièvement dans la note précédente: sans une information objective, claire, compréhensible et exhaustive, il est impossible pour l'homme de tenir son rôle essentiel et responsable de citoyen. C'est une condition si essentielle à la démocratie que l'on parle depuis plusieurs années, concernant l'ensemble des médias, de 4e pouvoir, comme on parle des pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire.


Bien informés, les hommes sont des citoyens ; mal informés ils deviennent des sujets.
[Alfred Sauvy]



Afin de préserver - certains diront régénérer - notre démocratie, nous nous devons ainsi d'être intransigeants quant à la qualité de l'information mise à notre disposition. Force est de constater qu'aujourd'hui, dans le déluge permanent d'informations venant de médias, de l'audiovisuel et de la presse écrite comme d'Internet, dont les pouvoirs décisionnels sont toujours plus concentrés, toujours plus contraints par des intérêts économiques et toujours plus proches des pouvoirs politiques, la désinformation règne.

Voici donc les deux origines, de plus en plus interactives, de la désinformation: le résultat économique et l'assujettissement politique. Chacune de ses origines conduit à des techniques différentes de désinformation.

La contrainte économique pousse au divertissement, à l'obligation d'éviter la lassitude du consommateur de l'information ainsi qu'à le mettre dans les meilleurs dispositions pour être réceptif aux messages publicitaires. Avec ces objectifs en vue, on cherchera à rythmer l'information, à la renouveler continuellement, à la rendre la plus sensationnelle possible.

La contrainte d'assujettissement politique conduira à l'omission de tout ou partie d'éléments essentiels, de replacer l'information dans son contexte, de citer les sources et d'indiquer où et comment compléter l'information.

En France les collusions entre les groupes médiatiques, dont plusieurs ont déjà une couleur politique affichée, appartenant à de grands groupes industriels eux-mêmes intimement liés aux sommets de l'État, ne sont plus à prouver. Ceci tend à additionner les deux contraintes décrites plus haut, accélérant ainsi considérablement la détérioration de la qualité de l'information. En bout de ligne, il devient difficile pour le citoyen d'obtenir de l'information de qualité, c'est à dire objective, complète, relativisée et civique. Il doit alors, à condition d'avoir conscience de la situation, trouver ses propres solutions pour combler tant bien que mal ce manque.

Nous en sommes là parce que ce 4e pouvoir, contrairement aux autres, n'est pas légalement régulé en terme de qualité. Son seul texte de référence est la charte du journaliste créée par le S.N.J. en 1918. Laisserions-nous un seul des trois autres pouvoirs sans aucune régulation légale? Imaginez un instant l'état de notre démocratie si nos ministres, nos parlementaires et nos magistrats n'avaient pour seul cadre de travail qu'une simple charte et n'étaient pas responsables devant la loi.


"Dire la vérité en des temps de tromperie universelle est un acte révolutionnaire"
[George Orwell]


Pour le moment, sur ce sujet, François Bayrou et le MoDem se sont contentés de proposer d'étendre le principe de séparation des pouvoirs au pouvoir médiatique. C'est évidemment indispensable mais selon moi insuffisant. Voici cinq propositions complémentaires pour une information de qualité:

1 - Compléter l'information: l'informateur doit citer et dater ses sources, mentionner quels éléments essentiels n'ont pas été traités, préciser où et comment le citoyen peut compléter son information, s'éduquer sur le sujet et faire un suivi. Ceci est indispensable pour des sujets complexes et/ou techniques comme la politique internationale, l'économie ou le développement durable.

2 - Contextualiser l'information: l'informateur doit replacer l'information dans son contexte afin de permettre au citoyen d'en relativiser la portée. Lorsqu'un événement grave survient, il se doit d'en préciser le caractère accidentel et/ou exceptionnel.

3 - Vérifier l'information: l'informateur doit s'assurer de la véracité du contenu de son information, ou en préciser de manière claire et immanquable le caractère volontairement hypothétique ou subjectif.

4 - Libérer l'information qui concerne directement tout enjeu d'ordre politique de la contrainte économique, principalement de la publicité.

5 - Réguler l'information : inclure ces devoirs de l'informateur dans un cadre légal, éventuellement celui de la constitution, comme c'est le cas des autres pouvoirs.


Ceci devrait contribuer à garantir au citoyen une information à la hauteur de ses hautes responsabilités. Un second volet de cette hypothétique réforme pourrait concerner l'intégration dans les programmes d'enseignement général, par exemple en seconde, soit typiquement deux ans avant l'obtention du droit de vote, de cours pour apprendre à maîtriser tous les outils modernes d'information.

Qu'en pensez-vous? Que proposez-vous?


Aurélien
Lire la suite...

Fil infos