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Le Parti Républicain des États-Unis vient d'élire son nouveau président. Il s'agit du dénommé Michael Steele dont la principale qualité, lui ayant permis de se défaire de la concurrence de 5 autres candidats, n'est autre que sa couleur de peau. Sa mission: reconquérir la part républicaine de l'électorat noir qui aura voté à plus de 90% pour Barack Obama.
À première vue, cette promotion de Michael Steele à la tête du Grand Old Party semble donc uniquement fondée sur la couleur de peau du principal intéressé... qui assume. Une élection interne suspecte ; le parti de Reagan, du clan Bush et de John McCain passe pour une organisation pataude, vide d'idée et de personnalité, qui ne réagit plus que dans l'instant, par pragmatisme et opportunisme, en tentant maladroitement de sauver les meubles.
C'est la réaction que j'ai eu à chaud. Mais en y réfléchissant, je pense que le Parti Républicain réalise là un coup de maître, défensif mais brillant, et ce pour plusieurs raisons:
D'abord, aussi ridicule que cette manœuvre politicienne puisse paraître, elle ne peut faire trop de mal à un Parti Républicain déjà bien mal en point qui n'a plus grand chose à perdre. C'est le moment idéal pour faire ce qui serait politiquement suicidaire en temps normal. Certes, l'aspect artificiel, forcé, de cette prise de pouvoir sur le GOP par Michael Steele marque les esprits aujourd'hui, et j'imagine que bon nombre de blancs des états du centre et du sud du pays l'auront en travers de la gorge pendant quelques temps. Mais dans deux ans, lors des élections parlementaires de mi-mandat, cette anecdote sera oubliée. Entre temps les républicains auront fourni d'immenses efforts dans les quartiers noirs, Barack Obama aura perdu au moins un peu de sa superbe. Le Parti Républicain et son nouveau président pourront certainement se vanter d'un bilan positif.
Ensuite, cette victoire de Michael Steele va permettre de "vacciner", en interne comme en externe, le Parti Républicain contre un racisme encore bien trop encombrant. En interne: on se souvient de ces militants, lors des meetings de John McCain ou Sarah Palin, qui scandaient des "He's a nigger" voire "He's an islamist", et des réactions gênées du tandem républicain. En externe: l'opposition républicaine, qui s'annonce farouche face à la politique de Barack Obama, ne pourra pas être taxée de racsime par les démocrates. C'est à la fois une deuxième barrière qui tombe, après celle qui fut pulvérisée par l'élection d'Obama, et le meilleur bouclier possible pour le combat politique. Sans cette victoire de Michael Steele, les vieilles idées conservatrices républicaines n'auraient pu s'affranchir, face à Barack Obama, du racisme qui les a longtemps accompagnées.
Finalement... imaginons que Barack Obama se plante lamentablement. Ce n'est pas mon souhait mais dans le contexte actuel, avec les difficultés qui se présentent et celles qu'on ne connaît pas encore, c'est une possibilité. Un échec d'Obama et de son gouvernement particulièrement ouvert aux minorités pourrait constituer un traumatisme politique pour la population noire. Nul doute que le racisme aujourd'hui sonné retrouverait des forces qui feraient subir à la société américaine un retour en arrière douloureux. Le fait que la diversité gagne à ce point l'opposition républicaine diminue, sinon annule, ce risque.
Ainsi derrière ce qui ressemble à une manœuvre précipitée et grossière, le Parti Républicain vient sans doute de se retirer une énorme épine du pied et de rendre un immense service aux États-Unis et - qui sait? - peut-être au-delà.
Aurélien
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