Tout indique que la droite se réjouit de la popularité du porte-parole de la LCR, certains la suspecte même de l'exagérer, et que le PS, avec la mise en place d'une cellule de veille par Daniel Vaillant, la redoute. L'espoir des uns, la crainte des autres, c'est que Besancenot et son NPA vienne perturber le PS comme jadis le FN de Jean-Marie Le Pen brouillait les cartes du RPR.

Après avoir réussi à inverser les rôles en étiquetant la droite, devenue sarkoziste, comme progressiste et réformatrice et la gauche réactionnaire et conservatrice, les services de communication de l'Élysée sont-ils en train de faire monter l'extrême gauche comme Mitterrand avait fait surgir Le Pen? Il n'en faudrait pas moins pour achever le retournement de situation qui aura vu la droite se décomplexer avant d'inhiber l'opposition.
De même qu'avec Le Pen la droite voyait certains de ses thèmes favoris confisqués et se retrouvait sans crédibilité sur ceux de la gauche, les socialistes voient aujourd'hui d'un côté quelques unes de leurs valeurs les plus traditionnelles défendues par le mouvement d'Olivier Besancenot et de l'autre se retrouvent forcés, en pleine guerre des chefs, de se placer sur le libéralisme ou l'immigration, autant de sujets qui les ont souvent divisés.
L'émergence et la personnalité d'Olivier Besancenot peut-elle vraiment être comparée à celle de Jean-Marie Le Pen? Peut-il vraiment entraîner le PS dans une spirale des "machines à perdre" semblable à celle porteuse de défaites électorales pour la droite chiraquienne? Je ne le crois pas.
D'abord, force est de constater que le PS n'a pas attendu Olivier Besancenot pour perdre des élections, comme ce dernier l'a lui même très justement rappelé. Entre autres défaites des socialistes, celle cuisante des présidentielles de 2002 ne doit rien au facteur de Neuilly. Elle doit même plus à Le Pen, ce qui vérifie l'adage de l'arroseur arrosé, j'y reviens d'ailleurs plus loin.
Ensuite, contrairement à Le Pen qui haïssait Chirac au plus haut point, Olivier Besancenot ne se trompe pas dans la hiérarchie de ses ennemis et focalise son combat politique contre Sarkozy bien plus que contre le PS à qui, essentiellement, il reproche simplement un manque de courage et de cohérence. Le Pen était mille fois plus violent à l'encontre de Chirac. Il ne fait aucun doute que Besancenot fera systématiquement obstacle au candidat de droite au second tour d'une élection présidentielle, tandis que Le Pen n'avait annoncée aucune consigne de vote avant le face à face Chirac-Jospin de 1995. Le Pen combattait la gauche et la droite également, tandis que Besancenot combat la droite et aimerait que le PS affiche en ce sens autant de vigueur que lui, cette différence est essentielle.
Finalement, dans l'opinion publique, Olivier Besancenot est bien plus populaire que ne l'a jamais été Jean-Marie Le Pen. Il n'est barré par aucun média et a même été invité chez Drucker. Jamais le président du FN n'a été aussi bien accueilli. En d'autres termes, un éventuel rapprochement entre le PS et Besancenot ne serait en aucune manière aussi catastrophique que les alliances RPR-FN lors des élections régionales de 1998. Historiquement les Français ont une certaine indulgence pour l'extrême gauche qu'ils n'ont jamais accordée à l'extrême droite. C'est que l'idéal de la gauche révolutionnaire fondé sur la solidarité et le partage des richesses reste, malgré tous les exemples concrets indiquant l'inverse, moins effrayant que celui de l'extrême droite s'appuyant sur l'ignorance et la haine.
Pour ces raisons je pense que l'UMP sarkoziste commet une erreur stratégique importante en voulant faire d'Olivier Besancenot un Le Pen de gauche. C'est mettre sur le devant de la scène un de ses adversaires les plus farouches et surtout celui d'entre tous qui est le plus susceptible de reconquérir l'électorat populaire ouvrier perdu préalablement par le PS et le PC depuis le début des années 2000 au profit du FN puis de l'UMP. C'est prendre le risque, en voulant diminuer l'électorat du PS en particulier, de renforcer l'électorat de gauche en général; un électorat qui sait se rassembler lors de seconds tours d'élections présidentielles.
Je doute en effet fortement qu'en cas de second tour Sarkozy-Besancenot aux présidentielles de 2012, au bout d'un mandat qui s'annonce socialement dévastateur, nous aurions des milliers de jeunes manifestants défilant dans les rues de France pour défendre la République. Je ne crois pas plus que le PS appellerait d'une seule voix à voter Sarkozy comme ils ont appelé à voter Chirac en 2002. Ce serait alors la pire défaite imaginable pour une droite qui se retrouverait de nouveau complexée, bien plus qu'elle ne l'a jamais été.
Aurélien