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Le Président de la République a déclenché une nouvelle polémique sur la façade Ouest de l'océan Atlantique en ne respectant pas, pour la seconde fois, la règle tacite de non indifférence-non ingérence entre la France et le Canada depuis près de trente et le célèbre "Vive le Québec libre!" de Charles De Gaulle.
La première fois c'était lors du sommet de la Francophonie organisé à Québec dans le cadre des festivités pour les 400 ans de la capitale provinciale. Cette fois-ci, lors de la remise de la Légion d'Honneur au Premier Ministre du Québec, Jean Charest, Nicolas Sarkozy persiste et signe des deux mains son plaidoyer pour le fédéralisme canadien. La vidéo est disponible ici (seconde vidéo du 3 février).
Dans son discours, à la forme plutôt informelle et amicale, le Président français résume rapidement le parcours de son invité puis, comme il aime le faire en de telles occasions, s'écarte de son discours. Je me suis amusé à retranscrire ses mots et vous invite à en souffrir la lecture:
Pour ma part je vous le dis, je l'ai dit: moi le Québec c'est ma famille, et l'Canada sont mes amis et franchement j'le dis... bon bref, j'ai adoré parler d'vant l'Assemblée Nationale. Comme vous êtes courtois... j'ai vu des sourires... y avait des sourires spontanés... y avait des sourires un peu moins sourire, mais qu'est ce que vous voulez on n'se refait pas. Moi j'crois qu'il faut qu'on aime plus le Québec encore, qu'il faut qu'on fasse encore plus de choses, comme c'qu'on fait ensemble sur les diplômes, c'est quelque chose de considérable... il faut qu'ça franchisse les discours pour aller dans la réalité... y faut que notre amitié, notre appartenance familiale, ne soit pas une nostalgie, que ce soit notre avenir, mais que ce soit pas simplement des discours... mais des réalités... que des jeunes étudiants puissent voir reconnaître leurs diplômes des deux côtés... dans nos deux pays... c'est ça l'amitié... c'est ça la fraternité... c'est ça la famille... Mais pour vous aimer je n'ai pas besoin de détester les autres. C'est quand même une idée étrange... je ne vois pas moi j'ai... j'ai toujours vu... les membres de la grande famille francophone, je le dis devant notre secrétaire général, mais cet attachement à notre culture, cet attachement à notre langue, cet attachement à nos liens, pourquoi devrait-il se définir comme une opposition à qui que ce soit d'autre. Et c'est vrai que le ni indifférence-ni ingérence qui a été la règle pendant des années pffff... honnêtement c'est pas trop mon truc... non pas qu'il faut faire de l'ingérence bien sûr... m'enfin... j'préfère dire aux québécois vous êtes de ma famille ou je suis de la votre plutôt qu'leur dire y a pas d'indifférence... dites-donc... quel amour!
Voilà alors moi j'ai voulu refonder ça. Nan mais ya oh je sais... ça a créé beaucoup d'inquiétudes... ici on m'a dit tu vas donc toucher un tabou, encore un, et oui... et quand on est sincère, pourquoi avoir peur de toucher un tabou? Pourquoi? Croyez-vous mes chers amis que le monde dans la crise sans précédent qu'il traverse a besoin de division? A besoin de détestation? Et est-ce que pour prouver qu'on aime les autres on a besoin de détester leurs voisins? Quelle étrange idée! Et est-ce que l'message de la francophonie ne devrait pas être un message de rassemblement, un message d'union, un message d'entente, d'ouverture, de tolérance et pas aller dire à ceux qu'on aime, on vous aime d'autant plus qu'on déteste vos voisins... ah! Quelle étrange...
Franchement ça m'a fait un plaisir fou de pouvoir aller chez vous le dire et quand même être compris du plus grand nombre. Et je le dis très simplement... ceux qui ne comprennent pas cela... je crois pas qu'ils nous aiment plus encore... je crois qu'ils n'ont pas compris dans le message de la francophonie, dans les valeurs universelles que nous portons au Québec comme en France le refus du sectarisme, le refus de la division, le refus de l'enfermement sur soi-même, le refus de... cette obligation de définir son identité par opposition féroce à l'autre, alors que si notre identité est forte, on a pas bsoin d'être agressif... on a pas bsoin d'être agressif.
Voilà... j'espère que vous avez compris que c'était pas dans le discours. Mais que pffff j'avais vraiment envie d'vous l'dire. J'avais vraiment envie de dire que pour moi décorer Jean en présence du Premier Ministre et de vous tous c'est un grand plaisir parce qu'en plus vot' Premier Miniss' c'est quelqu'un qui a des qualités humaines qui fait qu'on l'aime énormément. J'ai beaucoup apprécié sa façon de franchir les creux et les bosses... donc y a aussi des épreuves au Québec... tant mieux... y a aucune raison qu'tu sois mieux traité qu'nous. Et puis je voudrais dire à ta famille, tes enfants, à ceux qu'ils aiment, ta femme, combien on est heureux de les accueillir ici... C'est vraiment une petite cérémonie familiale dont je suis sûr qu'elle sera retransmis dans cet exact esprit par les journalistes à la fois du Québec, du Canada et de France, qui sont ici... merci à tous.
Les journalistes... et un blogueur.
Je passe sur la forme, le niveau de français et le malaise visible chez Jean Charest.
Voici donc comment, dans une ambiance par ailleurs tout à fait sympathique, Nicolas Sarkozy a démontré son ignorance totale de la question de la souveraineté québécoise. Moi-même, en tant qu'expatrié vivant depuis bientôt six ans à Montréal, devenu citoyen québécois et canadien, relativement intéressé à la chose politique, je n'ai toujours pas d'avis arrêté sur la question.
Le sujet ne se limite pas à la francophonie, mais est complexe dans pratiquement tous les domaines. Il ne s'agit pas non plus de simplement détester le reste du Canada pour exister. Il est aussi clair que ce projet, s'inspirant assez largement des pays scandinaves, en est un de société en opposition radicale avec celui défendu par le Premier Ministre canadien actuel, le conservateur Stephen Harper, clone de G.W. Bush (sans les bourdes verbales). Rien que sur la question environnementale, si cruciale de nos jours, pour laquelle le Canada a totalement failli a sa réputation ces dernières années, l'indépendance du Québec pourrait sembler légitime.
Réduire les ambitions indépendantistes d'environ 50% des québécois à du sectarisme, de l'intolérance ou de l'agressivité représente un manque total de crédibilité et de sérieux à ce niveau de l'État et de diplomatie internationale. Lever un tabou pour dire n'importe quoi ne sert qu'à ridiculiser soi-même et ceux que l'on représente.
Aurélien
La première fois c'était lors du sommet de la Francophonie organisé à Québec dans le cadre des festivités pour les 400 ans de la capitale provinciale. Cette fois-ci, lors de la remise de la Légion d'Honneur au Premier Ministre du Québec, Jean Charest, Nicolas Sarkozy persiste et signe des deux mains son plaidoyer pour le fédéralisme canadien. La vidéo est disponible ici (seconde vidéo du 3 février).
Dans son discours, à la forme plutôt informelle et amicale, le Président français résume rapidement le parcours de son invité puis, comme il aime le faire en de telles occasions, s'écarte de son discours. Je me suis amusé à retranscrire ses mots et vous invite à en souffrir la lecture:
Pour ma part je vous le dis, je l'ai dit: moi le Québec c'est ma famille, et l'Canada sont mes amis et franchement j'le dis... bon bref, j'ai adoré parler d'vant l'Assemblée Nationale. Comme vous êtes courtois... j'ai vu des sourires... y avait des sourires spontanés... y avait des sourires un peu moins sourire, mais qu'est ce que vous voulez on n'se refait pas. Moi j'crois qu'il faut qu'on aime plus le Québec encore, qu'il faut qu'on fasse encore plus de choses, comme c'qu'on fait ensemble sur les diplômes, c'est quelque chose de considérable... il faut qu'ça franchisse les discours pour aller dans la réalité... y faut que notre amitié, notre appartenance familiale, ne soit pas une nostalgie, que ce soit notre avenir, mais que ce soit pas simplement des discours... mais des réalités... que des jeunes étudiants puissent voir reconnaître leurs diplômes des deux côtés... dans nos deux pays... c'est ça l'amitié... c'est ça la fraternité... c'est ça la famille... Mais pour vous aimer je n'ai pas besoin de détester les autres. C'est quand même une idée étrange... je ne vois pas moi j'ai... j'ai toujours vu... les membres de la grande famille francophone, je le dis devant notre secrétaire général, mais cet attachement à notre culture, cet attachement à notre langue, cet attachement à nos liens, pourquoi devrait-il se définir comme une opposition à qui que ce soit d'autre. Et c'est vrai que le ni indifférence-ni ingérence qui a été la règle pendant des années pffff... honnêtement c'est pas trop mon truc... non pas qu'il faut faire de l'ingérence bien sûr... m'enfin... j'préfère dire aux québécois vous êtes de ma famille ou je suis de la votre plutôt qu'leur dire y a pas d'indifférence... dites-donc... quel amour!
Voilà alors moi j'ai voulu refonder ça. Nan mais ya oh je sais... ça a créé beaucoup d'inquiétudes... ici on m'a dit tu vas donc toucher un tabou, encore un, et oui... et quand on est sincère, pourquoi avoir peur de toucher un tabou? Pourquoi? Croyez-vous mes chers amis que le monde dans la crise sans précédent qu'il traverse a besoin de division? A besoin de détestation? Et est-ce que pour prouver qu'on aime les autres on a besoin de détester leurs voisins? Quelle étrange idée! Et est-ce que l'message de la francophonie ne devrait pas être un message de rassemblement, un message d'union, un message d'entente, d'ouverture, de tolérance et pas aller dire à ceux qu'on aime, on vous aime d'autant plus qu'on déteste vos voisins... ah! Quelle étrange...
Franchement ça m'a fait un plaisir fou de pouvoir aller chez vous le dire et quand même être compris du plus grand nombre. Et je le dis très simplement... ceux qui ne comprennent pas cela... je crois pas qu'ils nous aiment plus encore... je crois qu'ils n'ont pas compris dans le message de la francophonie, dans les valeurs universelles que nous portons au Québec comme en France le refus du sectarisme, le refus de la division, le refus de l'enfermement sur soi-même, le refus de... cette obligation de définir son identité par opposition féroce à l'autre, alors que si notre identité est forte, on a pas bsoin d'être agressif... on a pas bsoin d'être agressif.
Voilà... j'espère que vous avez compris que c'était pas dans le discours. Mais que pffff j'avais vraiment envie d'vous l'dire. J'avais vraiment envie de dire que pour moi décorer Jean en présence du Premier Ministre et de vous tous c'est un grand plaisir parce qu'en plus vot' Premier Miniss' c'est quelqu'un qui a des qualités humaines qui fait qu'on l'aime énormément. J'ai beaucoup apprécié sa façon de franchir les creux et les bosses... donc y a aussi des épreuves au Québec... tant mieux... y a aucune raison qu'tu sois mieux traité qu'nous. Et puis je voudrais dire à ta famille, tes enfants, à ceux qu'ils aiment, ta femme, combien on est heureux de les accueillir ici... C'est vraiment une petite cérémonie familiale dont je suis sûr qu'elle sera retransmis dans cet exact esprit par les journalistes à la fois du Québec, du Canada et de France, qui sont ici... merci à tous.
Les journalistes... et un blogueur.
Je passe sur la forme, le niveau de français et le malaise visible chez Jean Charest.
Voici donc comment, dans une ambiance par ailleurs tout à fait sympathique, Nicolas Sarkozy a démontré son ignorance totale de la question de la souveraineté québécoise. Moi-même, en tant qu'expatrié vivant depuis bientôt six ans à Montréal, devenu citoyen québécois et canadien, relativement intéressé à la chose politique, je n'ai toujours pas d'avis arrêté sur la question.
Le sujet ne se limite pas à la francophonie, mais est complexe dans pratiquement tous les domaines. Il ne s'agit pas non plus de simplement détester le reste du Canada pour exister. Il est aussi clair que ce projet, s'inspirant assez largement des pays scandinaves, en est un de société en opposition radicale avec celui défendu par le Premier Ministre canadien actuel, le conservateur Stephen Harper, clone de G.W. Bush (sans les bourdes verbales). Rien que sur la question environnementale, si cruciale de nos jours, pour laquelle le Canada a totalement failli a sa réputation ces dernières années, l'indépendance du Québec pourrait sembler légitime.
Réduire les ambitions indépendantistes d'environ 50% des québécois à du sectarisme, de l'intolérance ou de l'agressivité représente un manque total de crédibilité et de sérieux à ce niveau de l'État et de diplomatie internationale. Lever un tabou pour dire n'importe quoi ne sert qu'à ridiculiser soi-même et ceux que l'on représente.
Il vaut mieux se taire et passer pour un con que de parler et ne laisser aucun doute à ce sujet.
[Pierre Desproges]
[Pierre Desproges]
Aurélien
5 commentaires:
Bonjour,
Sarko n'est pas favorable à l'indépendance du Québec, à de nouvelles divisions (cela dit, qui en Europe est favorable à la multiplication des Etats ?)... mais il ne me semble nullement opposé au déplacement des frontières, géopolitiquement parlant (et plus si affinités comme on dit).
S'il est certain que Sarkozy n'aime pas une frange (disons anti-colonialiste) des souverainistes (cela dit, de Gaulle aussi ne les aimait pas)... je doute que son objectif ultime soit toutefois de servir le fédéralisme canadien et Ottawa qui devrait se méfier du distingo famille/ami que Sarkozy se plaît à user.
excellent!
@Anonyme:
Ce n'est pas tant la position de Sarkozy sur l'indépendance du Québec qui m'importe, mais la réduction qu'il fait du projet souverainiste à du sectarisme, de la détastion et de l'intolérance.
Le débat sur le sujet dure depuis des années ici, il fut ponctué par deux référendums, le tout dans un esprit pacifique et démocratique exemplaire.
J'aurais aimé que le Président français le souligne et même s'en inspire pour mener sa propre politique. Parce qu'en matière de division on peut dire qu'il s'y connaît...
Après la libre-circulation des personnes et des biens entre la France et le Québec, on viendra à parler de la monnaie, d'une monnaie commune, et d'autres sujets dans des domaines divers et variés.
Ce jour-là, d'aucuns comprendront que le projet (géopolitique) de Sarko n'est pas si éloigné de celui de de Gaulle pour qui un Québec libre cela voulait dire un Québec rattaché à la France (Sarko, lui, mettant en avant l'UE).
Sarko ne mise pas sur l'unité du Canada mais sur son éclatement et sur le fait qu'un Québec indépendant n'a pas de viabilité géopolitique.
Moi j'attends de voir ce que Sarkozy va donner à la TV jeudi, mais de toute facon il ne faut pas s'attendre à un miracle !
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