jeudi 12 février 2009

Les Jeudis d'Edgar - 16 - Crise éthique

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Chaque jeudi (ou presque...) je viens vous présenter un échantillon de l'œuvre et de la pensée d'Edgar Morin. Je souhaite ainsi, en rapprochant à ma modeste mesure ses idées de la politique en général et du MoDem en particulier, nourrir les débats qui prendront place pour définir, et éventuellement mettre en application, ce nouveau modèle de société que des millions de français ont appelé de leurs vœux en mai 2007.

Et si les diverses crises que le monde traverse aujourd'hui - économique, sociale, écologique, sanitaire, alimentaire, politique, idéologique... - ne pouvaient être expliquées que par une crise bien plus profonde, plus fondamentale et plus universelle? Il s'agirait de la crise éthique.




Extraits d'Éthique, vol. 6 de La Méthode:


Les fondements de l'éthique sont en crise dans le monde occidental. Dieu est absent. La Loi est désacralisée. Le Sur-Moi social ne s'impose pas inconditionnellement et, dans certains cas, est lui-même absent. Le sens de la responsabilité est rétréci, le sens de la solidarité est affaibli. La crise des fondements de l'éthique se situe dans une crise généralisée des fondements de certitude: crise des fondements de la connaissance philosophique, crise des fondements de la connaissance scientifique.

On touche ici au cœur de ce qui semble impossible et paradoxal dans la Pensée Complexe d'Edgar Morin. Celle-ci appelle à la compréhension, au doute, à la remise en cause. Elle se méfie des certitudes comme de la peste. Pourtant son application nécessite d'imposer l'Éthique, qui elle, à priori, requiert des certitudes. Sauf que pour être véritablement éthique, justement, l'Éthique doit être vivante et réagir, s'adapter au monde qu'elle prétend assagir. Or les certitudes brident l'évolution. Par conséquent l'Éthique, pour être fiable et pertinente, ne peut qu'être complexe et se nourrir des antagonismes et complémentarités qu'elle rencontre.


La référence aux "valeurs" à la fois révèle et masque la crise des fondements. Elle la révèle: comme le dit Claude Lefort, "le mot "valeur" est l'indice d'une impossibilité à s'en remettre désormais à un garant reconnu par tous: la nature, la raison, Dieu, l'Histoire. Il est l'indice d'une situation dans laquelle toutes les figures de la transcendance sont brouillées". Nous sommes désormais voués à ce que Pierre Legendre appelle le "self-service normatif" où nous pouvons choisir nos valeurs. Les "valeurs" prennent la place laissée vacante des fondements pour fournir une référence transcendante intrinsèque qui rendrait l'éthique comme auto-suffisante. Les valeurs donnent à l'éthique la foi en l'éthique dans justification extérieure ou supérieure à elle-même. En fait, les valeurs essaient de fonder une éthique sans fondement.

Cette illusion des valeurs devrait tous nous interroger, en particulier en politique, en particulier au Mouvement Démocrate dont la Charte des Valeurs fut l'un des documents fondateurs. Pour consolider notre identité et nos actions, ne devrions-nous appuyer nos valeurs sur une "référence transcendante"? Tel que mentionné dans le billet La coquille vide, toutes les doctrines ont tour à tour, ici et là, représenter pour les uns ou les autres, par leurs cortèges de certitudes, une référence transcendante.
Notre défi le plus essentiel serait alors, sans tomber dans le piège de la dictature doctrinaire, de s'accorder sur une référence. L'individu? La société? l'Espèce? La Pensée Complexe nous conduirait à privilégier la boucle reliant ces trois éléments, et par conséquent à adopter une référence complexe qui pourrait être une autre boucle reliant cette fois, ad minima, Libéralisme, Socialisme et Humanisme.


La crise des fondements éthiques est produite par et productrice de:

- la détérioration accrue du tissu social en de nombreux domaines;
- l'affaiblissement de l'impératif communautaire et de la Loi collective à l'intérieur des esprits;
- la dégradation des solidarités traditionnelles;

- le morcellement et parfois la dissolution de la responsabilité dans le cloisonnement et la bureaucratisation des organisations et entreprises;
- le caractère de plus en plus extérieur et anonyme de la réalité sociale par rapport à l'individu;

- le sur-développement du principe égocentrique au détriment du principe altruiste;
- la désarticulation du lien entre individu, espèce et société;
- la dé-moralisation qui "culmine dans l'anonymat de la société de masse, le déferlement médiatique, la sur-valorisation de l'argent".


Le moins que l'on puisse dire est que nous sommes en plein dedans. Ces défauts et détérioration sapent les fondements éthiques provoquant dès lors l'affaiblissement éthique qui à son tour renforce les défauts et détériorations existantes et en génère de nouveaux.
Il devient ainsi urgent, à l'heure où l'on ressource les banques et certaines industries, de ressourcer l'éthique. Mais comment?


La suite au prochain épisode :).

Pour lire ou relire tous les épisodes des Jeudis d'Edgar, c'est par ici.


Aurélien

2 commentaires:

rosi a dit…

Merci pour ce très bon site, vraiment un panaché de bonnes et intéressantes idées. Surtout continuez ainsi. Bon courage
Cordialement

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Unknown a dit…

En voilà une bonne idée de futur article en effet On lit un peu tout et parfois son contraire sur le sujet !
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