mercredi 4 février 2009

La Justice française est assiégée

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Depuis quelques jours je suis, par l'intermédiaire du Monde, le déroulement de l'audience disciplinaire du juge Fabrice Burgaud devant le Conseil Supérieur de la Magistrature. Le juge d'instruction en charge de l'affaire d'Outreau, pendant plus de trois ans, est à l'origine de la détention provisoire abusive de 18 personnes innocentes. Il est cependant important de préciser qu'en 2006 une Commission d'Enquête Parlementaire a identifié des dysfonctionnement à tous les échelons de l'appareil judiciaire.

En première instance 6 personnes avaient, à la surprise générale, été condamnées avant d'être acquittées en appel suite à l'effondrement des thèses de l'accusation.

Le juge d'instruction a des pouvoirs très importants et jouit d'une indépendance totale. Il est donc essentiel qu'il ait à rendre des comptes en cas d'erreurs graves, voire de fautes professionnelles. En ce sens, l'audition du juge Burgaud devant le CSM est parfaitement justifiée et je souhaite qu'elle aboutisse à un verdict équilibré.





À la lecture des articles du Monde, comme celui-ci ou celui-là, il semble qu'un tel verdict est tout à fait possible. Mais il y a tout de même un élément que je trouve très inquiétant, c'est l'agressivité dont fait preuve la Chancellerie, soit à peu de choses près le Ministère de la Justice, par l'intermédiaire de sa Directrice des Services Judiciaires Dominique Lottin. Cette dernière concentre un feu nourri à l'encontre du juge Burgaud, au mépris des conclusions de la Comission Parlementaire de 2006, allant jusqu'à l'accuser d'avoir instruit à charge de manière abusive et volontairement trompé sa hiérarchie.

Beaucoup trouveront normal, voire juste, que le juge Burgaud subisse un tel acharnement après ce que les innocents d'Outreau ont subi sous son instruction. Pour ma part, d'abord, la justice ne doit pas suivre la loi du Talion, même l'accusation. Ensuite il y a là une évidente tentative d'influencer le déroulement de l'audience, dans un premier temps, puis l'opinion publique pour favoriser la réforme annoncée récemment de suppression du juge d'instruction.

Maître Eolas explique bien mieux que moi cette pression et je ne m'attarderai que sur les conséquences:

En suivant cette stratégie le Ministère de la Justice, notamment par son Garde des Sceaux officieux et donc l'Élysée pourtant garant de l'indépendance de la justice, est certain de sortir de cette audience en position de force pour mener à bien l'élimination du juge d'instruction tel qu'on le connaît aujourd'hui.
En effet, si le CSM abonde dans le sens de la Chancellerie, le gouvernement pourra avancer que la justice elle-même a reconnu les potentielles dérives intrinsèques à la fonction. Si, à l'inverse, le juge Burgaud n'est sanctionné que symboliquement, nul doute que le pouvoir en place, avec en première ligne Nicolas Sarkozy gonflé au pathos et au populisme, aura alors un boulevard pour dénoncer une justice qui s'acquitte de toutes ses erreurs.

Par cette manœuvre la Justice de notre pays est cernée et le sort de son indépendance semble d'ores et déjà scellé. Cette indépendance mérite plus que jamais toute notre vigilance ; d'autant plus que les autres pouvoirs - exécutif, législatif et médiatique - sont déjà confisqués par l'Élysée. Il est urgent que des voix démocrates cessent de craindre l'opinion public, s'élèvent contre cette exploitation éhontée d'un drame et dénoncent ce détournement d'un procès essentiel pour l'avenir de la justice française.


Aurélien

1 commentaires:

Voyance serieuse a dit…

Votre site internet me plaît ainsi que ce qu'il y a dedans. A mon tour donc de vous dire bravo pour sa réalisation et de vous souhaiter bon courage pour les mises à jour.

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