mardi 10 février 2009

La coquille vide

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L'ami Claudio souhaite examiner nos conceptions du Libéralisme. Après l'Hérétique, Alcibiade, Hervé Torchet et Spaulding, c'est Françoise Blanche, en fabulant mouton libre, qui me demande de prolonger la chaîne: Libéral : c'est à dire?

Avant de préciser le propos sur le Libéralisme, je veux dire que je me méfie des doctrines, de tous ces concepts au suffixe "isme" qui prétendent détenir seuls la vérité, qu'elle soit politique, économique, théologique, philosophique, scientifique... Gaullisme, Socialisme, Communisme, Léninisme, Trotskisme, Nazisme, Radicalisme, Phalangisme, Péronisme, Keynesianisme, Franquisme, Féminisme, Bolchévisme, etc... Centrisme aussi.



Je m'en méfie car toutes, ne se présentant jamais comme purement théorique mais au contraire liées à l'action, mènent ou ont mené notre monde vers l'abîme. Trop souvent les doctrines sont considérées, notamment par ceux qui les supportent, comme des sciences. Sauf que là où la science constate et explique, la doctrine juge et prescrit. Les fins sont tout autres. La doctrine a besoin de lignes simples et de partis pris tranchés. Elle ne démontre pas ce qu'elle affirme de l'intérieur, elle se clôt sur elle-même et n'admet aucune idée étrangère à son système.




Notre civilisation des idées subit de plein fouet la barbarie de la pensée simplifiante, réductrice, mutilante. Je suis un adepte de la Pensée Complexe. Ainsi je n'ambitionne que de défendre les idées qui ne caricaturent pas, qui ne sabotent pas le fond pour la forme, les seules qui peuvent nous libérer de cette véritable dictature doctrinaire. Pour moi les doctrines n'auraient de valeur que si elles reconnaissaient entre elles leurs antagonismes, leurs complémentarités, leurs interactions. Il faudrait pour cela qu'elles fassent preuve de ce qui ressemble théoriquement à du libéralisme: la tolérance.

Le Libéralisme est une doctrine à la fois politique et économique. Il porte une revendication sacrée, celle de la Liberté, et plus précisément la liberté de l'individu, puis des libertés en tout genre. Belle idée, toujours mise en avant par les libéraux, sauf que c'est un peu court. C'est oublier que le Libéralisme s'est d'abord fondé sur l'idée pragmatique de Machiavel, entre autres, que l'homme est fondamentalement mauvais et qu'il faut le prendre comme tel. La société libérale part de cette idée pour se bâtir, par une répression assumée et transparente, une structure où l'autorité suprême, plutôt que d'opprimer ses sujets, règne en fonction d'une potentielle harmonie et pour leur bien. Une incohérence de taille apparaît ici, puisque l'autorité suprême idéale pour un libéral est celle d'un seul homme... qui selon le postulat de départ est fondamentalement mauvais. La boucle ne se boucle pas.

Individualisme, priorité donnée à la recherche de l'intérêt personnel, toujours plus de jouissance par toujours moins de dépense. Inégalitarisme, croyance au caractère non nocif de l'inégalité des hommes, de leurs situations sociales, économiques et culturelles, puisque ces inégalités développent le goût du risque, le dynamisme et l'initiative. Interventionnisme, intervention - pour le coup paradoxale - de l'État pour définir le cadre et amortir les excès. Voilà ce qui sous-tend le Libéralisme et son petit frère, le néo-libéralisme.

Cela ne fonctionne pas. Cela ne peut pas fonctionner seul.

Une boucle dialogique essentielle pour la Pensée Complexe est celle reliant l'individu, la société et l'espèce. On ne peut rendre absolu l'individu et en faire la fin suprême de cette boucle comme ce que préconise le Libéralisme. On ne le peut pas plus pour la société (Socialisme) ou pour l’espèce (Humanisme, Écologisme).

Au niveau anthropologique, la société vit pour l'individu, lequel vit pour la société; la société et l'individu vivent pour l'espèce, qui vit pour l'individu et la société. Chacun de ces termes est à la fois moyen et fin : c'est la culture et la société qui permettent l'accomplissement des individus, et ce sont les interactions entre individus qui permettent la perpétuation de la culture et l'auto-organisation de la société. Toutefois, nous pouvons considérer que l'épanouissement et la libre expression des individus-sujets constituent notre dessein éthique et politique, sans toutefois que nous pensions qu'ils constituent la finalité même de la triade individu-société-espèce. La complexité humaine ne saurait être comprise dissociée de ces éléments qui la constituent : tout développement vraiment humain signifie développement conjoint des autonomies individuelles, des participations communautaires et du sentiment d’appartenance à l’espèce humaine.
[Edgar Morin - Les sept savoirs nécessaires à l'éducation du futur]



Isolé, le Libéralisme n'a pas pu empêcher l'anéantissement des économiquement faibles, ni l'augmentation de la pauvreté extrême qu'on retrouve partout, jusque dans les pays où le libéralisme demeure triomphant, les pays les plus riches de la planète, les puissances politiques et économiques que sont l'Europe ou les États-Unis. Le Libéralisme, fermé sur lui-même, reste une coquille idéologique vide opposée obstinément à d'autres coquilles aussi vides qu'hermétiques telles que le Socialisme. Une opposition forcément stérile.


À mon tour à présent de solliciter d'autres blogueurs. Étant relativement loin dans cette chaîne, je ne vérifierai pas s'ils ont déjà répondu... C'est à vous Kag, Nelly et le Crapaud.

Aurélien

3 commentaires:

Anonyme a dit…

Bravo

C'est vrai, une coquille idéologiquement vide (tant qu'elle reste opposée) à d'autres coquilles.

L'opposition est toujours stérile...

Merci Aurélien

Françoise Blanche

Anonyme a dit…

Je ne savais pas que tu rebloguais. J'ai déjà été tagué mais j'ai la flemme !
Bien à toi

voyance gratuite en ligne a dit…

Superbe article et au passage super blog aussi! Merci pour tous tes conseils.

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