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On ne pourra pas dire qu'on ne savait pas:
"J’inclinerais, pour ma part, à penser qu’on naît pédophile, et c’est d’ailleurs un problème que nous ne sachions soigner cette pathologie.
Ces propos, tenus peu avant le premier tour des dernières présidentielles, avaient déclenché une polémique, ou plutôt plusieurs polémiques. Certains y voyaient une déresponsabilisation des pédophiles, d'autres de l'eugénisme à l'état brut, d'autres encore la négation non seulement de plusieurs décennies de recherche en sociologie, psychiatrie et génétique mais aussi d'années d'efforts de travailleurs sociaux et d'associations.
Ce qui m'avait le plus frappé à l'époque dans ces propos, c'était la certitude. La certitude choisie, confortable, celle d'un déterminisme génétique qui soulage et rassure à la fois le parent, l'homme et le ministre d'État chargé de la sécurité de ses concitoyens quant à la portée de ses convictions, de ses gestes et de son travail.
Le plus inquiétant dans ces propos vient de toutes les conséquences imaginables de ces convictions une fois l'homme porté au pouvoir suprême et absolu. 18 mois après son élections à la Présidence de la République, celles-ci commencent à se concrétiser dans le rapport Vainard (pour l'instant inaccessible sur le web...) qui préfigure une future loi Dati sur la justice des mineurs. On parle d'abord d'abaisser l'âge de responsabilité pénal à 12 ans quand toute l'Europe non seulement préconise mais applique l'inverse. Puis aujourd'hui on parle de dépistage des comportements violents dès l'âge de 3 ans.
Un instant...
Depuis des années on nous rabâche que notre système judiciaire et carcéral est saturé et incapable de remplir son objectif principal, à savoir la réhabilitation et la réinsertion sociale. Pire, selon le gouvernement actuel lui-même, il déshumanise et criminalise. Et l'idée de l'UMP serait d'appliquer au plus vite ce même système à nos enfants? Et comme d'habitude, quels acteurs parmi ceux qui sont directement concernés dans les écoles où les centres d'accueil ont été invités à participer à la réflexion? Un inventaire et audit des outils et procédures existantes ont-ils été faits?
Il ne s'agit plus ici d'un simple discours sécuritaire pour aller chercher les voix des citoyens les plus effrayés aux prochaines élections. Il s'agit bel et bien de l'application politique d'une idéologie qui elle, pour le coup, me fait froid dans le dos. Une idéologie qui porte en elle la certitude que l'inné peut être plus qu'une simple prédisposition, plus qu'un simple "filtre" au travers duquel le vécu devient acquis. Une idéologie réductrice et déshumanisante.
Alors évidemment on avance la noble intention de protéger et de prévenir, comme on avance le noble concept de volontariat sur la retraite à 70 ans ou le travail dominical... Sauf qu'après la multiplication des radars automatiques, des caméras de surveillance, des fichiers du type EDVIGE, après l'ingérence dans les programmes scolaires et la concentration toujours plus poussée des médias, la volonté du pouvoir en place de vouloir non seulement tout contrôler mais tout modeler à sa convenance ne fait plus aucun doute.
L'opposition politique étant soit décomposée soit trop limitée, l'opposition associative étant partiellement, sinon totalement, bâillonnée, ils affichent et assument de plus en plus ouvertement leurs réelles convictions et intentions. Au point d'en être - déjà - à "toucher" à nos enfants. Ils sapent encore un peu plus nos valeurs fondamentales. Un proverbe rundi dit: "On ne raconte pas de fable à des enfants endormis"...
Liberté - Égalité - Fraternité
"Les hommes naissent libres et égaux en droits...", faire de la part innée de chaque individu un élément déterminant ses perspectives d'avenir, limitant ses chances, fermant des portes avant même que sa personnalité ne soit tout à fait construire, est une remise en cause profonde des concepts de liberté et d'égalité tels qu'avance notre devise nationale.
Dès que l'on considère qu'un enfant ne peut être l'égal d'un autre sur un simple préjugé - car donner autant d'importance à l'inné n'est rien d'autre qu'une ouverture aux préjugés - le concept de fraternité vole en éclat. Comment imaginer une solidarité accomplie dans une société où l'autre peut dès sa plus jeune enfance être "catalogué" comme déviant?
On pourrait aussi raisonner par l'absurde - en fait simplement pousser le raisonnement gouvernemental au bout de lui-même - et dire que si l'on peut être prédisposé à devenir criminel, alors il ne fait aucun doute que l'on puisse être également prédisposé à devenir victime. À partir de là tout le monde est concerné, et au nom de la protection et d'une soi-disant liberté collective nous devrions dépister l'ensemble des citoyens en herbe et prendre "toutes les dispositions qui s'imposent" en terme de prévention... et répression.
On nous propose ici de réduire dès l'enfance les individus à leur code génétique, de les cataloguer et d'une manière ou d'une autre de les isoler les uns des autres. On me reprochera sans doute d'en faire trop, mais je suis convaincu que c'est tout le contraire de ce dont nos sociétés ont besoin. C'est un renoncement à l'enfance, la négation absolue de toute Poésie, de tout espoir... tout simplement de la vie. Résister à de telles idéologies n'est plus seulement une option citoyenne, c'est un devoir humain.
"Il y a toujours dans notre enfance un moment où la porte s'ouvre et laisse entrer l'avenir."
[Graham Greene]
Aurélien
"J’inclinerais, pour ma part, à penser qu’on naît pédophile, et c’est d’ailleurs un problème que nous ne sachions soigner cette pathologie.
Il y a 1 200 ou 1 300 jeunes qui se suicident en France chaque année, ce n’est pas parce que leurs parents s’en sont mal occupés ! Mais parce que, génétiquement, ils avaient une fragilité, une douleur préalable.
Prenez les fumeurs : certains développent un cancer, d’autres non. Les premiers ont une faiblesse physiologique héréditaire. Les circonstances ne font pas tout, la part de l’inné est immense."
[Nicolas Sarkozy - Philosophie Magasine - Mars 2007]Ces propos, tenus peu avant le premier tour des dernières présidentielles, avaient déclenché une polémique, ou plutôt plusieurs polémiques. Certains y voyaient une déresponsabilisation des pédophiles, d'autres de l'eugénisme à l'état brut, d'autres encore la négation non seulement de plusieurs décennies de recherche en sociologie, psychiatrie et génétique mais aussi d'années d'efforts de travailleurs sociaux et d'associations.
Ce qui m'avait le plus frappé à l'époque dans ces propos, c'était la certitude. La certitude choisie, confortable, celle d'un déterminisme génétique qui soulage et rassure à la fois le parent, l'homme et le ministre d'État chargé de la sécurité de ses concitoyens quant à la portée de ses convictions, de ses gestes et de son travail.
Le plus inquiétant dans ces propos vient de toutes les conséquences imaginables de ces convictions une fois l'homme porté au pouvoir suprême et absolu. 18 mois après son élections à la Présidence de la République, celles-ci commencent à se concrétiser dans le rapport Vainard (pour l'instant inaccessible sur le web...) qui préfigure une future loi Dati sur la justice des mineurs. On parle d'abord d'abaisser l'âge de responsabilité pénal à 12 ans quand toute l'Europe non seulement préconise mais applique l'inverse. Puis aujourd'hui on parle de dépistage des comportements violents dès l'âge de 3 ans.
Un instant...
Depuis des années on nous rabâche que notre système judiciaire et carcéral est saturé et incapable de remplir son objectif principal, à savoir la réhabilitation et la réinsertion sociale. Pire, selon le gouvernement actuel lui-même, il déshumanise et criminalise. Et l'idée de l'UMP serait d'appliquer au plus vite ce même système à nos enfants? Et comme d'habitude, quels acteurs parmi ceux qui sont directement concernés dans les écoles où les centres d'accueil ont été invités à participer à la réflexion? Un inventaire et audit des outils et procédures existantes ont-ils été faits?
Il ne s'agit plus ici d'un simple discours sécuritaire pour aller chercher les voix des citoyens les plus effrayés aux prochaines élections. Il s'agit bel et bien de l'application politique d'une idéologie qui elle, pour le coup, me fait froid dans le dos. Une idéologie qui porte en elle la certitude que l'inné peut être plus qu'une simple prédisposition, plus qu'un simple "filtre" au travers duquel le vécu devient acquis. Une idéologie réductrice et déshumanisante.
Alors évidemment on avance la noble intention de protéger et de prévenir, comme on avance le noble concept de volontariat sur la retraite à 70 ans ou le travail dominical... Sauf qu'après la multiplication des radars automatiques, des caméras de surveillance, des fichiers du type EDVIGE, après l'ingérence dans les programmes scolaires et la concentration toujours plus poussée des médias, la volonté du pouvoir en place de vouloir non seulement tout contrôler mais tout modeler à sa convenance ne fait plus aucun doute.
L'opposition politique étant soit décomposée soit trop limitée, l'opposition associative étant partiellement, sinon totalement, bâillonnée, ils affichent et assument de plus en plus ouvertement leurs réelles convictions et intentions. Au point d'en être - déjà - à "toucher" à nos enfants. Ils sapent encore un peu plus nos valeurs fondamentales. Un proverbe rundi dit: "On ne raconte pas de fable à des enfants endormis"...
Liberté - Égalité - Fraternité
"Les hommes naissent libres et égaux en droits...", faire de la part innée de chaque individu un élément déterminant ses perspectives d'avenir, limitant ses chances, fermant des portes avant même que sa personnalité ne soit tout à fait construire, est une remise en cause profonde des concepts de liberté et d'égalité tels qu'avance notre devise nationale.
Dès que l'on considère qu'un enfant ne peut être l'égal d'un autre sur un simple préjugé - car donner autant d'importance à l'inné n'est rien d'autre qu'une ouverture aux préjugés - le concept de fraternité vole en éclat. Comment imaginer une solidarité accomplie dans une société où l'autre peut dès sa plus jeune enfance être "catalogué" comme déviant?
On pourrait aussi raisonner par l'absurde - en fait simplement pousser le raisonnement gouvernemental au bout de lui-même - et dire que si l'on peut être prédisposé à devenir criminel, alors il ne fait aucun doute que l'on puisse être également prédisposé à devenir victime. À partir de là tout le monde est concerné, et au nom de la protection et d'une soi-disant liberté collective nous devrions dépister l'ensemble des citoyens en herbe et prendre "toutes les dispositions qui s'imposent" en terme de prévention... et répression.
On nous propose ici de réduire dès l'enfance les individus à leur code génétique, de les cataloguer et d'une manière ou d'une autre de les isoler les uns des autres. On me reprochera sans doute d'en faire trop, mais je suis convaincu que c'est tout le contraire de ce dont nos sociétés ont besoin. C'est un renoncement à l'enfance, la négation absolue de toute Poésie, de tout espoir... tout simplement de la vie. Résister à de telles idéologies n'est plus seulement une option citoyenne, c'est un devoir humain.
"Il y a toujours dans notre enfance un moment où la porte s'ouvre et laisse entrer l'avenir."
[Graham Greene]
Aurélien
5 commentaires:
La démarche génétique porte en elle la théorie de l'inégalité des humains et des races. Une fois qu'on a dit ça, on a tout dit.
Nos dirigeants nous déshonorent, ils sont la honte de la France et de l'idéal français.
"La démarche génétique porte en elle la théorie de l'inégalité des humains et des races."
Certes, encore que le terme "race" est un non sens, scientifiquement, pour l'espèce humaine.
C'est le propre de l'humain que de refuser cette inégalité. Ce serait son miracle d'y parvenir sans pour autant s'exclure des cycles naturels.
Quant à nos dirigeants... il ne s'agit plus seulement de honte. Ils - en tant que système et non individuellement (encore que...) - représentent un véritable danger.
D'accord sur toute la ligne
Je suis fan de l'illustration "Kids gone bad", très beau graffiti...
Bonne fin de journée à vous, gael rédacteur pour http://www.bien-et-bio.com
Merci Aurélien. Il faut savoir résister à cette dérive. La pseudo-science dont se réclament les néo-cons et les sarkozistes est réfutée par les scientifiques, mais ils ont choisi leur dogme. Cela sent très mauvais.
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