jeudi 10 juillet 2008

Le Parlement (encore) humilié

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Le texte du projet de loi constitutionnelle pour la modernisation des institutions de la Ve République est actuellement débattu en deuxième lecture par les députés de l'Assemblée Nationale. L'un des objectifs officiels de cette réforme voulue par le Président de la République et engagée par la Commission Balladur est de renforcer le Parlement, de lui donner notamment plus de pouvoir de contrôle sur l'exécutif. Or, une proposition me semble aller dans la direction opposée, il s'agit du premier alinéa de l'article 10 du projet de loi.

Celui-ci prévoit d'inclure dans la Constitution le "remplacement temporaire en cas d'acceptation par eux de fonctions gouvernementales", "eux" étant les membres de l'Assemblée Nationale et du Sénat. Le terme "temporaire" signifie qu'en cas de démission ou éviction du gouvernement, tout parlementaire devenu ministre retrouverait automatiquement son siège dans l'une où l'autre des deux assemblées.





D'après les comptes rendus des débats d'hier, plusieurs parlementaires de l'opposition comme de la majorité sont contre cette idée. Leurs arguments, exprimés par des personnalités aussi diverses qu'Hervé de Charette, Arnaud Montebourg ou Noël Mamère, sont les suivants:
  • Les ministres seraient moins contraints à la solidarité gouvernementale, puisque assurés de retrouver le confort parlementaire en cas de démission;
  • Cette automatisation des allers-retours du parlement au gouvernement favoriserait l'instabilité gouvernementale et la valse des ministères, ce que les fondateurs de la Ve République cherchaient justement à prévenir;
  • La tentation serait grande pour le pouvoir en place non seulement de sanctionner le manque de résultats, mais aussi de récompenser les courtisans puisque 6 mois d'exercice suffisent à un ministre pour avoir ce titre, et les indemnités correspondantes, à vie;
  • Le gouvernement serait fragilisé par rapport aux conseillers de l'Élysée. Au moindre "couac" ou contradiction avec le Président de la République les ministres seraient plus facilement remerciés;
  • En diminuant le pouvoir réel du gouvernement, cette disposition diminuerait de fait le pouvoir du parlement supposé le contrôler;
  • Le terme "temporaire" signifie également qu'un certain nombre de députés auraient ainsi un statut de remplaçant révocable contraire aux autres députés.

Face ces arguments percutants et lourds de sens, la commission des lois et le gouvernement, par l'intermédiaire du rapporteur et de la Garde des Sceaux Rachida Dati, n'opposent qu'un seul et même contre-argument choc: cette disposition éviterait de déranger les citoyens pour des élections législatives partielles! Selon la Ministre de la Justice "les électeurs ne comprennent pas pourquoi ils doivent de nouveau voter pour la même personne en cours de mandat". On se demande bien de quelle expérience ou étude d'opinion Rachida Dati tire cette "information" de poids, mais on commence à le savoir, pour le gouvernement en exercice les citoyens sont impatients et ne comprennent rien.

Sur cette seule idée, tous les amendements proposés par les députés de droite ou de gauche ont été rejetés, notamment par un scrutin public au cours duquel la majorité UMP aura voté en accord avec le texte proposé.

Comment y voir autre chose qu'une parodie de débat démocratique et de modernisation des institutions?

Comment en est-on arrivé à une situation où une majorité d'élus sabordent ainsi, sans raison valable, leur propre institution et pouvoir?


Il est devenu urgent de séparer en effet le pouvoir législatif du pouvoir exécutif en découplant les élections présidentielle et législatives, afin que les élus de la majorité ne soient pas redevables vis à vis d'un Président de la République faiseur de parlementaires robots. Il est temps, comme l'espère François Bayrou dans son entrevue publiée aujourd'hui dans le Figaro, que les démocrates de tous bords, de la gauche aux gaullistes, se ressaisissent.

Pourquoi, par exemple, ne pas faire en sorte qu'un mandat de député n'ait pas la même durée que le quinquennat présidentiel? Pourquoi, ce n'est qu'une suggestion, ne pas tenir les élections législatives à mi-mandat présidentiel?

Quoi qu'il en soit, je suggère à tous ceux qui partagent mon opinion d'interpeller leurs sénateurs sur cette question avant qu'ils ne débattent à leur tour de ce texte en deuxième lecture, afin de peser autant que possible pour un non-affaiblissement, sinon un renforcement, du Parlement. Bien que sans grandes illusions, je le ferai auprès de Christian Cointat qui défend les intérêts des expatriés français au Canada.


Aurélien

1 commentaires:

Anonyme a dit…

En gros, le parlement deviendrait l'écurie officielle dans laquelle serait choisie les ministres... Donc, les ambitieux seraient dépourvus de postes ministériels en cas de vote non-conforme au désir présidentiel. On assiste à la fusion du législatif et de l'exécutif. Si on ajoute la mise au pas de la justice, la démocratie si elle n'est pas en danger a du plomb dans l'aile.

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