Retour sur une déclaration de Ségolène Royal, en marge de la visite d'une délégation française, menée par François Fillon, au Canada pour célébrer le 400e anniversaire de la fondation de la ville de Québec. Voici ses propos rapportés par l'Express:
"Tout le monde le sait, c'était une opération colombienne rondement menée qui prouve que les négociations avec les Farc étaient inutiles et n'avaient débouché sur rien[...] Voilà : ni polémique, ni récupération politique qui serait totalement décalée parce qu'en l'occurrence, Nicolas Sarkozy n'a été absolument pour rien dans cette libération."
Ségolène Royal, que l'on pourrait appeler l'omni-opposante de part son évidente volonté d'affronter l'omni-président sur tous les fronts, illustre par ces mots tous les doutes que je peux encore avoir sur sa personne et sa capacité à mener le pays plus efficacement et dans un esprit plus rassembleur que Nicolas Sarkozy. Elle déclenche illico, forcément, les réactions en chaîne du côté de l'UMP chez les Raffarin, Yade et autres Fillon, et j'imagine que Frédéric Lefebvre devrait demander des excuses officielles d'ici peu... À la suite de quoi, comme sait aussi le faire parfaitement le Président de la République, elle se posera en victime d'une quelconque pensée unique. Elle projette ainsi le pays dans une polémique supplémentaire et stérile qui, comme les autres, fera office d'écran de fumée masquant les enjeux réels et urgents; le pouvoir actuel n'en demandait pas tant...
D'abord, par cette déclaration, elle se "décale" elle-même puisqu'elle est seule, parmi les têtes d'affiches politiques françaises, à faire de la récupération à peine déguisée. "Surtout pas de récupération mais, au passage, mon adversaire n'a rien fait après avoir été totalement inefficace...", une hypocrisie totale. Pour ma part, j'ai trouvé l'Élysée étonnamment sobre et raisonnable depuis cette libération. Je n'ai vu aucune tentative de récupération politique de la part du Président. La libération d'Ingrid Bétancourt a pu être réalisée par d'autres moyens que ceux qu'il préconisait; il n'a pas cherché à prétendre le contraire, ni a ramener la couverture à lui comme il avait pu le faire pour la libération des infirmières bulgares.
Ensuite, il ne fait aucun doute que Nicolas Sarkozy s'est beaucoup investi pour Ingrid Bétancourt comme il le fait - je l'admet volontiers même si je n'aime pas le fond de son action ni la forme qu'il y met - sur chaque dossier. Je ne vois rien à lui reprocher sur le dossier Bétencourt. Sa stratégie de négociation était tout à fait défendable et d'ailleurs, contrairement à ce que Ségolène Royal prétend, elle a débouché sur au moins deux résultats: la preuve de vie obtenue fin 2007 et la libération des 6 premiers otages, dont Clara Rojas, proche collaboratrice d'Ingrid Bétancourt. De plus, rien n'indique que cette stratégie n'aurait pas, elle aussi, abouti à une libération. On imagine aussi très bien ce qu'auraient été les mots de Ségolène Royal si Nicolas Sarkozy avait, tout au long de cette affaire, préconisé une intervention militaire.
Enfin, qui sait vraiment si la France n'a pas joué un rôle indirect dans cette opération? Qui nous dit que la pression imposée par Paris n'a pas pesé dans la décision du gouvernement colombien de mener cette opération? Aurait-il pris cette décision sans la preuve de vie obtenue grâce aux négociations? Trop d'inconnues restent en question pour pouvoir dire que les uns ont tout fait et les autres rien du tout.
Pour moi cette actualité est extrêmement révélatrice du danger que peut représenter Ségolène Royal pour la France, pour son parti et ceux à qui elle annonce être ouverte aux alliances. Au même titre que Nicolas Sarkozy, elle communique à bras raccourcis sur tous les fronts, dans la provocation et la polémique, sans réfléchir, au-delà de l'onde de choc médiatique volontairement initiée, aux conséquences ni au sens profond de ses mots. C'est le genre d'attitude, sinon de stratégie, dont nous devons débarrasser la politique française au plus vite.
Aurélien
5 commentaires:
Salut,
C'est fête aujourd'hui, Aurélien, écrit un bon mot envers l'actuel Président de la France !
(Humour bien sûr).
Sinon, il faut "absolument" lire le très bon aticle de médiapart avec les dessous ce cette libération ô combien facile...
La France a accepté de recevoir quelques personnes.
En résumé, SR a encore parlé trop vite ou autrement. C'est selon ses convictions.
A plus
JD
gueulante.fr
@JD: "C'est fête aujourd'hui, Aurélien, écrit un bon mot envers l'actuel Président de la France!"
Ce n'est pas le premier billet où j'appelle à mesurer les critiques, sous peine de perdre toute crédibilité.
Comme le dit un certain Edgar, avant d'envisager l'indignation il faut d'abord observer, analyser et comprendre.
Bravo Maestro!
Suis d'accord sur tous les points de politique intérieure française. Sur SR, ça fait bien longtemps que j'ai perdu tout espoir en matière de politique étrangère...
En ce qui concerne la diplomatie française, je pense qu'elle aurait aussi du prendre en compte les autres otages colombiens (et pas seulement IB et CR) et le besoin d'un règlement global politique de la situation des FARC en Colombie (et même au delà, avec les liens tissés entre les FARC et la gauche radicale latino-américaine). Ce conflit doit prendre fin sans que le président français en profite pour invectiver les dirigeants de la guérilla; le règlement définitif passera par une nécessaire réhabilitation économique et sociale d'un tiers du territoire colombien qui exigera une aide internationale conséquente. La France, avec Ingrid Betancourt, est maintenant idéalement placée pour renforcer le processus politique, voyons voir ce que seront capables de faire Sarkozy et Kouchner (tag, they're it).
Est il nécessaire de s'inquiéter de tout ce que dit Ségolène ? A chaque fois les critiques pleuvent à droite et à gauche, il faut arrêter là. Chacun est libre de s'exprimer et en plus elle n'a rien dit de plus que la vérité. Sarkozy veut surfer sur cette libération pour remonter dans les sondages et faire oublier l'échec de sa politique.
@Pazmany:
Si vous prenez le temps de visiter ce blog, vous verrez que c'est la première fois que je consacre une note à Ségolène Royal. De même que pour Sarkozy, je ne suis pas dans une démarche systématique d'opposition.
Et, je regrette, mais elle n'a pas dit la vérité: la stratégie de négociation prônée par le tandem Sarkozy-Chavez a eu des débouchés (vidéo & libération des 6 premiers otages) et rien n'indique qu'Ingrid Bétancourt n'aurait jamais pu être libérée par cette voie là.
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