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Chaque jeudi (ou presque...) je viens vous présenter un échantillon de l'œuvre et de la pensée d'Edgar Morin. Je souhaite ainsi, en rapprochant à ma modeste mesure ses idées de la politique en général et du MoDem en particulier, nourrir les débats qui prendront place pour définir, et éventuellement mettre en application, ce nouveau modèle de société que des millions de français ont appelé de leurs vœux en mai 2007.
La moraline: posture commode [...] qui consiste à transformer l'erreur d'autrui en faute morale et dispense le moralisateur de tout effort d'analyse et de réflexion.
[Edgar Morin - Éthique]
Edgar Morin, comme Frédéric Nietzsche avant lui, distingue la morale de la moraline. La première prendrait forme par l'éthique, la réflexion personnelle, l'autocritique et l'exigence envers soi-même tandis que la seconde en serait une forme dégradée, lui substituant un catalogue de principes formels et de réflexes de culpabilité, de simplification et de réduction. Il s'agit d'une rigidification éthique qui conduit au manichéisme, ignorant compréhension, magnanimité et pardon.
On peut encore distinguer deux types de moraline: la moraline d'indignation et la moraline de réduction. Deux occurrences qui s'entre-nourissent:
L'indignation sans réflexion ni rationalité conduit à la disqualification d'autrui.
L'indignation est tout enveloppée de morale, alors qu'elle n'est souvent qu'un masque de l'immorale colère.
La moraline de réduction réduit autrui à ce qu'il y a de plus bas, aux actes mauvais qu'il a accomplis, à ses anciennes idées nocives, et le condamne totalement. C'est oublier que ces actes ou idées ne concernent qu'une partie de sa vie, qu'il a pu évoluer depuis, voire s'être repenti.
Un exemple, frappant, de moraline est le flot d'articles journalistiques suivis de commentaires d'une sévérité, d'une violence même, inouïe à l'égard de ces parents qui l'été dernier ont oublié leurs enfants dans leurs véhicules, les condamnant pour la plupart à la mort. À la suite d'articles relatant les faits se sont enfilés des séries interminables de commentaires comme autant de jugements définitifs à charge, oubliant toute tentative de compréhension et de contextualisation.
Un autre exemple, moins dramatique mais sans doute plus pernicieux, est celui des joutes politiques verbales qui surviennent dans l'opposition frontale droite-gauche depuis 30 ans. Au moindre désaccord, qu'on ne tarde jamais à trouver, les uns ressortent les vieux dossiers des autres, les autres ramènent tout à la figure la plus emblématique des uns, etc... Là encore il s'agit de simplifier et de réduire, aucunement de comprendre, encore moins d'exécuter une autocritique, exercice aujourd'hui officieusement prohibé en politique.
Pour sortir de ce schéma barbare, il convient de combler un manque évident, devenu naturel, d'introspection. Un travail sur soi est nécessaire pour faire émerger une culture psychique, au même titre qu'il existe une culture physique. En effet l'esprit humain recèle pour lui-même de nombreux pièges parmi lesquels ce qu'Edgar Morin nomme la self-deception (mensonge à soi-même), stimulé par l'oubli sélectif, ou l'auto-justification qui accuse systématiquement les autres pour ses propres erreurs.
Il s'agit alors d'effectuer un auto-examen avec en complément une auto-critique. Facile à dire... comme le rappelle le père de la Pensée Complexe il est alors nécessaire de fournir un effort vital mais que nul n'enseigne. L'objectif est la compréhension de l'autre et la résistance à l'intimidation comme aux délires, hystéries ou emballements collectifs.
Si le MoDem veut être moderne, différent, crédible et cohérent il doit s'imposer une éthique de la responsabilité et une éthique de l'honneur, s'inventer une auto-éthique garante de cette cohérence avec ses valeurs et l'image qu'il a de lui-même. Cela commence par savoir nous reconnaître nous-mêmes, dialoguer avec nos idées et vivre avec elles plutôt qu'à les laisser nous habiter.
Pour lire ou relire tous les épisodes des Jeudis d'Edgar, c'est par ici.
Aurélien
2 commentaires:
Scusa, scusa, petite digression: je t'ai tagué ici: http://www.quindiblog.eu/log/2008/12/quindi-digressions-sur-linculture.html
Merci pour ce billet très agréable… et souriant (pour un sujet pas évident) !
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