Chaque jeudi (ou presque...) je viens vous présenter un échantillon de l'œuvre et de la pensée d'Edgar Morin. Je souhaite ainsi, en rapprochant à ma modeste mesure ses idées de la politique en général et du MoDem en particulier, nourrir les débats qui prendront place pour définir, et éventuellement mettre en application, ce nouveau modèle de société que des millions de français ont appelé de leurs vœux en mai 2007.
En politique, peut-être plus qu'ailleurs tant le contexte est large, dense, complexe, l'action est incertaine. Quelles que soient les intentions et la rationalité supposée qui la motivent, elle échappe naturellement à ceux qui la mènent. L'action résiste, elle ne relève pas d'un automatisme qui à telle intention associe systématiquement et exclusivement tel résultat.
Même planifiée avec le plus grand soin, la plus sage réflexion, la meilleure des volontés, une fois impulsée, l'action est à la merci des imprévus. Prendre en compte cette part d'incertitude, c'est ce qu'Edgar Morin appelle "l'écologie de l'action".
L'écologie de l'action obéit à deux principes simples définis dans Éthique, 6e volume de la Méthode:
L'écologie de l'action nous indique que toute action échappe de plus en plus à la volonté de son auteur à mesure qu'elle entre dans le jeu des inter-rétro-actions du milieu où elle intervient. Ainsi l'action risque non seulement l'échec, mais aussi le détournement ou la perversion de son sens.
La perversion du sens correspond à trois possibilités: l'effet pervers de l'action, son innanité et la dégradation des acquis. D'où le premier principe:
Les effets de l'action dépendent non seulement des intentions de l'acteur, mais aussi des conditions propres au milieu où elle se déroule.
Autrement dit, les recettes toutes faites n'existent pas. Ce qui a marché ailleurs et/ou autrefois ne réussira pas forcément ici et maintenant. Ceci appelle le monde politique, mais aussi le monde de l'entreprise, à une plus grande humilité, à plus de réflexion, de concertations, de reliance ; à plus de patience aussi. D'autant que le second principe impose d'élargie encore la prise compte des incertitudes:
Le deuxième principe est celui de l'imprédictibilité à long terme. On peut envisager ou supputer les effets à court terme d'une action, mais ses effets à long terme sont imprédictibles. Encore aujourd'hui, on ne sait pas mesurer les conséquences futures de la Révolution française ou de la Révolution soviétique.[...] L'action, même bonne, peut porter un avenir funeste : même pacifique, elle peut porter un avenir dangereux.[...] Nulle action n'est donc assurée d'oeuvrer dans le sens de son intention.
Partant de ces deux principes, on pourrait penser que l'écologie de l'action tend à l'immobilisme. Au contraire, ce qu'elle nous enseigne, c'est que l'action est comme la Nature: incontrôlable. Chacun de nos choix, chacune de nos décisions est un pari sur l'avenir.Il n’y a, selon Edgar Morin, de certitudes que lorsque l’on peut isoler un cadre et traiter d’éléments classables comme le fait, en chimie, la table des éléments de Mendeleïev. Mais pour le reste, pour la vie, prendre conscience de cette incertitude est une question d'éthique.
Comme la Nature, il convient alors de considérer l'action avec bienveillance, d'observer son évolution et ses produits parce que, forcément, il en sortira une leçon essentielle. Ainsi Edgar Morin propose quelques bonnes pratiques écologiques: examiner le contexte où doit s'effectuer l'action, connaître l'écologie de l'action, reconnaître les incertitudes et les illusions éthiques, pratiquer l'auto examen, réfléchir aux décisions, reconnaître ses risques, élaborer une stratégie.
On rejoint ici l'idée de travailler à bien penser, incluant cet autre leitmotiv de l'écologie de l'action: ne pas perdre l'essentiel pour l'urgent, ne pas oublier l’urgence de l’essentiel. Plutôt qu'une accumulation de réformes, de trains de mesures et de plans d'actions (suivez mon regard...), il est primordial d'avoir une stratégie qui fixe un cap et se donne les moyens pour adapter, corriger en continu le présent pour mieux préparer l'avenir.
L'élaboration d'une stratégie comporte la vigilance permanente de l'acteur au cours de l'action, tient compte des aléas possibles, effectue la modification de la stratégie en cours d'action et éventuellement le torpillage de l'action qui aurait pris un cours nocif. La stratégie demeure navigation au gouvernail dans une mer incertaine, et elle suppose évidemment une pensée pertinente. Elle comporte un complexe de méfiance et de confiance, qui nécessite de se méfier non seulement de la confiance, mais aussi de la méfiance. La stratégie est un art. Tout grand art comporte une part d'imagination, de subtilité, d'invention, ce dont font preuve les grands stratèges de l'Histoire.
L’écologie de l’action est une approche par la Pensée Complexe, elle reconnaît l’impossibilité de tout savoir et comprendre des réalités humaines et des enjeux qu'ils soient locaux, nationaux ou planétaires. Elle cherche continuellement, de manière aussi objective que possible, à équilibrer les forces motrices du monde et ses besoins et aspirations essentielles.
L'écologie de l'action doit opérer selon au moins trois boucles dialogiques: risque-précaution, fins-moyens et action-contexte. Pour chacune de ses boucles chaque est à la fois complémentaire et antagoniste à son associé. Dans chaque boucle les concepts interagissent et s’influencent. Le risque pour l'écologie de l'action est qu'ils finissent par se dénaturer, se pervertir l'un l’autre.
Saisir l’incertitude c'est lutter contre l’ignorance. L’écologie de l’action pourrait d'ailleurs inspirer des programmes d’enseignement, car il nous faut une pensée apte à affronter les complexités plutôt que de céder aux manichéismes idéologiques ou aux mutilations technocratiques (qui ne reconnaissent que des réalités arbitrairement compartimentées, sont aveugles à ce qui n’est pas quantifiable, et ignorent les complexités humaines). Il nous faut abandonner la fausse rationalité. Les besoins humains ne sont pas seulement économiques et techniques, mais aussi affectifs et mythologiques.
Pour lire ou relire tous les épisodes des Jeudis d'Edgar, c'est par ici.
Aurélien
En politique, peut-être plus qu'ailleurs tant le contexte est large, dense, complexe, l'action est incertaine. Quelles que soient les intentions et la rationalité supposée qui la motivent, elle échappe naturellement à ceux qui la mènent. L'action résiste, elle ne relève pas d'un automatisme qui à telle intention associe systématiquement et exclusivement tel résultat.
Même planifiée avec le plus grand soin, la plus sage réflexion, la meilleure des volontés, une fois impulsée, l'action est à la merci des imprévus. Prendre en compte cette part d'incertitude, c'est ce qu'Edgar Morin appelle "l'écologie de l'action".
L'écologie de l'action obéit à deux principes simples définis dans Éthique, 6e volume de la Méthode:
L'écologie de l'action nous indique que toute action échappe de plus en plus à la volonté de son auteur à mesure qu'elle entre dans le jeu des inter-rétro-actions du milieu où elle intervient. Ainsi l'action risque non seulement l'échec, mais aussi le détournement ou la perversion de son sens.
La perversion du sens correspond à trois possibilités: l'effet pervers de l'action, son innanité et la dégradation des acquis. D'où le premier principe:
Les effets de l'action dépendent non seulement des intentions de l'acteur, mais aussi des conditions propres au milieu où elle se déroule.
Autrement dit, les recettes toutes faites n'existent pas. Ce qui a marché ailleurs et/ou autrefois ne réussira pas forcément ici et maintenant. Ceci appelle le monde politique, mais aussi le monde de l'entreprise, à une plus grande humilité, à plus de réflexion, de concertations, de reliance ; à plus de patience aussi. D'autant que le second principe impose d'élargie encore la prise compte des incertitudes:
Le deuxième principe est celui de l'imprédictibilité à long terme. On peut envisager ou supputer les effets à court terme d'une action, mais ses effets à long terme sont imprédictibles. Encore aujourd'hui, on ne sait pas mesurer les conséquences futures de la Révolution française ou de la Révolution soviétique.[...] L'action, même bonne, peut porter un avenir funeste : même pacifique, elle peut porter un avenir dangereux.[...] Nulle action n'est donc assurée d'oeuvrer dans le sens de son intention.
Partant de ces deux principes, on pourrait penser que l'écologie de l'action tend à l'immobilisme. Au contraire, ce qu'elle nous enseigne, c'est que l'action est comme la Nature: incontrôlable. Chacun de nos choix, chacune de nos décisions est un pari sur l'avenir.Il n’y a, selon Edgar Morin, de certitudes que lorsque l’on peut isoler un cadre et traiter d’éléments classables comme le fait, en chimie, la table des éléments de Mendeleïev. Mais pour le reste, pour la vie, prendre conscience de cette incertitude est une question d'éthique.
Comme la Nature, il convient alors de considérer l'action avec bienveillance, d'observer son évolution et ses produits parce que, forcément, il en sortira une leçon essentielle. Ainsi Edgar Morin propose quelques bonnes pratiques écologiques: examiner le contexte où doit s'effectuer l'action, connaître l'écologie de l'action, reconnaître les incertitudes et les illusions éthiques, pratiquer l'auto examen, réfléchir aux décisions, reconnaître ses risques, élaborer une stratégie.
On rejoint ici l'idée de travailler à bien penser, incluant cet autre leitmotiv de l'écologie de l'action: ne pas perdre l'essentiel pour l'urgent, ne pas oublier l’urgence de l’essentiel. Plutôt qu'une accumulation de réformes, de trains de mesures et de plans d'actions (suivez mon regard...), il est primordial d'avoir une stratégie qui fixe un cap et se donne les moyens pour adapter, corriger en continu le présent pour mieux préparer l'avenir.
L'élaboration d'une stratégie comporte la vigilance permanente de l'acteur au cours de l'action, tient compte des aléas possibles, effectue la modification de la stratégie en cours d'action et éventuellement le torpillage de l'action qui aurait pris un cours nocif. La stratégie demeure navigation au gouvernail dans une mer incertaine, et elle suppose évidemment une pensée pertinente. Elle comporte un complexe de méfiance et de confiance, qui nécessite de se méfier non seulement de la confiance, mais aussi de la méfiance. La stratégie est un art. Tout grand art comporte une part d'imagination, de subtilité, d'invention, ce dont font preuve les grands stratèges de l'Histoire.
L’écologie de l’action est une approche par la Pensée Complexe, elle reconnaît l’impossibilité de tout savoir et comprendre des réalités humaines et des enjeux qu'ils soient locaux, nationaux ou planétaires. Elle cherche continuellement, de manière aussi objective que possible, à équilibrer les forces motrices du monde et ses besoins et aspirations essentielles.
L'écologie de l'action doit opérer selon au moins trois boucles dialogiques: risque-précaution, fins-moyens et action-contexte. Pour chacune de ses boucles chaque est à la fois complémentaire et antagoniste à son associé. Dans chaque boucle les concepts interagissent et s’influencent. Le risque pour l'écologie de l'action est qu'ils finissent par se dénaturer, se pervertir l'un l’autre.
Saisir l’incertitude c'est lutter contre l’ignorance. L’écologie de l’action pourrait d'ailleurs inspirer des programmes d’enseignement, car il nous faut une pensée apte à affronter les complexités plutôt que de céder aux manichéismes idéologiques ou aux mutilations technocratiques (qui ne reconnaissent que des réalités arbitrairement compartimentées, sont aveugles à ce qui n’est pas quantifiable, et ignorent les complexités humaines). Il nous faut abandonner la fausse rationalité. Les besoins humains ne sont pas seulement économiques et techniques, mais aussi affectifs et mythologiques.
Pour lire ou relire tous les épisodes des Jeudis d'Edgar, c'est par ici.
Aurélien
2 commentaires:
Merci pour ce très bon site, vraiment un panaché de bonnes et intéressantes idées. Surtout continuez ainsi. Bon courage
Cordialement
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Merci pour cette explication simple et claire pour toute personne qui sait lire.
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