jeudi 19 mars 2009

Les bandes à Sarko

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Voici une phrase prononcée hier par Nicolas Sarkozy dans un discours, prononcé à Gagny en Seine-Saint-Denis, sur le thème de la lutte contre les bandes et les violences. L'objet de ce discours était d'annoncer un durcissement des moyens de répression contre les violences perpétuées par les bandes issues des quartiers dits sensibles, estimées à plus de 200 dans toute la France.

Je suis résolu à ne pas laisser le dernier mot à ces délinquants. Puisqu’ils profitent d’une carence de la loi, il faut y porter remède. J'ai demandé au Garde des Sceaux de changer la loi.
Il faut doter notre code pénal d’une disposition qui réprimera de 3 ans d’emprisonnement le fait de faire partie, en connaissance de cause, d’un groupement, même formé de façon temporaire, poursuivant le but de commettre des atteintes volontaires contre les personnes ou contre certains biens.


Évidemment les violences gratuites contre des biens et des personnes doivent être sévèrement sanctionnées. Bien sûr, lorsque les victimes sont des représentants de l'État la sanction doit être alourdie. Certes, l'École comme les premiers répondants que sont le SAMU, les pompiers et la police doivent être protégés. Mais une telle inflation répressive sans aucune contrepartie préventive revient à jeter de l'huile sur le feu, à couvrir la marmite et laisser la pression monter.

D'autant plus lorsque le Président de la République juge pertinent de déclarer:

Je n’accepte pas la logique de l’excuse et de la victimisation des auteurs de tels actes. Le refrain est hélas bien connu : ces jeunes expriment leur révolte contre une société française qui les rejette et les exclut. Ce discours, nous l’avons trop entendu.

Sans aller jusqu'à rentrer dans le jeu de la victimisation des délinquants, on ne peut pas balayer d'un revers aussi sec tout ce qui peut expliquer, et non légitimer, le recours à la violence. Il n'est pas raisonnable d'ignorer en amont les ressentiments d'une frange explosive de la population pour se contenter d'agir en aval. À aucun moment le Président n'a mentionné le plan Espoirs Banlieues de Fadela Amara, Secrétaire d'État à la Politique de la Ville, qui n'était d'ailleurs même pas du déplacement.

Le but était donc clairement de faire les gros yeux et de montrer les muscles élyséens pour prétendre endiguer un problème grave que les responsables de la sécurité de ce pays n'ont su ni prévenir ni contenir. Au passage, que ce soit en tant qu'omni-président ou Ministre de l'Intérieur, Nicolas Sarkozy a été en charge de la sécurité pendant 6 des 7 dernières années... Pendant tout ce temps aux commandes, quel effort a-t-il fourni pour simplement comprendre le quotidien de ces jeunes et ouvrir des pistes pour limiter en amont les risques d'embrigadement dans des bandes? Non seulement l'heure est au bilan plus qu'aux annonces, et on comprend que l'Élysée préfère éviter le sujet, mais le fil communicant est usé.

C'est systématique. Au moindre fait divers - pas forcément violent d'ailleurs - on réagit par ce qu'il convient d'appeler une hystérie sécuritaire, et uniquement comme cela. Un fou s'échappe et tue quelqu'un? Qu'on enferme tous les fous! Un anarchiste est soupçonné d'avoir endommagé une ligne SNCF et retardé un TGV? Qu'on l'enferme, sans preuve, pour acte terroriste. Quelqu'un insulte le Président? 3 mois ferme! Un collaborateur de l'Élysée touche le jackpot sur un conflit d'intérêts aussi flagrant qu'illégal? Qu'on le... Ah... oui... non, mais là c'est pas pareil.

Revenons au discours de Gagny... Tout le long de son allocution Nicolas Sarkozy parle des "bandes" des cités. Elles sont le nouvel ennemi porteur des pires violences, un ennemi sans visage, méconnu du grand public - modelable à souhait donc... - et effrayant ; le karcher a ciblé sa racaille. Pourtant, lorsqu'il annonce, dans la phrase citée ci-haut, des sanctions pénales, il ne parle pas de bande mais plus largement de "groupement". Il ne souhaite pas condamner seulement la violence mais le simple fait d'être membre en connaissance de cause d'un de ces "groupements" ayant pour but des atteintes contre les personnes et certains (pourquoi pas tous?) biens. Et qu'entend-il par "même de façon temporaire"?

Avec l'abaissement de la responsabilité pénale à 12 ans, la moitié des membres des bandes étant mineurs, c'est au bat mot 2 500 jeunes de 12 à 17 ans qui pourraient être condamnés à 3 ans de prison ferme pour avoir simplement fait partie d'une bande violente. Que l'adolescent, d'un âge influençable s'il en est, n'ait pas participé activement aux violences n'y changerait rien, que la bande en soit resté au stade intentionnel n'atténuerait pas la charge ; 3 ans ferme.

Si une telle loi existait avec effet rétroactif, José Bové serait passible d'une telle peine, Noël Mamère aussi, tout comme évidemment le groupe de Tarnac dans son ensemble. Mieux, si la rétroactivité couvrait les 50 dernières années, Patrick Devedjian et Hervé Novelli, deux membres du présent gouvernement, pourraient être condamnés à 3 ans de prison ferme pour avoir été membres du mouvement d'extrême droite Occident. J'attends avec impatience qu'un journaliste les interroge en ces termes sur leur appréciation d'une telle modification du code pénal: est-ce qu'ils jugent que leur simple appartenance à Occident - et ils étaient majeurs - méritait 3 ans de prison ferme?

Je m'étonne, et m'inquiète, de l'annonce d'une mesure pénale au champ d'application aussi vaste et flou sous prétexte du phénomène si spécifique que représentent les bandes des cités. Peut-être que l'on veut à tout prix éviter un vide juridique, mais cela ressemble à s'y méprendre à une législation de type anti-terroriste... on ratisse large et on hésite à peine à bafouer des principes élémentaires du droit comme la présomption d'innocence. De quoi tuer dans l'œuf les velléités révolutionnaires qui parfois germent en période de crise sociale, par exemple.

La date du discours, la veille d'un mouvement social d'ampleur, n'est d'ailleurs certainement pas fortuite. C'est à se demander si, alors que convergent les revendications de millions de français vis à vis de l'État, l'Élysée n'espère pas que la violence explose quelque part pour relancer sa stratégie de division et d'opposition des français les uns contre les autres.


Aurélien

8 commentaires:

Anonyme a dit…

Comme c'est le cas depuis plusieurs décennies, la seule réponse et les seules actions que les gouvernements successifs ont à opposer à ce genre de violence, c'est la réprimande, voire la répression. Le manque de discours d'ouverture, l'absence de compréhension et d'analyse est symptomatique d'une société qui ne veut ni ne peut intervenir à la source. Car ces sources sont complexes et changeantes et semblent décidément poser un trop gros mal de tête aux politiciens. Il est plus facile de sévir que de prévenir. C'est triste et c'est vrai partout, hélas.

Anonyme a dit…

Imaginons... Une manifestation d'agriculteurs bretons qui déverse volontairement du lisier devant la Préfecture. C'est un groupement qui porte atteinte aux biens ? 3 ans fermes pour tous les adhérents de la FNSEA à travers la France !

Le MoDem, c'est pas ces voyous qui veulent porter atteinte aux biens de M. Tapie ? 3 ans fermes !

Je vous invite à relire Soljenytsine et sa description de "l'article 58", qui permettait d'envoyer n'importe qui au goulag sous n'importe quel prétexte.

Anonyme a dit…

Je ne suis pas d'accord avec toi, Aurélien. Je te concède la nécessité de bien légiférer afin que cette loi ne devienne pas liberticide, mais pour le reste, les excuses sociologiques, le légitime ressentiment, et cetera, laisse donc cela à la gauche qui a bien pourri la situation au fil du temps en caressant la délinquance dans le sens du poil.

Aurélien a dit…
Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.
Aurélien a dit…

Ce ne sont pas des "excuses" sociologiques, l'Hérétique. La violence n'est pas excusable, mais elle s'explique.
Chaque problème à une ou plusieurs causes qui lui sont propres. Si le phénomène de bandes se retrouve dans toutes les cités de France (ou presque) c'est qu'il y a sans doute quelque chose dans la nature même de ses quartiers (leur agencement, la conception des logements, le fort taux de chômage, l'échec scolaire, etc...) qui rend ce phénomène possible, voire systématique.
Comment pouvez-vous espérer améliorer quoi que ce soit en ne vous intéressant pas aux sources du problème? Ou pire, en les laissant aux mains de vos adversaires politiques que vous jugez incompétents sur la question?

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rosy123 a dit…


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