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En 1973 Edgar Morin publiait, en collaboration avec deux de ses collègues du CNRS Bernard Paillard et Nicole Benoît, un ouvrage intitulé La Femme Majeure: nouvelle féminité, nouveau féminisme. À l'époque, dans une renaissance du féminisme, les luttes pour l'émancipation des femmes dans notre société étaient en marche. Pour repère, la dépénalisation de l'avortement et l'encadrement de l'IVG, par exemple, ne se firent qu'en 1975.
Invité de l'émission Italiques, sur l'ORTF, diffusée le 15 juin 1973, Edgar Morin expliquait simplement et justement le rôle moteur essentiel des femmes dans l'évolution de la société.
Il faut partir d'abord partir d'une condition de la femme paysanne, accablée de labeur, et qui a aspirée à être la femme au foyer. C'était gagner une autonomie. Et puis dès qu'on est arrivé au stade de la femme au foyer, celle-ci s'est vue enfermée, confinée, hors du monde. Elle a aspiré à travailler, et pour elle travailler c'était sortir d'une sorte de prison du foyer.
Mais dès qu'elle travaille, effectivement, non seulement elle a des contacts qui vont l'intéresser dans le monde, mais elle va subir les contraintes du travail masculin, et je dirai même pire, parce que le temps chronométrique, déjà très dur pour l'homme, est encore plus brutal pour la femme qui a des cycles biologiques beaucoup plus amples et riches que l'homme à commencer par le cycle menstruel et puis les grands cycles quand elle est enceinte.
Alors, moi je trouve que la femme est engagée dans un cheminement où chaque fois elle trouve une solution qu'elle est amenée à vouloir dépasser, et c'est ça qui est très fécond aujourd'hui dans ce phénomène. Je crois que les femmes étant en marche, à travers des expériences diverses, qui apportent quelque chose et puis qui se révèlent décevantes, cette mise en marche oblige la société à bouger. C'est ça du point du vu social qui est important.
La vidéo de cette intervention est disponible ici.
Je pense que, certaines sphères - directions d'entreprises, responsabilités politiques, ... -restant encore aujourd'hui fermées ou difficilement accessibles aux femmes, en France et encore plus dans les sociétés où la condition féminine n'est pas aussi avancée, cette explication garde sa pertinence aujourd'hui.
Aurélien
Invité de l'émission Italiques, sur l'ORTF, diffusée le 15 juin 1973, Edgar Morin expliquait simplement et justement le rôle moteur essentiel des femmes dans l'évolution de la société.
Il faut partir d'abord partir d'une condition de la femme paysanne, accablée de labeur, et qui a aspirée à être la femme au foyer. C'était gagner une autonomie. Et puis dès qu'on est arrivé au stade de la femme au foyer, celle-ci s'est vue enfermée, confinée, hors du monde. Elle a aspiré à travailler, et pour elle travailler c'était sortir d'une sorte de prison du foyer.
Mais dès qu'elle travaille, effectivement, non seulement elle a des contacts qui vont l'intéresser dans le monde, mais elle va subir les contraintes du travail masculin, et je dirai même pire, parce que le temps chronométrique, déjà très dur pour l'homme, est encore plus brutal pour la femme qui a des cycles biologiques beaucoup plus amples et riches que l'homme à commencer par le cycle menstruel et puis les grands cycles quand elle est enceinte.
Alors, moi je trouve que la femme est engagée dans un cheminement où chaque fois elle trouve une solution qu'elle est amenée à vouloir dépasser, et c'est ça qui est très fécond aujourd'hui dans ce phénomène. Je crois que les femmes étant en marche, à travers des expériences diverses, qui apportent quelque chose et puis qui se révèlent décevantes, cette mise en marche oblige la société à bouger. C'est ça du point du vu social qui est important.
La vidéo de cette intervention est disponible ici.
Je pense que, certaines sphères - directions d'entreprises, responsabilités politiques, ... -restant encore aujourd'hui fermées ou difficilement accessibles aux femmes, en France et encore plus dans les sociétés où la condition féminine n'est pas aussi avancée, cette explication garde sa pertinence aujourd'hui.
Aurélien
10 commentaires:
En matière d'égalité homme-femme, dans les entreprises ou dans le monde politique, la France traîne au 21ème rang des 27 pays de l'union européenne (12% de femmes à l'Assemblée nationale, moins de 10% dans les CA des entreprises).
Il y a donc 20 pays européens où la situation des femmes est bien plus favorable qu'en France. Des pays comme la Suède ont été jusqu'à imposer un congé parental aux pères des nouveaux nés (comme quoi, les hommes peuvent avoir leurs petits et leurs grands cycles aussi ;-) Et les résultats sont spectaculaires du point de vue de l'égalité homme femme dans le monde du travail.
Alors, qu'attend-on pour passer à l'acte ? J'ai l'impression qu'il y a en France un tempérament plus méditerranéen, latin disons, qui rendrait inconcevable ce genre de mesure draconiennes qui ont pourtant prouvé leur efficacité.
Bien vrai que le travail n'est pas forcément une libération pour la femme...
@ Pierre : qu'appelle-t-on égalité homme-femme ? L'homme et la femme sont différents. Je préfèrerais un respect des différences...
Après réflexion, ces 2 termes employés par Morin, féminité et féminisme sont tous deux réducteurs. D'ailleurs, si on emploie virilité, on n'a pas trouvé le besoin d'un virilisme (même si notre époque, par les négations et les déséquilibres qu'elle impose, pourrait bien mener à la revendication d'une forme de masculinisme)
Moi je préfère humanisme, où j'en reviens au respect des différences.
@ Christine : Oui au respect des différences. Les hommes ne sont pas tous semblables. Les femmes ne sont pas toutes semblables. Mais je ne pense pas qu'il y ait de différences a priori entre un homme et une femme, dans les domaines qui nous intéressent ici à savoir le monde de l'entreprise et le monde politique.
@Pierre:
Les différences existent aussi bien entre les êtres, ici ne serait-ce que sur le plan biologique, souvent sous-estimé dans les organisations humaines, qu'entre les conséquences que des individus de sexe opposé subiront dans telle ou telle organisation.
Par exemple le monde de l'entreprise, comme celui de la politique, s'est organisé par les hommes, pour les hommes, autour des hommes. Sur un modèle masculiniste, pour reprendre Christine.
Aujourd'hui que de nouveaux acteurs veulent y agir (les femmes mais aussi les minorités), il ne suffit pas de leur en facilité l'accès, il faut repenser l'organisation sur le plan humaniste, et même, pour aller plus loin, écologique.
@ Aurélien :
J'aimerais bien connaître les aspects biologiques qui fonderaient entre des différences a priori entre un homme et une femme dans le monde du travail et de l'entreprise ;-) La maternité, ok. C'est la raison pour laquelle j'ai proposé, il y a peu, de rendre une partie du congé parental obligatoire pour les pères, pour une durée équivalente à celle du congé de maternité. Mais à par la maternité, où sont ces différences biologiques a priori ?
Les discriminations sexistes dans le monde de l'entreprise et politique ne sont en réalité que le miroir des spécialisations sexistes à l'intérieur des couples. C'est par là qu'on réglera les problèmes, à la source.
@Pierre:
Simplement, si l'on veut aborder la complexité anthropologique et sociale il faut considérer toutes les dimensions, y compris la biologique.
Le but ne doit pas être d'inventer ou d'exagérer des différences pour discriminer, mais pour organiser, aménager au mieux le temps, l'espace et le relationnel à l'humain.
Dans cet esprit, et dans la dimension biologique, il serait réducteur selon moi d'occulter les différences biologiques entre hommes et femmes (maternité, cycles menstruels, hormones, etc...). De même pour les différences générationnelles.
Correction: il ne faut pas lire "pour organiser" mais "d'organiser".
C'est bien le fait que les femmes enfantent qui fait la différence essentielle entre hommes et femmes mais il en découle de nombreuses conséquences individuelles et collectives : biologiques, anthropologiques, psychologiques, sociales, juridiques, politiques...
Quant au fait d'imposer une partie du congé parental aux hommes, cela ne soulagera pas la femme de la fatigue physique inhérente à la grossesse, et cela ne permettra pas aux hommes d'allaiter leur bébé... Il arrive que vouloir nier une différence se retourne contre celui ou celle qui pensait pouvoir bénéficier de l'égalité. L'égalité n'existe pas. D'où selon moi l'importance de respecter de l'autre, dans ses différences...
C'est toute l'ambiguïté du propos d'Edgar Morin finalement.
Bien sûr, personne ne nie qu'il y ait, du point de vue anthropologique, bon nombre de structures sociales qui ont été façonnées par ce qu'il y a de plus spécifique chez les femmes au plan biologique : la maternité. Si la guerre a toujours été historiquement une affaire d'hommes (jusqu'à une époque récente) c'est parce que les affaires de la guerre s'accommodaient assez mal de la survenue d'une grossesse. Et les femmes qui s'en sont mêlées étaient assez particulière disons, de ce point de vue (ex. la Pucelle d'Orléans ou le Chevalier d'Eon).
Mais depuis la contraception, toutes ces choses ont changé. Voilà pourquoi il me semble curieux d'invoquer ce distinguo ancestral pour, d'une certaine façon, justifier les différences d'aujourd'hui qui ressemblent plus souvent à des discriminations.
Mon propos était simplement de souligner que dans le monde de l'entreprise et de la politique, je ne vois rien qui pourrait justifier des discriminations qui soient encore fondées aujourd'hui sur l'ordre biologique.
J'explique justement qu'il ne faut plus confondre le congé de maternité et le congé parental. Chez l'homme, la gestation dure 9 mois et pas 3 ans :-) Alors rien n'oblige à perpétuer ce déséquilibre criant entre les hommes et les femmes face au congé parental. Car c'est la source de nombreuse discrimination dans le monde professionnel et politique.
En ce concerne l'allaitement, rassurez vous Christine, je rattachais bien ça à la Maternité :-)
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