mardi 17 mars 2009

Ce que penseraient les immortels

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Nouveau billet, nouvelle chaîne... Après ce billet j'aurai comblé mon retard accumulé ce week-end. C'est Nelly, cette fois, qui me jette dans l'eau bouillante d'une chaîne exigeante: il s'agit de choisir de quatre à six écrivains français, ou alors, pour ceux qui préfèrent la littérature étrangère, des écrivains étrangers, et d'imaginer quel serait leur positionnement politique aujourd'hui"... et ce n'est pas tout, il faut considérer leurs "convictions profondes", et surtout choisir des auteurs qui ne doivent pas avoir vécu à une époque postérieure au XIXème siécle...


Embarqué dans une véritable machine à faire des allers-retours dans le temps, c'est à la fois enthousiasmé par le principe et impressionné par le défi que je me suis prêté à cet exercice pour quatre auteurs. Conscient aussi d'un danger: la facilité à croire que les gens que l'on admire pensent comme nous... ou que nous pensons comme eux.


François Rabelais:

Rabelais s'est peu impliqué en politique, mais c'est son humanisme enthousiaste, évidemment exposé dans Pantagruel et d'avantage encore dans Gargantua, qui m'a incité à le choisir. Un humanisme rénovateur de la philosophie et de la morale. Derrière la comédie se cache une utopie humaine, une soif intellectuelle particulièrement créatrice tendant à rapprocher savoir et culture populaire, païens et chrétiens aussi. Il était aussi très attaché à ses terres d'origine, du côté de Chinon, et à la France, on pourrait le qualifier de patriote. Autant d'éléments qui me laissent penser qu'il apprécierait François Bayrou aujourd'hui. Au point de s'encarter au MoDem? Peut-être pas. Rabelais tenait à sa liberté de parole comme à la prunelle de ses yeux, et même si cette liberté reste grande au MoDem, je pense qu'elle aurait été déjà trop restreinte pour lui.

Pierre Corneille:

J'ai choisi Corneille parce que j'aime le théâtre et la politique. Dans Le Cid ou Horace, entre autres, il est peut-être un des premiers metteurs en scène français de la dimension politique, rappelant que les hommes politiques ne sont pas au-dessus des lois. Son œuvre reste pourtant ambigüe - il aimait à jouer sur les nombreuses contradictions de la politique - quant à ses véritables convictions politiques. On pourrait toutefois considérer sa rupture avec la politique de Richelieu, ainsi que son attachement à l'héroïsme, l'intégrité et la culture pour dire qu'il aurait certainement été un fervent admirateur de De Gaulle. J'imagine qu'il serait aujourd'hui proche des gaullistes agacés par le pouvoir actuel.


Denis Diderot:

Voilà un cas beaucoup plus simple à mes yeux. Avant tout, son roman avant-gardiste Jacques le fataliste prouve qu'il estimait et faisait appel à l'intelligence de ses lecteurs. Ensuite, même s'il s'est peu impliqué en politique, deux idées principales sont ressorties de ses écrits, surtout à la fin de sa vie. Le rejet du despotisme, d'abord, et l'importance de l'enseignement non religieux, précision importante, pour la sérénité du développement social. Pour cela, Diderot serait certainement en phase avec un François Bayrou défenseur de la séparation des pouvoirs et de la laïcité, et probablement proche du Mouvement Démocrate.

Au passage, il s'est aussi investi pour les droits d'auteurs... que dirait-il d'Hadopi aujourd'hui?


Jules Verne:

Je triche un peu puisqu'il est mort en 1905, et a donc vécu au XXe siècle, mais je tenais à l'inclure dans ce billet. C'est le père de la science-fiction, de l'anticipation, un genre que j'apprécie particulièrement. Suis-je tombé dans le piège cité plus haut qui consiste à rapprocher à soi les auteurs que l'on admire? Peut-être... En tout cas je vois un point majeur qui rapprocherait Jules Verne du Mouvement Démocrate d'aujourd'hui, c’est sa volonté de résoudre en l'instant les antagonismes idéologiques de son époque, au point de rejoindre une liste municipale républicaine (gauche modérée) face aux conservateurs tout en revendiquant ses propres convictions conservatrices. C'était sa manière d'indiquer qu'il était temps de replacer le citoyen au cœur de la politique et de passer outre les clivages stériles. Redoutant les meneurs d'hommes ambitieux, il recherchait la raison, l'équilibre, un respect de la vie et de l'humain.


Ouf... Je n'ai plus qu'à passer le relais à d'autres. Bonne chance à: Florent, au Crapaud, au kiwi le Chafouin et Alcibiade.


Aurélien

8 commentaires:

Anonyme a dit…

vraiment très intéressant!

Anonyme a dit…

Je ne peux que plussoyer vivement Nelly... et d'ailleurs ça me donne envie de mieux connaître Julles Verne, dont je n'ai lu que les romans, sans avoir idée de son engagement politique.

Merci d'avoir pensé à moi mais je serais hélas bien incapable de répondre à une telle chaîne, j'ai lu peu de "classiques" et surtout pas au point de connaître (ni a fortiori maîtriser) l'étendue de la pensée et le positionnement politique d'un auteur... qu'il s'agisse de celui de son vivant ou de celui qu'il pourrait avoir aujourd'hui.

Je me demande d'ailleurs comment vous faites tous dans cette chaîne, même si les cours de littérature m'ennuyaient profondément je pense avoir travaillé sérieusement y compris dans cette matière et cela ne m'a absolument pas donné les moyens de déduire tout ça... (c'est peut-être un problème de cet enseignement, on étudie un livre de ci de là, sans aucune vision générale de l'oeuvre de l'auteur, de son courant de pensée ou de son époque...) Soit les blogueurs qui ont répondu ont fait des études littéraires et/ou historiques, soit ils ont englouti des tonnes de "classiques" pendant leurs vacances d'alors...?!

Anonyme a dit…

@ Aurélien
Dis donc, t'es drôlement partisan, toi ! Corneille ne serait sans doute pas gaulliste, mais très vraisemblablement du côté du pouvoir. Rappelle-toi son Horace : c'est une authentique ode à la Raison d'État toute puissante. Cela dit, il est vrai qu'il s'est éloigné au fil du temps de Richelieu...mais pour se rapprocher de Mazarin dont il fut un protégé. Il aurait sans doute été proche d'un Villepin, et des Gaullistes en général, mais bien plus pour leur conception du pouvoir que pour les raisons que tu invoques. Et je pense qu'il se serait satisfait du pouvoir sarkozyste.

Diderot, je ne sais pas trop. Ce serait plutôt une sorte de radical en version IIIème république. Je ne sais pas trop ce qu'il serait aujourd'hui. Peut-être au PR, peut-être au MRG, peut-être proche de Bayrou, en effet...

Aurélien a dit…

Merci à vous deux.

Florent, j'ai simplement choisi des auteurs que j'apprécie. Verne est un de mes préférés et j'avais étudié sa bio il y a longtemps. Diderot, je l'ai étudié récemment par l'intermédiaire de l'adaptation théâtrale de Jacques le fataliste de Kundera, c'était frais dans ma mémoire. Pour Rabelais et Corneille, j'ai du bosser un peu plus pour me la rafraîchir et aller chercher des infos sur le net.
Ce n'est pas une chaîne facile mais je l'ai trouvée très intéressante. Entre autres elle pose indirectement la question inverse, quel aurait été notre position ou notre engagement politique à leur époque?

Aurélien a dit…

@L'Hérétique:

Horace est une ode à la toute puissance étatique, mais c'est aussi, comme dans plusieurs de ses œuvres, une humanisation de l'homme au pouvoir. J'insiste sur l'attachement de Corneille à l'héroïsme, l'intégrité et la culture. Il n'aimerait pas ce gouvernement de parvenus et la dérive people. Peut-être rejoindrait-il un Dupont-Aignan, même si effectivement risquer de perdre la bienveillance des puissants lui ferait un peu peur.
Je crois que nos avis divergent plus (même si c'est finalement peu) sur le positionnement actuel des gaullistes, et leur agacement ou confort du côté du pouvoir actuel, que sur celui éventuel de Corneille :).

Pour Diderot, je pense qu'aujourd'hui, pour les deux raisons que j'ai invoquées, dans la concentration des pouvoirs exercée depuis l'Élysée, il ne pourrait être ailleurs que proche de Bayrou. En temps plus sereins il serait sans doute un peu plus à gauche, en effet.

Anonyme a dit…

Cher Aurélien,

Nous répondrons volontiers à votre tag dans les jours qui viennent! Classer Corneille c'est cornélien... mais nous, nous le positionnerions plutôt comme un Goulard, un Mariton aujourd'hui! Pas un Dupont-Aignan (trop exclu du pouvoir pour un Corneille)

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