Dans l’œuvre principale de sa bibliographie,
En tant qu’adhérent au Modem, parti politique naissant, à peine structuré et très diversifié, j’ai pu constater à quel point la pensée complexe proposée par Edgar Morin pourrait être appliquée au Mouvement Démocrate au travers de quatre notions essentielles.
- Le système
N'est-ce pas l'un des plus grands mystères de l'univers que la réunion d'éléments dispersés, comme le fut, par exemple, la réunion des macromolécules, s'assemblant, aient pu donner le premier être vivant ? Que de ce nouveau type d'organisation aient émergé des qualités nouvelles comme les qualités de connaissance, de mémoire, de mouvement, d'autoreproduction ?
On peut dire que la notion de système, ou encore d'organisation, terme que je préfère, permet de connecter et de relier les parties à un tout et de nous désemprisonner de connaissances fragmentaires. »
En l’état actuel des choses, le Modem reste un regroupement de diverses sensibilités qui ne savent pas encore comment se comprendre. Entre les anciens de l’U.D.F., les anciens du P.S., les anciens de Cap 21, les anciens Verts et les nouveaux adhérents politiquement néophytes, la mayonnaise tarde à prendre et chaque « section » semble encore prisonnière de son idéologie « fragmentaire. »
Il sera crucial de parvenir à bâtir un rassemblement de toutes ses sensibilités qui sera plus que leur somme. Je n'ai aucun mal à croire que quand une Corinne Lepage croise un Jean Peyrelevade de nouvelles idées aussi originales que porteuses, propres au Modem, peuvent naître.
- La causalité circulaire
La notion de boucle est d'autant plus intéressante et féconde qu'elle ne s'en tient pas à l'idée d'une boucle régulatrice, annulant les déviances et permettant de maintenir l'homéostasie d'un système ou d'un organisme ; la notion la plus forte est celle de boucle auto-génératrice ou récursive, c'est-à-dire où les effets et les produits deviennent nécessaires à la production et à la cause de ce qui les cause et de ce qui les produit. Exemple évident de ce type de boucle, nous-mêmes, qui sommes les produits d'un cycle de reproduction biologique dont nous devenons, pour que le cycle continue, les producteurs. Nous sommes des produits producteurs. Ainsi, la société est le produit des interactions entre individus, mais au niveau global, justement, émergent des qualités nouvelles qui, rétroagissant sur les individus - le langage, la culture - leur permet de s'accomplir comme individus. Les individus produisent la société qui produit les individus.
On peut en tirer de suite deux conséquences importantes. L'une, en quelque sorte logique, c'est que nous avons affaire à un produit producteur, ce qui, évidemment, est incompatible avec la logique classique. L'autre, c'est que nous voyons apparaître la notion d'autoproduction et d'auto-organisation. Je dirais plus : dans cette notion d'autoproduction et d'auto-organisation - une notion clé pour beaucoup de réalités physiques et surtout pour les réalités vivantes - non seulement nous pouvons fonder de façon encore plus forte l'idée d'autonomie, mais, plus encore, nous pouvons comprendre le processus ininterrompu qui est celui de la réorganisation ou de la régénération.»
Je vois ici deux enseignements essentiels pour le Modem.
Premier point : il est essentiel que toutes les différentes « anciennes » sensibilités nourrissent la « nouvelle » sensibilité, qui sera celle du Modem dans son ensemble, qui a son tour nourrira la diversité dans une boucle continuelle visant la cohérence et la stabilité du système. L’organisation interne du Modem doit veiller à entretenir cette boucle. En ce sens je suis plutôt opposé à l’idée de François Bayrou de « fusionner » tous les courants composant actuellement le Modem.
Deuxième point : on voit aujourd’hui un grand parti politique, le P.S. pour ne pas le nommer, au bord de l’implosion faute d’organisation et de régénération. Du côté de l’U.M.P., ce n’est guerre mieux, la désorganisation et la stagnation idéologique n’étant masquées que par le symbole envahissant qu’est devenu Nicolas Sarkozy. Pour tenir la distance, le Modem doit impérativement assurer sa régénération continuelle, aussi bien en hommes et femmes qu’en idées. Cette régénération doit pouvoir se faire aussi bien par des mouvements internes que pas l’intégration de nouveaux venus.
- La dialogique
Relier les antagonismes et mettre en relief leurs complémentarités. Ce principe est essentiel chez Edgar Morin et le Modem se doit de l’appliquer. Le paysage politique français se meut progressivement en un champ de bataille où s’opposent de plus en plus violemment et frontalement des groupes de citoyens: patrons et salariés, services publique et privé, socialistes et libéraux, souverainistes et fédéralistes, etc… Or dans chacun des cas la tendance est de s’en tenir aux antagonismes quand il y a aussi, de manière toute aussi essentielle, complémentarité.
C’est en ce sens qu’un discours rassembleur et apaisant doit être tenu par le Modem. Ce fut déjà le cas lors de la campagne présidentielle, au point d’être selon moi une clé du très bon score de François Bayrou au premier tour. Il faut aller plus loin, en interne comme en externe, pour redonner conscience aux parties qu’elles doivent, et sont même faites pour, s’entendre pour faire fonctionner le tout.
Dans le rassemblement, il ne faut voir l’idée d’effacement, les antagonismes doivent subsister.
- Le principe hologrammatique:
En ramenant ce principe au niveau d’un parti politique, on comprend qu’il est essentiel que chaque membre porte en lui les valeurs, les idées, l’histoire du mouvement. C’est un engagement important que d’avoir adhérer au Modem, et aujourd’hui de militer. Pour valoriser et optimiser cet engagement, il conviendra, chacun à sa mesure, d’assurer que l’on reste en phase, à jour et en harmonie avec le mouvement.
Aurélien
2 commentaires:
Ce qui gardera Morin d'être l'idéologue du parti, c'est son patronyme. On n'a pas le droit de s'appeler Morin au MoDem ;-)
Joli développement sur la pensée d'Edgar Morin, plus fine que je ne l'envisageais.
Pas une seconde je n'avais fait le rapprochement avec l'autre Morin, le petit. :)
Loin de moi l'idée de faire d'Edgar Morin, malgré lui, l'idéologue du Modem. Sa pensée complexe est applicable à n'importe quelle organisation et ce quelle que soit l'échelle, de l'individu à l'humanité dans son ensemble.
La particularité du Modem, est qu'il est le premier parti politique, non seulement par sa jeunesse et sa diversité mais aussi par les discours de Bayrou qui portent de manière intrinsèque ces idées de reliance et de pensée transdisciplinaire, effectivement capable d'appliquer la pensée complexe sans remise en cause totale puisque tout est à construire.
C'est une chance énorme. Je crains que trop peu, parmi ceux qui s'impliquent dans la définition du projet du Modem, en soient conscients.
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