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Depuis quelques années, en France, le débat sur la discrimination positive et le besoin de voir la diversité du peuple représentée fidèlement en politique se poursuit. Il est clair que les deux assemblées, pour ne citer qu'elles, sont très loin du compte. Toutefois je suis convaincu qu'il n'est pas souhaitable d'effectuer un rééquilibre précipité qui consisterait à promouvoir la diversité au détriment des compétences et de l'expérience.
Un exemple récent de cette éventuelle dérive touche directement le Mouvement Démocrate. Azouz Begag, ancien ministre du gouvernement Villepin puis candidat MoDem aux législatives à Lyon, annonce sa candidature à figurer en tête de liste aux prochaines élections européennes, pour la région Sud-Est.
Si je ne remets pas en cause son droit à se porter candidat, ni ne doute de la compatibilité de ses idées avec celles qui s'organisent actuellement au MoDem, deux éléments me poussent à la réserve sur cette candidature.
D'abord, Azouz Begag a déjà été candidat à beaucoup de candidatures... aux législatives de 1997 en tant que "divers gauche", parce que le RPR lui avait préféré un élu local malgré l'aval de Matignon, il se retira avant le scrutin, comme aux dernières municipales lyonnaises. Aux européennes de 1999 il était intéressé à figurer sur la liste du Parti Communiste, mais refusa faute d'y figurer en position éligible. Il aurait songé à se lancer aux municipales de 2001, mais finalement y renonça. Bref, jusqu'ici malgré de nombreuses prises d'élan son seul saut dans l'arène électorale jusqu'au scrutin fut celui des législatives de 2007.
Si je loue l'engagement politique, je suis sceptique devant autant de candidatures pour des postes totalement différents les uns des autres. Maire, député national et député européen sont trois fonctions tout à fait distinctes ; trois "terrains de jeu" bien séparés. Pour quelqu'un qui s'est toujours présenté comme relativement déstabilisé par les codes établis dans le monde politique, notamment lorsqu'il fut propulsé sans aucune expérience à la tête d'un ministère, il y a là un étrange et récurrent acharnement à se mettre en déséquilibre. J'y vois, peut-être à tort mais c'est bel et bien l'impression qu'Azouz Begag me laisse, un manque de lucidité, pour ne pas dire de sérieux.
Deuxième élément, et principale source de mon scepticisme: la raison qu'il invoque pour légitimer sa candidature à conduire une liste MoDem aux européennes. Pour lui c'est simple, il s'agit de diversité. Extrait d'un article de Libération:
"Les politiques français ne peuvent plus faire comme si rien ne s'était passé. Avec l'arrivée d'Obama, tout a changé. C'est pour cela que ma candidature tombe à pic". Azouz Begag dit avoir fait part de cette candidature à François Bayrou qui, selon lui, l'aurait pris comme un "cadeau". "Il faut que le MoDem joue cette carte. C'est l'hypothèse gagnante". Il assure qu'il peut faire "mieux" que Jean-Luc Benhamias, actuel député européen, et pressenti, tout comme l'ancien député de Saint-Etienne Gilles Artigues pour mener cette liste MoDem. Une bataille interne rangée qui ne semble guère effrayer le nouveau candidat à la candidature. Comme à son habitude, Azouz Begag rue dans les brancards de son parti sur fond d'une Obamania totalement assumée. Quitte à résumer sa candidature à la posture de la diversité. " Rachida Dati est candidate UMP à Paris, je dois être le candidat MoDem pour le Sud-Est."
Déjà, Gilles Artigues et Jean-Luc Benhamias ne sont pas n'importe qui au sein du Mouvement Démocrate. Les deux ont une longue expérience politique. Ils ont été élus, à eux deux, à toutes les fonctions auxquelles Azouz Begag à postulé - ou envisagé de postuler - et occupent des fonctions importantes dans le parti. Ils connaissent parfaitement tous les codes que lui perçoit plus souvent, selon ses propres termes, comme une cage. C'est notamment le cas pour Jean-Luc Benhamias au niveau européen qui nous intéresse dans cette élection. L'ancien ministre de l'Égalité des Chances affiche donc un culot certain en assurant pouvoir faire mieux que l'un ou l'autre.
Ensuite son argument unique, qu'il pense sans doute "massue", de la diversité est tout bonnement irrecevable à mes yeux. Qu'on écarte quelqu'un malgré ses compétences à cause de son appartenance à une minorité est honteux. Mais que l'on impose quelqu'un à un tel niveau de la vie politique sur sa seule appartenance à une minorité l'est tout autant. Même si son élection a changé beaucoup de choses, et contrairement à ce que semble penser Azouz Begag, Barack Obama n'a pas été élu parce qu'il était noir mais justement parce qu'il a su dépasser cette question. Il est totalement absurde de penser que toute personne issue d'une minorité ait automatiquement acquis une quelconque légitimité politique suite aux dernières présidentielles américaines. Idem pour la diversité "faire valoir" actuelle au gouvernement.
Si Azouz Begag veut prendre exemple sur Rachida Dati, je lui recommande vivement d'écouter le discours de Nicolas Sarkozy en clôture du conseil national de l'UMP. Dans une digression sensée vanter le tandem qui mènera la liste UMP en Île-de-France, Nicolas Sarkozy s'étend d'abord sur le cas de Michel Barnier, auquel il prête toutes les qualités du monde, et le présente comme celui qui aura longtemps assuré à lui seul la crédibilité de toute la droite française sur le plan européen... avant de dire qu'il formera avec Rachida Dati un binôme tout à fait complémentaire. La future ex-Garde des Sceaux appréciera. Si c'est par ce genre d'exploitation opportuniste de l'actualité qu'Azouz Begag veut défendre une cause aussi importante que la diversité en politique, c'est qu'il n'a pas intégré les valeurs fondamentales du Mouvement Démocrate. Souhaitons que sa profession de foi soit un peu plus étoffée et centrée sur la nature de l'élection.
Là où elle n'est pas suffisante, la diversité doit être un objectif. En ce sens, pour celui qui veut représenter tous ceux qui ne le sont pas encore, l'appartenance à une minorité est une condition nécessaire mais elle ne peut en aucun cas s'avérer suffisante.
Aurélien
Un exemple récent de cette éventuelle dérive touche directement le Mouvement Démocrate. Azouz Begag, ancien ministre du gouvernement Villepin puis candidat MoDem aux législatives à Lyon, annonce sa candidature à figurer en tête de liste aux prochaines élections européennes, pour la région Sud-Est.
Si je ne remets pas en cause son droit à se porter candidat, ni ne doute de la compatibilité de ses idées avec celles qui s'organisent actuellement au MoDem, deux éléments me poussent à la réserve sur cette candidature.
D'abord, Azouz Begag a déjà été candidat à beaucoup de candidatures... aux législatives de 1997 en tant que "divers gauche", parce que le RPR lui avait préféré un élu local malgré l'aval de Matignon, il se retira avant le scrutin, comme aux dernières municipales lyonnaises. Aux européennes de 1999 il était intéressé à figurer sur la liste du Parti Communiste, mais refusa faute d'y figurer en position éligible. Il aurait songé à se lancer aux municipales de 2001, mais finalement y renonça. Bref, jusqu'ici malgré de nombreuses prises d'élan son seul saut dans l'arène électorale jusqu'au scrutin fut celui des législatives de 2007.
Si je loue l'engagement politique, je suis sceptique devant autant de candidatures pour des postes totalement différents les uns des autres. Maire, député national et député européen sont trois fonctions tout à fait distinctes ; trois "terrains de jeu" bien séparés. Pour quelqu'un qui s'est toujours présenté comme relativement déstabilisé par les codes établis dans le monde politique, notamment lorsqu'il fut propulsé sans aucune expérience à la tête d'un ministère, il y a là un étrange et récurrent acharnement à se mettre en déséquilibre. J'y vois, peut-être à tort mais c'est bel et bien l'impression qu'Azouz Begag me laisse, un manque de lucidité, pour ne pas dire de sérieux.
Deuxième élément, et principale source de mon scepticisme: la raison qu'il invoque pour légitimer sa candidature à conduire une liste MoDem aux européennes. Pour lui c'est simple, il s'agit de diversité. Extrait d'un article de Libération:
"Les politiques français ne peuvent plus faire comme si rien ne s'était passé. Avec l'arrivée d'Obama, tout a changé. C'est pour cela que ma candidature tombe à pic". Azouz Begag dit avoir fait part de cette candidature à François Bayrou qui, selon lui, l'aurait pris comme un "cadeau". "Il faut que le MoDem joue cette carte. C'est l'hypothèse gagnante". Il assure qu'il peut faire "mieux" que Jean-Luc Benhamias, actuel député européen, et pressenti, tout comme l'ancien député de Saint-Etienne Gilles Artigues pour mener cette liste MoDem. Une bataille interne rangée qui ne semble guère effrayer le nouveau candidat à la candidature. Comme à son habitude, Azouz Begag rue dans les brancards de son parti sur fond d'une Obamania totalement assumée. Quitte à résumer sa candidature à la posture de la diversité. " Rachida Dati est candidate UMP à Paris, je dois être le candidat MoDem pour le Sud-Est."
Déjà, Gilles Artigues et Jean-Luc Benhamias ne sont pas n'importe qui au sein du Mouvement Démocrate. Les deux ont une longue expérience politique. Ils ont été élus, à eux deux, à toutes les fonctions auxquelles Azouz Begag à postulé - ou envisagé de postuler - et occupent des fonctions importantes dans le parti. Ils connaissent parfaitement tous les codes que lui perçoit plus souvent, selon ses propres termes, comme une cage. C'est notamment le cas pour Jean-Luc Benhamias au niveau européen qui nous intéresse dans cette élection. L'ancien ministre de l'Égalité des Chances affiche donc un culot certain en assurant pouvoir faire mieux que l'un ou l'autre.
Ensuite son argument unique, qu'il pense sans doute "massue", de la diversité est tout bonnement irrecevable à mes yeux. Qu'on écarte quelqu'un malgré ses compétences à cause de son appartenance à une minorité est honteux. Mais que l'on impose quelqu'un à un tel niveau de la vie politique sur sa seule appartenance à une minorité l'est tout autant. Même si son élection a changé beaucoup de choses, et contrairement à ce que semble penser Azouz Begag, Barack Obama n'a pas été élu parce qu'il était noir mais justement parce qu'il a su dépasser cette question. Il est totalement absurde de penser que toute personne issue d'une minorité ait automatiquement acquis une quelconque légitimité politique suite aux dernières présidentielles américaines. Idem pour la diversité "faire valoir" actuelle au gouvernement.
Si Azouz Begag veut prendre exemple sur Rachida Dati, je lui recommande vivement d'écouter le discours de Nicolas Sarkozy en clôture du conseil national de l'UMP. Dans une digression sensée vanter le tandem qui mènera la liste UMP en Île-de-France, Nicolas Sarkozy s'étend d'abord sur le cas de Michel Barnier, auquel il prête toutes les qualités du monde, et le présente comme celui qui aura longtemps assuré à lui seul la crédibilité de toute la droite française sur le plan européen... avant de dire qu'il formera avec Rachida Dati un binôme tout à fait complémentaire. La future ex-Garde des Sceaux appréciera. Si c'est par ce genre d'exploitation opportuniste de l'actualité qu'Azouz Begag veut défendre une cause aussi importante que la diversité en politique, c'est qu'il n'a pas intégré les valeurs fondamentales du Mouvement Démocrate. Souhaitons que sa profession de foi soit un peu plus étoffée et centrée sur la nature de l'élection.
Là où elle n'est pas suffisante, la diversité doit être un objectif. En ce sens, pour celui qui veut représenter tous ceux qui ne le sont pas encore, l'appartenance à une minorité est une condition nécessaire mais elle ne peut en aucun cas s'avérer suffisante.
Aurélien
2 commentaires:
"C'est pour cela que ma candidature tombe à pic".
L'opportuniste dans toute sa splendeur, en tous les cas il s'assume, c'est déja ça. Beaucoup dans la communautée maghrébine le surnomme "Azouz le gag", donc si bayrou, grand opportuniste devant l'éternel, cherche a rammser des voix dans la "diversité", faut lui dire tout de suite que c'est un bourrin, tout au plus un outsider.
Mais que de toute façon, la "communautée afro-maghrébine" est quand même beaucoup moins conne que le dicours officiel voudrait le faire croire.
Ils attendent surtout que ce soient les DRH dans les entreprises qui soit isuue de la diversité, cela leur permettrait peut être d'exploiter leurs diplômes et leurs qualifications avec une juste rémunération et de la reconnaissance.
Bayrou est sur de vielles recettes car comme l'ont dit d'autres avant moi, c'est un homme du passé, et ce n'est pâs avec ça que l'on construira l'avenir de notre pays.
Très bel article, je suis totalement d’accord avec toi.
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