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Pour Jean-François Copé, c'est inenvisageable. Et celui que beaucoup présentent comme le futur traître à droite - et donc présidentiable... - avance pour cela deux arguments de poids qu'un entretien accordé au Point nous permet d'admirer:
1 - Deux euros c'est trop: Même 2 euros. Si on lâche sur ce point, c'est fini. Après, on nous dira : pourquoi pas 10 euros, c'est-à-dire, x centimes par jour ? Et puis pourquoi pas 15 euros, soit 1,25 euro par mois ? C'est rien, 15 euros pour une belle télé publique...
Merci, Monsieur Copé, de penser à notre pouvoir d'achat. On aurait aimé vous entendre aussi opposé à une telle idée d'augmenter nos impôts quand Roselyne Bachelot, lançant la franchise médicale, se demandait ouvertement qui ne pouvait pas se permettre de payer 4 euros par mois. On ose espérer maintenant que la taxe sur les FAI ne sera pas répercutée sur nos factures. Et bien sûr on attend votre position toute aussi intransigeante sur l'extension de la redevance aux gens qui regardent la télévision sur leurs ordinateurs...
2 - Ce n'est pas ce qui a été prévu: Nous avons mis au point un dispositif complet et dynamique de financement de l'audiovisuel public précisément pour éviter d'augmenter la redevance audiovisuelle, l'impôt le plus impopulaire. Je ne vois pas ce qui pourrait justifier ce changement de pied de dernière minute pour complaire à tel ou tel sénateur centriste.
Quel sens du débat parlementaire et d'esprit constructif de la part du père du concept de coproduction législative. Céder aux demandes d'autres parlementaires, même issus d'un parti proche, ce n'est pas de l'ouverture d'esprit, c'est faire preuve de complaisance. On comprend mieux sa position sur la future limitation du droit d'amendement et son lobbying intense contre l'obstruction parlementaire.
À la fin de l'entretien on mesure d'ailleurs tout le respect que Jean-François Copé porte aux parlementaires centristes, pourtant assimilables et assimilés jusqu'ici à la majorité: Les sénateurs centristes nous prennent vraiment pour des bleus. On a déjà été très gentils d'endurer, pendant quatre semaines à l'Assemblée Nationale, les affres du député centriste Jean Dionis du Séjour. Et je me suis gardé de faire une seule remarque désagréable à son sujet...
Voyez sa souffrance, mesurez sa résilience, admirez son indulgence! Les affres de Jean Dionis du Séjour? Voici un extrait des interventions du 8 décembre dernier par ce député centriste, exemplaire de sérieux et courage lors des débats à l'Assemblée Nationale. Je sais que c'est un peu long mais j'en recommande vivement la lecture et la comparaison aux propos de Jean-François Copé:
En soi, la suppression de la publicité sur les chaînes de télévision publiques n’est pas une mauvaise idée ; les centristes l’ont même défendue. J’ai retrouvé, avec une certaine émotion, le programme de la campagne présidentielle de François Bayrou en 2002 : nous y soutenions cette suppression sous la condition explicite qu’elle soit financée par une hausse de la redevance. Je tiens ce programme à la disposition de ceux qui le souhaitent.
Tout dérape en mai 2008, lorsque M. Sarkozy annonce, au beau milieu des travaux de la commission Copé, qu’il exclut toute augmentation de la redevance. C’est à notre sens la première rupture. C’est à partir de là que la commission Copé, qui jusque là avait très bien travaillé, a vu son fonctionnement profondément déstabilisé – notamment par le départ de nos collègues socialistes – et la pertinence de ses propositions remise en cause. C’est alors que commence le désormais fameux concours Lépine de la meilleure taxe destinée à compenser la perte des recettes publicitaires.
Cette première rupture marque le début de l’opposition des centristes à la suppression de la publicité. En leur nom, je rends alors officiel notre désaccord, dans une contribution qui constitue l’annexe 8 du rapport Copé.
La seconde rupture, qui invalide de manière décisive le choix de supprimer la publicité dès 2009, est la crise économique qui secoue notre pays.
Au moment de l’annonce de la suppression de la publicité, la conjoncture économique ne laissait pas présager une crise d’une telle ampleur. Mais aujourd’hui, la crise est là, et sans doute pour deux ans ! Le déficit public devait être de quarante-deux milliards ; nous terminerons sans doute l’année à cinquante-deux milliards ! Madame la ministre de la culture et de la communication, persévérer serait commettre une erreur de calendrier majeure.
Je veux ici m’adresser tout particulièrement à mes amis de la majorité présidentielle. Qu’avons-nous fait de nos convictions en matière de fiscalité et de finances publiques ?
Pensons-nous vraiment que le moment est venu de supprimer 800 millions d’euros de recettes privées pour les remplacer par deux prélèvements obligatoires supplémentaires ? Franchement, nous n’avons pas été élus pour cela !
Moi qui ai mené à peu près les mêmes combats électoraux que vous, je vous renvoie aux sages propos tenus par Édouard Balladur ou Gilles Carrez, estimant que cette réforme n’est ni urgente ni prioritaire, ou encore hier matin par Jean-Pierre Raffarin, affirmant que cette loi n’était vraiment pas la priorité des priorités.
Ne prenons pas le risque de déstabiliser notre service public audiovisuel pour une réforme qui n’a rien d’urgent. Combien de personnes sont venues dans vos permanences pour vous demander la suppression de la publicité ?
Aucune ! À supposer qu’il faille maintenir ces deux impôts, 800 millions d’euros d’argent public représentent ce qu’il faudrait à l’hôpital public pour qu’il soit à l’équilibre. N’y a-t-il rien à faire de mieux, de plus urgent, en pleine crise, que de supprimer la publicité sur les chaînes du service public ?
À l’image de Marie-Antoinette jouant la bergère au Trianon en 1788,... je ne voudrais pas que, dans quelques années, on parle de l’année 2008 en disant que pendant que les problèmes s’accumulaient, l'Assemblée nationale affectait des deniers publics à cette grande cause nationale qu’est la suppression de la publicité sur l’audiovisuel public !
Je voudrais aussi tordre le cou à une idée fausse : certains pensent en effet qu’il est trop tard, que la réforme est déjà engagée à France Télévisions. C’est faux ! La régie publicitaire de France Télévisions est encore en place ; elle s’est fixé un objectif de 200 millions d’euros et elle peut remonter en puissance très rapidement.
De surcroît, le découpage prévu pour la suppression de la publicité est, à notre avis, ni fait ni à faire. Les chaînes privées n’auront aucune concurrence de vingt heures à six heures, tandis que celle-ci sera exacerbée pendant le reste du temps. Les effets nocifs de ce découpage se font déjà sentir sur la disparition de la reprise des titres nationaux sur France 3.
Mes chers collègues, je vous demande très solennellement de ne pas commettre cette erreur de calendrier. Une autre stratégie est possible : elle comporte trois volets. Tout d’abord, la partie du texte relative à la transformation de France Télévisions en entreprise unique serait immédiatement appliquée. Ensuite, le début de la suppression progressive de la publicité serait reportée au 1er janvier 2012 – c’est ce que demandent MM. Balladur, Carrez et bien d’autres. Enfin, la disparition progressive de la publicité de 2012 à 2016 serait financée par une hausse progressive et raisonnable de la redevance de dix euros par an.
Je sais bien l’exaspération qu’ont pu engendrer chez certains d’entre vous deux semaines d’obstruction de l’opposition. Mais nous sommes maintenant au cœur du texte. Chacun d’entre nous est placé devant ses responsabilités. Le Parlement sortira grandi de cette épreuve s’il sait faire le tri, dans cette loi, entre ce qui est urgent et ce qui ne l’est pas, entre ce qui est pertinent et ce qui est un véritable contresens.
Voilà ce que Jean-François Copé considère comme des affres... Je ne vois ni effroi ni angoisse dans le raisonnement de Jean Dionis du Séjour. Je vois au contraire un vrai travail de parlementaire, documenté, argumenté, et un comportement en conscience. Je comprends donc que le Maire de Meaux ait été choqué... il n'y a que la vérité qui blesse, dit-on.
Rappelons-lui ce qu'est la langue de bois: une forme d'expression qui, notamment en matière politique, vise à dissimuler une incompétence ou une réticence à aborder un sujet en proclamant des banalités abstraites, pompeuses, ou qui font plus appel aux sentiments qu'aux faits.
Promesse non tenue. Ça s'appelle aussi une rechute.
Aurélien
1 commentaires:
Coucou, article super intéressant alors un grand merci à toi.
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