En écho au plus récent billet de Quitterie Delmas relayant une lettre d'Edgar Morin adressée aux trois candidats au poste de Premier Secrétaire du Parti Socialiste, voici un simple extrait d'une entrevue que le sociologue avait accordée à l'hebdomadaire Le Point au début du mois:
Alors que le pessimisme est de mise sur l’avenir de notre civilisation, vous annoncez une « nouvelle espérance ». Vœu pieux ?
Le probable est que le vaisseau spatial Terre court à la catastrophe. Mais l’improbable peut advenir. Plus une crise s’aggrave, plus elle renforce, paradoxalement, la conscience de la gravité du problème. D’où la formule de Hölderlin : « Là où croît le péril croît aussi ce qui sauve . » Aujourd’hui, on doit lier conservation et révolution. Je préfère parler de métamorphose. Les sociétés recèlent l’équivalent des cellules souches, à l’image de celles qui, dans un être humain, sont capables de régénérer l’organisme. Quand une chenille entre dans sa chrysalide, elle suit un processus d’autodestruction autant que d’autocréation. Je pense que nous sommes entrés dans un processus de métamorphose historique, sans qu’il soit possible d’en prévoir les formes ni l’accomplissement. Les forces multiples qui vont dans ce sens sont encore dispersées. Peut-être un jour se rejoindront-elles. Un jour, s’il n’est pas trop tard, s’affermira la conscience qu’il faut changer de voie. Ainsi, il y a une possibilité d’espérance qui ne soit ni illusoire ni trompeuse.
En ce sens, dans sa lettre adressée à Ségolène Royal, Martine Aubry et Benoît Hamon, Edgar Morin esquisse la première réforme à accomplir: celle de la pensée.
Il nous faut une pensée apte à saisir la multidimensionnalité des réalités, à reconnaître le jeu des interactions et rétroactions, à affronter les complexités plutôt que de céder aux manichéismes idéologiques ou aux mutilations technocratiques (qui ne reconnaissent que des réalités arbitrairement compartimentées, sont aveugles à ce qui n'est pas quantifiable, et ignorent les complexités humaines). Il nous faut abandonner la fausse rationalité. Les besoins humains ne sont pas seulement économiques et techniques, mais aussi affectifs et mythologiques.
Une urgence, pour que l'outil politique soit aussi efficace que possible pour accompagner cette métamorphose, me saute aux yeux. Il faut impérativement refuser que la sphère politique soit exclusivement réservée aux mains des experts, des technocrates, des statisticiens, etc... Sans rejeter ces derniers, il faut à tout prix leur associer intellectuels, artistes, chercheurs... Plutôt éveiller les consciences et vocations qu'empiler des rapports ; plutôt diversifier que réduire, relier que compartimenter, assouplir que rigidifier.
En d'autres termes, nous entrons dans une phase où le monde politique ne peut plus ignorer la société civile mais doit au contraire pleinement s'y associer, une idée primordiale au MoDem.
Pour lire ou relire les épisodes précédents, c'est par ici:
Les Jeudis d'Edgar - 01 - Le problème d'une démocratie cognitive
Les Jeudis d'Edgar - 02 - Appel pour les biens communs
Les Jeudis d'Edgar - 03 - Travailler à "bien penser"
Les Jeudis d'Edgar - 04 - Retour aux sources
Les Jeudis d'Edgar - 05 - L'évadé du paradigme
Aurélien
4 commentaires:
Très bonne analyse.
j'ai 50 ans et je découvre l'oeuvre d'Edgar Morin avec un bonheur et un appétit toujours renouvelé. Il aiguise ma conscience et ma pensée...
C'est avec beaucoup de plaisir que je consulte votre rendez-vous du jeudi, merci de nous offrir votre pensée en lien avec la sienne.
Merci pour ce commentaire encourageant Marie-Anne.
je passe en coup de vent pour te souhaité une bonne fin de journée gros bisous
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