vendredi 16 mai 2008

Je ne crois pas en la croissance

Depuis l'élection de Nicolas Sarkozy en mai 2007 nous assistons à un échange de piques entre la majorité et l'opposition sur les inquiétudes des Français quant au pouvoir d'achat, la croissance, l'emploi, etc... Depuis 1 an l'opposition n'a de cesse de faire un bilan hâtif de l'action du Président, afin de lui faire porter la responsabilité de la morosité ambiante, tandis que du côté du pouvoir on ne se lasse pas de répéter qu'il faut être patient en attendant de pouvoir ressentir les résultats des réformes.


Le 20 Septembre 2007, sur TF1, Nicolas Sarkozy déclarait:

"Sur la croissance, 2007, je n'y suis quand même pour rien ! 2008, on va essayer de la doper et, 2009, ce sera la mienne···"

La riposte de l'opposition ne se faisait pas attendre par un François Hollande ironique:

"Sur la croissance il dit "2007, ce n'est pas moi", 2008 ce n'est pas encore lui, peut-être qu'en 2009 il acceptera de rendre des comptes sur les résultats économiques."

Mise en scène classique donc, rôles respectifs parfaitement maîtrisés et scénario convenu.

C'était sans compter sur un retournement de situation aussi soudain qu' imprévisible. Le gouvernement exulte, la Ministre des Finances jubile, croyez le ou non, la croissance croît!

La croissance! Depuis plusieurs années nos élus n'ont que ce mot à la bouche. Il est devenu la référence, le point de repère ultime permettant de mesurer l'efficacité de l'action politique nationale. Alors même que de plus en plus d'économistes. sociologues ou écologistes se penchent sur l'urgence éventuelle d'une décroissance, le gouvernement français, comme la plupart de ses voisins européens, ne jure que par la croissance. Si une économie en santé n'est pas l'alpha et l'oméga du bonheur, il faut bien avouer que le taux de croissance reste un indicateur tout à fait fiable de la vitalité économique (mais uniquement économique) d'un pays. Je me souviens d'un cours d'économie où l'on nous annonçait que chaque point de croissance annuelle correspondait environ à 500 000 emplois créés.

Ainsi, selon l' I.N.S.E.E., la croissance française pour 2007 aura été meilleure que prévue, (2,1% contre 1,9%), tout comme celle pour le premier trimestre de 2008 (0,6% contre 0,3%). Deux bonnes nouvelles pour le prix d'une.

Immédiatement, dans la sphère politique, les rôles s'inversent: Nicolas Sarkozy, qui jurait sur sa rolex n'y être pour rien en 2007, y voit les premiers résultats du fameux "Paquet fiscal" tant décrié. À gauche on fustige l'autosatisfaction jubilatoire du gouvernement devant des résultats pas si flamboyants et des prédictions toujours aussi alarmantes quant au déficit ou au retard par rapport à l'ensemble de la zone Euro, qui affiche un taux de croissance de 2,6%.

Passe d'armes toute aussi convenue et qui fait même sourire, malgré la gravité de la situation.


Mais tentons d'aller au-delà... Quels enseignements tirer de cette actualité économique et du pas de deux des élus français sur le sujet?

D'abord, les résultats annoncés ne sont pas bons mais ne représentent une bonne nouvelle que parce qu'ils sont moins mauvais que ceux prévus. Difficile, et déplacé, dans ce cas, de jubiler. On peut par ailleurs s'interroger sur leur crédibilité quand ils annoncent également, sur la même période, une hausse du pouvoir d'achat... Le gouvernement aurait ainsi raison de rester humble et patient quant aux résultats réels de son action. Tout juste peut-il respirer et envisager l'avenir un peu plus sereinement. C'est au mieux un sursis, et non un succès, au pire une illusion que personne ne souhaite.

Ensuite, à l'image du premier d'entre eux, nos élus sont aussi opportunistes qu' impuissants. Derrière les contradictions, le dégagement de toute responsabilité puis l'auto congratulation pour un même fait, se cache en effet leur réelle incapacité non seulement à agir, mais aussi, et surtout, à comprendre le monde dans lequel ils doivent nous guider et donc, à fortiori, élaborer les outils efficaces et nécessaires aux progrès économique, social et environnemental.

Enfin, cette impuissance ne vient pas des hommes et femmes de pouvoir mais du modèle économique qu'ils s'efforcent de faire fonctionner alors qu'il est, par définition, destiné à devenir incontrôlable. Quand tous les spécialistes, TOUS, du petit chroniqueur de presse locale au patron du F.M.I., sont incapables de faire une prévision fiable pour la planète économique à l'horizon d'une seule année, comment bâtir un projet politique national cohérent, pour un pays aussi dépendant de l'ordre mondial que la France, sur le moyen et long terme?

Comment y croire?

Pourquoi se forcer à y croire?

L'être humain voit sa taille moyenne croître depuis des siècles. Pour autant il ne mesurera jamais 3 mètres parce que son métabolisme et la gravité terrestre, entre autres, l'en empêchent. Nous savons tous, au fond de nous, j'en suis persuadé, que le monde se régule, recherche perpétuellement, et dans tous ces aspects, un équilibre. Dans la nature, tout système est contraint par ses propres limites et par des forces extérieures. Ce n'est pas un défaut mais une nécessité, c'est ce qui lui permet d'être viable, par lui-même, sans pour autant perturber sa biosphère. Idem en économie. La croissance perpétuelle n'est pas simplement à proscrire. Elle n'est pas seulement dangereuse. Elle est impossible.


Aurélien

3 commentaires:

Anonyme a dit…

J'aime j'aime j'aime... votre style d'écriture et vos idées. Un jour peut-etre...

Continuez...

Aurélien a dit…

L'anonymat d'un compliment est tellement plus dur à accepter que l'anonymat d'une insulte...

voyance gratuite en ligne a dit…

Je vais en rajouter une petite couche en te disant merci pour ce blog à la fois ludique et intelligent. C’est un vrai plaisir que de venir y naviguer.

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