vendredi 6 mars 2009

Symptôme d'une démocratie décadente

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Nicolas Sarkozy a décidé de compléter le processus de réintégration de la France dans les structures militaires de l'OTAN. Encore une rupture. Encore une polémique. Une polémique qui gagne tous les partis politiques ; preuve que la question ne relève pas d'une idéologie de droite, du centre ou de gauche, mais de l'atlantisme des uns face au souverainisme géopolitique et géostratégique des autres.


Ce qui est certain, c'est que cette rupture est essentiellement symbolique. À peu près tout le monde s'entend là-dessus, que l'on soit pour ou contre. Le ministre de la défense l'a d'ailleurs dit lui-même: cette réintégration concrètement ne change rien. Ce n'est pas tout à fait vrai. En effet, concrètement, il s'agit pour l'état-major français de récupérer quelques postes de commandements plus ou moins importants. Au passage, cela signifie que, malgré des conditions exigées par la France et non encore remplies, les négociations ont eu lieu et que tout est déjà ficelé... passons. Au-delà de ces quelques postes, la France est déjà si impliquée dans les rouages de l'OTAN que sa réintégration totale ne représenterait que le dernier pas d'une longue marche entamée sous la présidence de François Mitterrand.


C'est sur le plan symbolique que cette décision ébranle majorité et opposition. La France y perdrait son indépendance, sa liberté de parole et d'action. C'est en effet symbolique mais ce n'est pas pour autant insignifiant. Sur le plan international, et même jusqu'à Washington, la voix française était jusqu'ici écoutée, respectée comme celle d'ami fidèle mais libre. Pour les plus faibles elle pouvait représenter un recours. Ce n'est pas le cas, ou alors dans des proportions bien moindres, de la voix britannique, par exemple, véritable écho des États-Unis depuis des décennies.

Est-il pertinent de remettre cette liberté, garante d'une certaine autorité, en question? Dans un contexte international de multiplication des crises, de prolifération des armes nucléaires, d'émergence de nouvelles puissances et de terrorisme global, est-il perspicace de rogner sa liberté pour se ranger dans un bloc créé dans un contexte tout autre? Et puis, à trois mois des élections européennes, quelles conséquences pour une défense européenne?

Le débat est nécessaire. Un vrai débat, à la fois pédagogique, transparent et serein. D'autant que, comme l'a dit François Bayrou, c'est un aller sans retour. Ce n'est pas une décision que l'on pourra renier en 2012, pas même en 2017. En ce sens je supporte son avis de tenir un référendum sur la question, même si le débat serait inévitablement pollué par d'autres questions et risquerait de muter en un référendum pour ou contre Nicolas Sarkozy.

François Fillon a (reçu l'ordre élyséen de) décider d'opter pour un débat à l'Assemblée Nationale suivi d'un vote engageant la responsabilité de son gouvernement. C'est à priori mieux que rien mais dans l'état actuel du parlement, c'est, justement, rien. Les élus ne savent plus voter en conscience. Ils se rangent systématiquement derrière leurs étiquettes. C'est une dérive démocratique si établie que certains députés en parlent ouvertement, au point de considérer l'engagement de la responsabilité du gouvernement comme une façon de museler l'opposition interne à la majorité UMP. Ils ont certainement raison, mais quel aveu de démission de leur mission première de représenter le peuple et de défendre en conscience l'intérêt général! Et quand ce n'est pas pour obéir au chef de la droite, c'est pour ne surtout pas voter comme la gauche, peu importe qu'elle puisse avoir raison.

Et voilà comment sur une décision majeure, qui aura un impact sur le destin de la France, de l'Europe et du Monde pour les prochaines décennies, on se contente d'un débat parlementaire tronqué, biaisé puisque tout a déjà été décidé, et sanctionné par un vote verrouillé. Le peuple est dépossédé de la souveraineté nationale qui lui appartient constitutionnellement. Avant de juger du bien fondé de cette réintégration, c'est sur le caractère anti-démocratique du processus décisionnel que les démocrates, d'où qu'ils viennent, doivent se mobiliser.


Aurélien

3 commentaires:

Anonyme a dit…

tout à fait d'accord avec vous, c'est un bon billet que je publierai prochainement à mon tour si vous me le permettez.

Aurélien a dit…

Merci OS. Je permets, je permets. :)

Anonyme a dit…
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